L’association de consommateurs UFC-Que choisir tire la sonnette d’alarme sur les risques de fraude liés au prélèvement SEPA, et en profite pour dénoncer les défaillances des banques en matière d’information des consommateurs sur le sujet, allant jusqu’à saisir le régulateur sur cette question. Explications.

« Ouf ». C’est par cette marque de soulagement que Maxime Chipoy, chargé des études à l’UFC-Que choisir, a débuté ce mardi matin son intervention sur le SEPA, dans le cadre d’un point presse organisé par l’association de consommateurs. Un « ouf » qui fait référence au report de six mois, décidé par la commission européenne, de la date-limite de mise en œuvre de la nouvelle norme SEPA pour les prélèvements sur compte bancaire. « Les banques n’étaient pas prêtes, ni en termes de services aux entreprises, ni en matière d’information du consommateur », a-t-il justifié.

Entrée en vigueur en octobre 2009, la directive européenne sur les services de paiement (DSP) s’est donnée comme objectif de permettre à tous les habitants de l’Union Européenne de réaliser des paiements en euros dans des conditions identiques, quel que soit leur pays. Pour parvenir à cet espace unique des paiements en euros (SEPA), le texte a modifié la réglementation en matière de paiements et de retraits par carte. La dernière étape de la transition devait intervenir le 1er février prochain, avec le passage définitif des virements et des prélèvements des divers formats nationaux au format unique européen. Mais devant l’impréparation de certaines entreprises (40% seulement des prélèvements effectués en France actuellement sont conformes à la norme), Bruxelles a préféré accorder un nouveau délai, jusqu’au 1er août 2014.

Lire à ce propos : Prélèvements SEPA : Bruxelles repousse de six mois le délai pour les entreprises

Des « conséquences considérables » pour le consommateur

Selon l’UFC-Que choisir, les entreprises ne sont pas les seules à être en retard dans le processus de migration. « Nous lançons l’alerte », a ainsi expliqué Alain Bazot, le président de l’association. A rebours de certains discours, il a estimé que la transition ne concernait pas, loin de là, les seuls professionnels. « Le prélèvement SEPA a également des conséquences considérables pour les consommateurs. Pourtant, le sujet reste parfaitement confidentiel, à part quelques initiés » a-t-il déploré.

Le nouveau cadre modifie en effet la donne pour les usagers. Jusqu’ici, la mise en place d’un prélèvement national faisait intervenir trois parties : le consommateur donnait un mandat de prélèvement à son fournisseur (d’électricité, de gaz, de téléphone, etc.) mais aussi à sa banque. Le premier l’utilisait pour effectuer le prélèvement, la seconde étant censée contrôler la correspondance entre le mandat et le créancier. Le cadre SEPA supprime la seconde partie du processus : c’est le fournisseur qui gère seul le mandat. Le consommateur ne s’adresse alors à sa banque que pour contester un prélèvement frauduleux et demander le remboursement des sommes. « Cela fait une grande différence en termes de sécurité », a expliqué Maxime Chipoy. En résumé : le nouveau prélèvement SEPA multiplie les risques de fraude, et le risque qu’elle passe inaperçue.

Des mécanismes de sécurité passés sous silence

Le règlement européen a toutefois prévu des garde-fous. L’usager, en effet, peut définir une « liste blanche » (l’expression est de l’UFC) d’opérateurs autorisés à prélever son compte, à l’exclusion de tous les autres, ou encore une « liste noire » de créanciers qui ne peuvent prélever le compte. Il peut également limiter en montant et en fréquence les prélèvements autorisés, et ce pour chaque créancier. Problème : selon l’UFC-Que choisir, les banques n’ont pas, ou peu, informé leurs clients sur ces nouveaux droits, alors qu’elles en ont l’obligation, selon le règlement SEPA.

Une enquête de terrain, conduite par l’UFC-Que choisir dans 331 agences bancaires, vient le confirmer : seules 2,6% d’entre elles proposent une information sur le SEPA sous forme d’affiche, et 8% sous forme de brochures en libre-service. Rares sont aussi les banques à avoir informé directement leurs clients, en leur envoyant un courrier ou un mail. « Le seul bon exemple en la matière est BNP Paribas » a expliqué Maxime Chipoy, « qui affiche une information complète sur ses relevés de compte ».

Du coup, l’association de consommateurs a annoncé avoir saisi l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), régulateur du secteur bancaire, « pour qu’elle contrôle et sanctionne le non-respect par les banques de la réglementation relative au SEPA », explique un communiqué de l’association.

Tarification : appel à la vigilance des clients

Autre « risque » pour les consommateurs : l’adaptation de la facturation des banques à la nouvelle donne. « Nous refusons que le SEPA devienne un effet d’aubaine pour [elles], alors que son objectif est inverse : permettre des économies d’échelle et donc des baisses des coûts pour le consommateur » a poursuivi Maxime Chipoy.

L’association appelle donc à la vigilance des clients, sur trois tendances à l’œuvre actuellement. Première d’entre elles : la facturation de frais de mise en place (prévue par environ 40% des enseignes) pour la simple conversion à la norme SEPA d’un ancien prélèvement. Dans ce cas, les banques ont toutefois, selon l’UFC, l’obligation de rembourser a posteriori leur client. Deuxième tendance : la création de nouvelles lignes tarifaires spécifiquement pour la transition. L’association cite ainsi le cas de certaines caisses du Crédit Agricole, qui facturent depuis peu des « frais d’information sur le passage d’un nouveau prélèvement SEPA », sous la forme de courrier ou de SMS.

Troisième point de vigilance, enfin : la facturation de frais devenus sans objet. Selon l’association de consommateurs, « contrairement au prélèvement national, le mandat de prélèvement SEPA est géré sur l’ensemble de sa durée de vie par le créancier. Les frais perçus par les banques pour la gestion des mandats perdent donc leur raison d’être ». Pour autant, le relevé des tarifs opéré par l’UFC montre que, outre les 40% qui continuent à facturer des frais de mise en place, 30% des banques encaissent encore des frais de révocation. « Ce n’est pas illégal », a expliqué Maxime Chipoy, le règlement européen ne prévoyant aucune contrainte en matière de tarification. Mais pas très fair-play, assurément.