Présent à Paris pour participer au cercle de conférences LeWeb, David Marcus, le PDG de PayPal, a vanté à la presse Beacon, un moyen de paiement « invisible » qui sera lancé l’an prochain. Mais une telle technologie, qui permet de « payer sans rien faire », est-elle vraiment attendue par les consommateurs ? Rien n’est moins sûr.

La semaine passée, Amazon, leader mondial du e-commerce, s’est offert un joli coup de pub lorsque son patron Jeff Bezos a évoqué, au cours d’un entretien diffusé à la télévision américaine, le projet « Prime Air ». Sous 4 à 5 ans, a expliqué Bezos, Amazon sera capable de livrer des paquets jusqu’à 2,3 kg grâce à des octocoptères, petits engins volants téléguidés. Un projet qui ne résiste pas à l’épreuve des faits (interdiction des vols de drones civils, autonomie restreinte des octocoptères, problème du dépôt du colis, etc.) mais qui a atteint son objectif : faire parler de la marque.

Toutes proportions gardées, une autre marque phare de l’âge internet, PayPal, tente actuellement un coup comparable. A Paris pour participer au cycle de conférence LeWeb, le PDG du leader mondial des paiements en ligne, David Marcus, a accordé plusieurs interviews, dans lesquelles il disserte sur le futur des moyens de paiement, qui se situerait selon lui dans le « paiement invisible ». Voici, en vidéo (et en anglais), à quoi cela ressemblerait :

« Payer sans rien faire »

Comme le drone d’Amazon, le projet de PayPal n’est pas, à proprement parler, de la science-fiction : il s’appuie sur une technologie relativement mûre, le Bluetooth Low Energy (BLE), qui permet à des appareils électroniques de communiquer entre eux à courte distance, dans un rayon de quelques dizaines de mètres. Cette alternative au NFC (Near Field Communication) équipe déjà nombre de smartphones récents. PayPal, de son côté, proposera donc dès 2014 Beacon, sorte de grosse clé USB qui se branche sur un ordinateur et permet d’interagir avec ces smartphones, à condition qu’y soit installée une application dédiée. « Avec Beacon, on n’a plus rien à faire », explique ainsi David Marcus dans une interview à 20 minutes. « L’application est installée, vous arrivez dans un magasin, votre photo apparaît sur la caisse, on peut se rappeler de vos préférences. Une fois servi vous avez payé sans avoir ouvert votre sac. »

L’intérêt pour PayPal est évident : Beacon doit permettre au leader mondial du paiement sur internet de s’insinuer dans les commerces physiques, secteur dont il est encore largement absent. Celui du commerçant saute également aux yeux : grâce au petit boîtier, il sera capable de détecter la trace numérique d’un client déjà enregistré dans sa base lorsqu’il passe à proximité de son magasin, d’accéder à son historique et donc de connaître immédiatement ses habitudes et préférences d’achat. Ce faisant, comme le montre la vidéo, il pourra le solliciter commercialement en lui faisant une proposition sur mesure. Dans sa dimension de moyen de paiement, Beacon permettrait également de réduire les files d’attente en caisse et, plus généralement, les « frictions » qui poussent parfois un client à renoncer à un achat.

Intrusif

La technologie pose par contre plus de questions côté client. Les consommateurs sont-ils prêts à adopter un moyen de paiement aussi intrusif, qui détecte leur présence dans un lieu, les identifie et fournit des informations sur leurs comportements d’achat ? Souhaitent-ils vraiment payer « sans rien faire », au risque de succomber à la première impulsion d’achat ? Il est permis d’en douter.

Pour mémoire, dans un pays comme la France, dont la population est parmi les mieux équipées en objets technologiques au monde, 2,8 milliards de chèques ont encore été émis en 2012 (1). Et le moyen de paiement le plus utilisé, la carte bancaire (47% du volume total des paiements en 2012) est loin d’être sur le déclin, puisque son usage a encore progressé de 7,1% au cours de la même année. A supposer que les consommateurs trouvent un réel intérêt aux moyens de paiement mobile du type Beacon (ce qui reste encore à prouver), les usages seront de toute façon très longs à se mettre en place, tant l’inertie est importante en matière de moyens de paiement. Mais en attendant, PayPal a réussi son coup de pub.

(1) Source : Statistiques de paiements de la BCE, septembre 2013.