La pénurie et la forte hausse des prix des matériaux (bois, acier, PVC…) frappent de plein fouet le secteur du bâtiment. Faut-il attendre avant de faire des travaux ou avant de lancer un projet de construction ? Ou au contraire foncer afin d'éviter de nouvelles augmentations ?

C’est un effet collatéral de la sortie de crise de l’épidémie de coronavirus : les prix de certaines matières comme le bois, l’aluminium ou encore l’acier flambent depuis le début de l’année. Avec la reprise en Chine, puis aux Etats-Unis et en Europe, la demande explose et l’offre a du mal à suivre avec des répercussions concrètes chez nous pour les entreprises du secteur du bâtiment, et bien sûr en bout de chaîne pour les particuliers.

« Les remontées du terrain confirment cet emballement avec des annonces de hausses régulièrement à +30%, voire plus encore, pour une gamme de plus en plus large de produits bâtiment », explique la Fédération française du bâtiment (FFB) dans sa dernière note de conjoncture publiée mardi. A l’occasion d’une conférence de presse, Olivier Salleron, président de la FFB, a tiré hier la sonnette d’alarme craignant que cette situation entraîne un coup d’arrêt pour le secteur dont l’activité a progressé au premier semestre de 11% sur un an : « La situation ressort très tendue, dans la plupart des métiers et sur tout le territoire. Nous ne connaissons pas le terme de cette crise, mais savons qu’elle menace de stopper net l’amorce de relance constatée. »

1- Quelle conséquence sur les devis signés ?

Les particuliers qui ont signé des devis pour réaliser des travaux ou fait construire leur maison doivent s’attendre à des délais supplémentaires pour que leur projet soit mené à bien. C’est ce que confirme Thierry Gesset-Parment, président de la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) en Ile-de-France. Ce chef d’entreprise, couvreur-zingueur à La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), explique que pour un de ses chantiers, le délai de fourniture des matériaux vient de passer de 4 semaines en temps ordinaire à 8 semaines.

Même son de cloche chez le courtier illiCO travaux à Strasbourg : « Pour obtenir des menuiseries extérieures, l'attente passe de 6 semaines à 12 semaines. Et encore, nous avons la chance d’être proche de l’Allemagne, ce qui permet d’avoir d’autres sources d'approvisionnement », explique Nicola Pomilio, le responsable de l'agence locale. Difficile cependant de tabler sur un délai moyen de retard. « C’est un peu la grande loterie », lâche-t-on du côté de la FFB. Il faut donc prendre son mal en patience. Mais quel impact sur la facture finale ? « Une fois que le devis est signé, on ne va pas le revoir à la hausse. Commercialement, c’est compliqué », rassure Nicola Pomilio.

2- Quel impact pour les devis à venir ?

La situation est très différente pour ceux qui n’ont pas encore « topé » avec les artisans. Là, il va être très difficile de couper à des hausses, en plus des retards. Pour la construction d'un pavillon, il faut s’attendre à un budget global en hausse de 6 à 7%, calcule la FFB. Un bien acheté via un promoteur, même si celui-ci pourra rogner sur la marge du foncier, aura du mal aussi à échapper à une augmentation. Mi-avril, la Capeb estimait que cette « situation critique » pourrait aussi « être dommageable pour certaines catégories de travaux aidés dans le cadre de MaPrimeRénov ». Dans la mesure où cette aide financière proposée par l'Etat pour la rénovation thermique des logements est basée sur des calculs de coût au m2, le reste à charge des bénéficiaires des aides risque d’augmenter.

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3- Faut-il repousser son projet ?

Dans ce contexte, les clients ont-ils intérêt à signer maintenant un devis pour réaliser leurs projets ou plutôt d’attendre un retour à la normale ? Selon Nicola Pomilio, un seul de ses prospects a remis ses plans à plus tard au cours des dernières semaines. Tous les autres ont continué à aller de l’avant d'autant plus que de nouvelles hausses sont attendues dans les semaines à venir.

S'il est toujours possible de négocier le devis, la manœuvre est difficile. « Dans un secteur où la marge moyenne des entreprises dépasse rarement les 3 à 5%, des hausses de prix de cette nature-là sont forcément répercutées sur les devis. Mais nous n’avons pas de visibilité sur la sortie de cette situation. Nous sommes tributaires de la demande des autres pays, en Europe, en Chine ou aux Etats-Unis. Nous ne connaissons pas non plus les délais nécessaires pour restructurer les filières et reconstituer des stocks. Nous ne pouvons pas conseiller aux particuliers de différer leurs projets, nous n’avons aucune certitude que les prix retrouveront leur niveau d’avant Covid », souligne Julian Zapata, secrétaire général de la Capeb Bretagne.

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Faut-il attendre avant de se lancer ? A chacun de prendre son pari. Du côté de la FFB, on pointe un autre nuage à l’horizon : une éventuelle remontée des taux d’intérêt. Plusieurs courtiers s’interrogent d'ailleurs, ces dernières semaines, sur une hausse des taux immo à l’automne, aujourd’hui au plus bas.

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Des effets pervers

« Ces deux phénomènes (prix et pénurie) entraînent bien évidemment des difficultés dans la réalisation de certains chantiers, et peuvent même mettre nos entreprises en difficulté. Nous commençons à voir des entreprises qui font des demandes de chômage partiel pour leurs salariés, ce qui est complétement paradoxal dans cette période où l’activité repart fortement », explique Julian Zapata de la Capeb Bretagne.

Mais ce n’est pas tout. « Certaines entreprises dénoncent des contrats signés, car la pénalité qu’elles encourent s’avère plus faible que la perte qu’elles subiraient en réalisant le chantier sans révision de son prix », complète Olivier Salleron. La FFB demande d'ailleurs un gel des pénalités en cas de retard de livraison sur les marchés publics comme privés. Dans un contrat de construction, par exemple, le montant minimum des pénalités de retard est de 1/3000e du prix de la construction par jour.

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