Prêt viager hypothécaire

Le Prêt viager hypothécaire est un crédit à la consommation qui utilise la valeur d'un patrimoine immobilier comme garantie. Dispositif mis en place en 2006, qui a évolué en 2015 avec une variante « prêt avance mutation », il a pour but de faciliter aux seniors l'accès au crédit. Mais ce type de prêt reste néanmoins très peu utilisé.

Le prêt viager hypothécaire a fait son entrée dans le droit français, à l'occasion de la réforme des sûretés, par l'ordonnance du 23 mars 2006 qui a notamment permis d'allonger la durée de l'inscription hypothécaire jusqu'à 50 ans. Il est inspiré du « reverse mortgage » (ou hypothèque inversée) en vigueur dans le droit anglo-saxon et mis en œuvre dans d'autres pays européens comme l'Espagne.

Le principe du prêt viager hypothécaire

Le prêt viager hypothécaire est un prêt personnel garanti par une hypothèque inscrite sur un bien immobilier appartenant à l'emprunteur, consenti sans assurance-décès.

Ce prêt ne nécessite aucun remboursement régulier de la part de l'emprunteur. La loi de transition énergétique¹ a cependant ajouté une possibilité de remboursement périodique pour les seuls intérêts.

Ce n'est qu'au moment du décès de l'emprunteur (ou lors de la vente ou de la mutation du bien immobilier s'ils interviennent avant) que le prêt sera automatiquement remboursé, la dette ne pouvant jamais excéder la valeur du bien immobilier appréciée au jour de l'échéance du terme.

Les déclinaisons du prêt viager hypothécaire

Le système du prêt viager hypothécaire s'est décliné en deux autres types de prêts, destinés à financer la rénovation des logements appelés « passsoires énergétiques ». Dès 2015¹, le prêt avance mutation est proposé à la commercialisation par certains établissements de crédit. Cette désignation plus moderne du prêt viager hypothécaire peut être utilisée lorsque celui-ci est destiné à financer des travaux de rénovation (amélioration, confort ou économies d'énergie).

Depuis le 1er janvier 2022, un nouveau prêt hypothécaire a vu le jour : le prêt avance rénovation. Toujours destiné à financer les travaux de rénovation énergétique, il est cette fois proposé uniquement aux personnes modestes à très modestes. Aujourd'hui, seuls deux établissements de crédit distribuent ce prêt.

Sauf spécificités, la réglementation du prêt viager hypothécaire s'applique aux prêts avance mutation et rénovation.

Qui peut bénéficier du prêt viager hypothécaire ?

L'emprunteur est obligatoirement une personne physique (les SCI et les associations sont exclues du dispositif). Il n'y a aucune condition d'âge, de niveau de ressources (sauf pour le prêt avance rénovation), ou d'état de santé pour en bénéficier. Dans les faits, les rares banques qui le commercialisent le proposent à leurs clients âgés de 65 ans et plus.

Les opérations finançables par un prêt viager hypothécaire

Ce prêt a pour vocation de financer les besoins personnels de l'emprunteur : frais de santé, aide à domicile, maison de retraite, travaux d'amélioration ou d'entretien d'un immeuble, véhicule, voyages, loisirs, études des petits-enfants,... A peine de nullité, il ne peut pas financer les besoins professionnels de l'emprunteur.

Les prêts avance mutation et rénovation ne peuvent, quant à eux, financer que des travaux en lien avec la rénovation énergique des résidences principales.

Caractéristiques du contrat de prêt viager hypothécaire ou du contrat prêt avance mutation

L'offre préalable de prêt viager hypothécaire ou de prêt avance mutation doit comporter des mentions obligatoires prévues par l'article L315-9 du code de la consommation avec notamment :

  • l'identité des parties et la date d'acceptation de l'offre,
  • la désignation exacte du bien pris en hypothèque conforme aux exigences de la publicité foncière,
  • la valeur du bien hypothéqué estimée par un expert choisi par les parties et les frais afférents à l'expertise mis à la charge de l'emprunteur (attention, dans le cas d'un prêt avance mutation, l'estimation peut être réalisée par l'établissement prêteur) ;
  • la nature du prêt,
  • les modalités du prêt, précisant les dates et les conditions de mise à disposition des fonds,
  • en cas de versements échelonnés du capital, l'échéancier des versements périodiques distinguant la part du capital de celle des intérêts accumulés sur ces sommes durant la durée prévisionnelle du prêt et permettant à l'emprunteur de connaître le moment où il aura épuisé l'actif net de son logement,
  • à partir d'exemples représentatifs établis en fonction d'hypothèses relatives, notamment, à la durée du prêt : le coût global du crédit, le taux effectif global défini conformément aux articles L314-1 à L314-4 du code de la consommation ainsi que, s'il y a lieu, les modalités d'indexation,
  • en cas de remboursement périodique des intérêts, l'échéancier pour un crédit à taux fixe ou la simulation de l'impact d'une variation du taux sur les mensualités pour un crédit à taux variable,
  • la durée de validité de l'offre : au minimum trente jours à compter de son émission (article L315-10). L'offre de prêt ne peut être acceptée qu'à l'expiration d'un délai de réflexion d'au moins dix jours à compter de sa réception (article L315-11), et doit être maintenue pendant au moins trente jours.

Le contrat de prêt doit également être notarié puisqu'il y a affectation hypothécaire.

La publicité relative au prêt viager hypothécaire est très réglementée et le démarchage à domicile est interdit sous peine de sanctions pénales.

Montant du prêt

Le montant du prêt est défini par la combinaison de plusieurs critères : valeur du bien sur lequel sera prise l'inscription d'hypothèque, âge et sexe des emprunteurs, versement unique ou versements échelonnés. Il appartient à chaque prêteur d'élaborer ses critères d'octroi.

Dans le cas où l'emprunteur demande à bénéficier de versements échelonnés, le montant de ces versements ne sera pas indexé quelle que soit la durée du contrat. L'emprunteur pourra seulement demander la modification ou la suspension des versements.

Taux d'intérêt d'un prêt viager hypothécaire

Il s’agit d’un prêt personnel (et pas d’un prêt immobilier) à taux fixe ou à taux révisable. Originellement, l'arrêté du 24/08/2006 avait classé ce nouveau type de financement dans la catégorie des « découverts en compte, prêts permanents et financements d’achats ou de ventes à tempérament d’un montant supérieur à 1.524 euros et prêts viagers hypothécaires ». Avec la réforme du taux de l'usure des crédits à la consommation de 2011, le taux d'intérêt maximal applicable dépend aujourd'hui du montant emprunté (moins de 3 000 € ; de 3 000 à 6 000 € ; plus de 6 000 €).

Les intérêts sont capitalisés annuellement. Le TAEG est calculé à partir d’exemples représentatifs puisque,

  • en cas de versements échelonnés, le montant du prêt n’est pas connu,
  • quelles que soient les modalités de versement, l’échéance du prêt n’est pas déterminable lors de l’octroi du prêt.

A noter que les offres de prêt, émises à compter du 18 août 2015¹, peuvent prévoir un remboursement périodique (ou échelonné) des intérêts (au lieu qu'ils s'accumulent au fil des années). Dans ce cas, le capital restant dû à l'échéance sera égal au capital emprunté. De la même façon, l'hypothèque ne portera alors que sur ce montant emprunté.

Remboursement par anticipation

Lorsque le capital a été versé en une seule fois, le prêteur peut refuser un remboursement partiel inférieur à 10 % du capital prêté (article R315-1 du code de la consommation).

Le montant de l’indemnité de remboursement par anticipation ne peut excéder les valeurs suivantes (article R315-2 du code de la consommation) :

Date du
remboursement anticipé
Déblocage du prêt...
...en une seule fois...en plusieurs fois
Avant la 5° année :4 mois d’intérêts5/12° des versements effectués la première année
Entre la 5° et la 9° année :2 mois d’intérêts3/12° des versements effectués la première année
A partir de la 10° année :1 mois d’intérêts2/12° des versements effectués la première année

Les intérêts composant l’indemnité de remboursement par anticipation sont calculés au taux figurant dans le contrat de prêt.

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Assurances et Garantie

Ce prêt doit être consenti sans assurance-décès et ne nécessite par conséquent aucun questionnaire médical de santé.

En garantie du remboursement, le prêteur inscrit une hypothèque de premier rang sur le bien immobilier. Dans le cas où le bien est déjà grevé d'une hypothèque, le prêteur exige souvent que le montant du prêt soit affecté en priorité au remboursement du créancier inscrit afin que l'établissement prêteur intervienne en premier rang.

Le bien donné en garantie doit être un bien à usage d'habitation exclusivement (résidence principale, résidence secondaire, bien donné en location,...) situé en France et dont l'emprunteur détient la pleine ou la nue propriété. Les biens à usage mixte sont exclus du dispositif (de même que les parts de SCI).

La valeur du bien immobilier donné en garantie est déterminée par une expertise dont le coût (généralement entre 600 et 800 euros) est supporté par l'emprunteur. La législation n'impose pas le recours à un expert agréé par les tribunaux.

Droits et obligations de l'emprunteur en cours de contrat

L'emprunteur peut habiter ou mettre en location le bien donné en garantie.

Il a pour obligation d'entretenir le bien en bon père de famille en veillant à ce que la valeur de l'immeuble ne soit pas diminuée ; ce qui suppose qu'il dispose de ressources suffisantes pour en assurer l'entretien. Il doit laisser libre accès au prêteur afin que ce dernier puisse s'assurer que le bien est conservé en bon état.

La sanction du non-respect de ces obligations par l'emprunteur est l'exigibilité anticipée des sommes prêtées. Il appartient au prêteur de prouver la défaillance de l'emprunteur dans son obligation de maintien de la valeur du bien objet de la garantie. Le changement d'affectation du bien donné en garantie doit faire l'objet d'un accord écrit du prêteur.

Dans le cadre d'un prêt avec remboursement périodique des intérêts : en cas de défaut de remboursement d'une ou plusieurs échéances, l'emprunteur peut se voir réclamer par l'établissement de crédit les mensualités d'intérêts non payées mais aussi une indemnité pouvant aller jusqu'à 4 mois d'intérêts². Dans ce cas, le prêteur est également en droit d'exiger le remboursement des sommes prêtées.

Remboursement - Dénouement du contrat

Si le prêt n'est pas soldé, il sera remboursé automatiquement au décès de l'emprunteur (ou au décès du dernier d'entre eux si ils sont plusieurs), à la vente du bien ou en cas de démembrement de propriété.

Au décès de l'emprunteur :

  • si le montant de la dette est supérieur à la valeur de l'immeuble, la perte est supportée par la banque et les héritiers ne seront pas appelés à payer la différence.
  • si le montant de la dette est inférieur à la valeur de l'immeuble, les héritiers bénéficieront du surplus. Ils pourront régler la dette et conserver le bien immobilier ou laisser la banque procéder à la vente de l'immeuble. En cas de défaut de paiement des héritiers (ou en cas de succession vacante), le prêteur pourra mettre en œuvre sa garantie hypothécaire selon la voie qu'il choisira :
    • Faire procéder à la saisie et à la vente du bien immobilier,
    • Demander l'attribution judiciaire de l'immeuble,
    • Mettre en œuvre le pacte commissoire prévu au contrat (convention permettant au prêteur de devenir propriétaire du bien sans décision de justice à condition que sa valeur soit déterminée par une expertise). Il s'agit là d'une dérogation à l'article 2459 du Code civil qui prohibe le pacte commissoire dès lors qu'il concerne la résidence principale de l'emprunteur.

L'ordonnance du 23/03/2006 n'a pas précisé comment s'articulait le droit du créancier inscrit avec les droits que détient le conjoint survivant de l'article 763 du Code civil (droit, pendant une année, à la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit).

Deux cas pratiques :

  • Le logement de la famille est la propriété de l'un des époux ; cet époux décède après avoir souscrit un prêt viager hypothécaire.
  • Après avoir obtenu un prêt viager hypothécaire, une personne se marie, puis décède.

Dans ces deux cas, le conjoint survivant peut revendiquer son droit viager au logement. Si les héritiers ne paient pas les sommes dues au titre du prêt viager hypothécaire, les droits du prêteur vont venir en concurrence avec les droits du conjoint survivant.

Dans le premier cas, il n'est pas possible de conseiller à l'époux qui n'est pas propriétaire du bien de se porter co-emprunteur de son conjoint car il ne pourrait pas continuer à bénéficier du contrat de prêt viager hypothécaire puisque l'article L.314-1 exige que le bien hypothéqué appartienne à l'emprunteur.

Le prêt viager hypothécaire a fait son entrée dans le droit français, à l'occasion de la réforme des sûretés, par l'ordonnance du 23 mars 2006 qui a notamment permis d'allonger la durée de l'inscription hypothécaire jusqu'à 50 ans. Il est inspiré du « reverse mortgage » (ou hypothèque inversée) en vigueur dans le droit anglo-saxon et mis en œuvre dans d'autres pays européens comme l'Espagne.

Vente du bien ou démembrement de propriété

En cas d’aliénation du bien, un projet de cession doit être notifié (sans que le texte ne précise selon quelles modalités) au prêteur qui peut contester le prix de vente indiqué dans l’acte. En cas de contestation, c’est un expert (choisi par les deux parties) qui évaluera le bien.

Dans ce cas, la créance du prêteur est plafonnée au montant du prix fixé par l’expertise.

Le prêt viager hypothécaire : un bilan mitigé

Selon le rapport de l'ADEME (Agence de la Transition Ecologique) de 2017, le prêt viager hypothécaire reste très peu commercialisé et ne représente qu'« un volume de l'ordre d'un millier de dossiers par an ». Et l'évolution de 2015 avec l'introduction du Prêt avance mutation (appellation destinée notamment à gommer le côté négatif du terme « viager ») n'a rien changé : seul un PAM a été souscrit entre 2015 et 2017, via une société de tiers financement. Les représentants du Crédit Foncier de France, interrogés pour ce rapport, expliquent notamment cet échec par l'interdiction de démarchage autour du PAM, qui empêche d'en faire sa promotion, et par la complexité introduite par le paiement échelonné des intérêts, source d'incompréhension pour les emprunteurs.

Un rapport remis à Benoist Apparu (Secrétaire d'État au Logement et à l'Urbanisme) en octobre 2009 expliquait déjà les principales raisons pour lesquelles ce dispositif n'avait pas rencontré le succès escompté :

  • Le coût de l'opération. Il s'agit d'un prêt personnel dont le taux proposé est souvent supérieur à 8% l'an (ce qui est encore bien inférieur au taux d'usure pour cette catégorie de financement). Les frais d'expertise du bien objet de la garantie et les frais d'inscription de l'hypothèque constituent une charge importante pour l'emprunteur.
  • Le ratio montant prêté / valeur du bien (jugé trop faible). La législation est muette sur cette question et laisse aux établissements bancaires une totale liberté d'appréciation.
  • Des réticences d'ordre culturel : Souscrire un prêt viager hypothécaire, c'est risquer d'exhéréder ses descendants puisque, au décès de l'emprunteur, il est possible que la valeur du bien soit égale ou inférieure au montant de la dette.
  • Une absence d'aide de l'État. Le prêt viager hypothécaire ne fait l'objet d'aucune aide publique ce qui oblige l'établissement prêteur à assumer seul la totalité du risque et qui explique peut-être la modicité des sommes prêtées eu égard à la valeur du bien. Cela tend toutefois à évoluer, le prêt avance rénovation bénéficiant d'une garantie de l'État à hauteur de 75% du montant du crédit, au cas où la valeur du bien hypothéqué ne le couvrirait pas.

Textes de référence : Les articles L315-1 et suivants et R315-1 et suivants du code de la consommation.

¹ Articles 24 et 25 de la loi 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

² Décret 2015-1849 du 29 décembre 2015 établissant le barème prévu à l'article L.314-14-1 du code de la consommation, permettant de déterminer le montant maximum de l'indemnité que le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant d'un prêt viager hypothécaire à versements périodiques d'intérêts.

A voir aussi : l'hypothèque rechargeable (dispositif abrogé au 1er juillet 2014)

Marie RIALLAND
Marie RIALLAND

Après une licence en droit et sciences politiques à Nantes puis un master de journalisme au CELSA en 2005 (Paris-Sorbonne), Marie Rialland s'est... Lire la suite

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