Le mirage d'une cession de dette. C'est grâce à la promesse d'un montage complexe qu'Ader Capital a réussi à séduire plus d'un millier d'emprunteurs souhaitant alléger leurs dettes... en signant de nouveaux crédits. Fin 2018, la société a été liquidée et depuis l'affaire patine. Jusqu'à ce début 2022 : le fondateur d'Ader Capital a été mis en examen, ce qui ouvre la porte à un procès.

Jeudi 10 mars, Eric Guilloteau, l'ex fondateur de Credit Consulting, qui proposait des cessions de dettes sous la marque Ader Capital, a comparu devant la chambre d'instruction de la Cour d'appel de Rennes, a appris MoneyVox. Cette audience faisait suite à une mise en examen en janvier 2022 qu'il conteste. Parmi les faits reprochés : escroquerie en bande organisée et blanchiment aggravé.

L'affaire Ader Capital change donc de braquet : d'affaire financière, ayant laissé potentiellement des centaines de victimes criblées de dette, elle entre donc dans une phase d'affaire judiciaire. Un soulagement, même s'il ne s'agit que du début d'un nouveau feuilleton, pour les anciens clients d'Ader Capital se battant avec leurs crédits à rembourser. Ils espèrent un procès en 2023.

Île Maurice, opération non régulée et promesse alléchante

L'affaire Ader Capital, en bref ? De 2016 à 2018, des particuliers déjà endettés à qui les commerciaux de cette société ont fait miroiter une « cession de dette », c'est-à-dire sa disparition, au bout de quelques années... mais à condition de souscrire un ou des nouveaux crédits - auprès de spécialistes tels que Sofinco, Oney, Franfinance, Cofidis, etc., lesquels n'étaient pas au courant du montage - pour payer les « frais de dossier » et le « prix de cession ».

La promesse d'Ader Capital était de faire fructifier cet argent frais, pour rapidement prendre en charge quasi toutes les mensualités, et in fine de faire disparaître toutes les dettes. Sur le papier, la promesse était alléchante ! Et Ader Capital soignait ses lettres de crédibilité : des adresses et commerciaux en périphérie de plusieurs grandes villes françaises ; les témoignages rassurants des tout premiers clients – remboursés, eux – sur YouTube ; un montage financier complexe reposant sur une holding – Ader Capital Ltd – à Londres et une autre à l'île Maurice, cette dernière étant censée se transformer en fonds d'investissement pour atteindre des rendements défiant toute concurrence ; etc.

Notre enquête, en 2018. Crédit conso : une arnaque sur la cession de dettes ?

Problème : rien ne garantit les clients de la réussite de l'opération, si ce n'est la confiance placée en Ader Capital. Des questionnements pointent sur le forum de MoneyVox (cBanque, à l'époque) et autres forums spécialisés ou auprès de l'UFC-Que Choisir de Nancy (1). Sollicité par MoneyVox en 2018 à ce sujet, le gendarme bancaire (ACPR) reconnaît que « l'activité de cession de dette en tant que telle ne requiert pas d'agrément de l'ACPR », tout en incitant les particuliers à « être très vigilants ».

Crédit Consulting et sa marque ont-ils profité d'un flou ou vide juridique autour de la « cession de dette » ? Interrogé par MoneyVox en 2018 depuis l'île Maurice où il s'était déjà établi, Eric Guilloteau assumait une « cession imparfaite » : « Le client reste débiteur de sa dette. Nous sommes codébiteur de sa dette ». Et il insistait, « je ne fais pas d'intermédiation financière ! », justifiant ainsi de ne pas solliciter les agréments financiers des intermédiaires.

Liquidation judiciaire fin 2018

En novembre 2018, la machine s'est définitivement enrayée. Crédit Consulting, la société opérant sous la marque Ader Capital, est placée en liquidation judiciaire. Pour les clients, c'est l'impasse : le montage n'étant pas régulé, ils doivent à la fois rembourser leurs anciens crédits, ceux qu'ils remboursaient déjà avant d'être démarchés par Ader Capital, mais aussi ceux qu'ils ont souscrit pour miser sur cette opération de « cession de dette ».

Pour certains clients, un cercle infernal s'enclenche. Selon nos informations, de nombreux clients ont ainsi vu leurs dettes gonfler de 20 000 ou 30 000 euros supplémentaires à rembourser. Certains vivent avec 100 à 200 euros par mois de reste-à-vivre, à cause de ces dettes. « Il y a eu des interdits bancaires », témoigne Cécilia Blanchard, qui a créé avec deux autres victimes un collectif de soutien sur Facebook, seul groupe rassemblant les ex clients d'Ader Capital à ce jour. Peu de victimes auraient réussi à suspendre les remboursements des nouveaux emprunts contactés auprès des établissements de crédit.

Combien de clients se retrouvent ainsi multi-endettés ? Impossible de le savoir à ce stade ! Seul indice, la réponse de Damien Raut, qui avait pris la suite d'Eric Guilloteau à la direction de Credit Consulting en 2018 : « 1 108 clients ont signé un contrat de cession de dettes [avec Ader Capital Ltd, à Londres, où étaient envoyés les fonds, NDLR] », expliquait-il par email à MoneyVox fin 2018, tout en affirmant que 46 des premiers clients de la structure ont été entièrement remboursés, en une seule fois, et tout en affirmant que sa société remboursait ses clients régulièrement... jusqu'à ce que le « partenaire bancaire » ne bloque les comptes de la société « du jour au lendemain » à l'été 2018.

Les clients d'Ader Capital pourront-ils récupérer leur argent ?

Bientôt l'heure du procès

Comme Eric Guilloteau en ce début 2022, Damien Raut a lui aussi été convoqué par la justice voici un an. Bientôt 4 ans après le début des ennuis financiers pour les clients, s'ouvre réellement la phase judiciaire de l'affaire Ader Capital. « C'est une avancée majeure dans le dossier », confirme l'avocat d'une cinquantaine de victimes, Me Matthieu Creach, qui suit l'affaire depuis 4 ans.

Les ex-clients, parties civiles, espèrent que justice soit faite, être reconnues officiellement comme victimes, et potentiellement mettre la main sur les fonds pouvant encore être récupérés afin d'éponger une partie des dettes. En contact avec de nombreuses victimes via le groupe Facebook, Cecilia Blanchard se dit surtout « contente que cela avance ». La lettre de la Cour d'appel de Rennes informant les parties civiles de l'audience du 10 mars a relancé l'espoir du côté du collectif de soutien aux victimes.

(1) L'UFC Que Choisir s'est portée partie civile dans cette affaire « pour avoir accès au dossier auprès du juge d'instruction qui enquête sur l'escroquerie Ader Capital que nous avions dénoncée dès août 2017 », explique la branche de Nancy de l'association, en juin 2021, sur son site. Elle y livre par ailleurs des conseils aux victimes.