Cette année, les banques ferment les vannes du prêt immobilier suite au rappel à l'ordre du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF). L'observatoire de Meilleurtaux estime que « 205 400 ménages seront potentiellement exclus » de l'accès à la propriété en 2020.

« Une véritable menace » : Hervé Hatt, le président de Meilleurtaux.com, ne cache pas son inquiétude en dévoilant, ce jeudi, les résultats du 30e observatoire du crédit immobilier de l'enseigne de courtage en crédits. Mi-décembre, les « Sages de la finance » réunis au sein du HCSF, sous la présidence du ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire, ont exigé des banques qu'elles préservent « des pratiques saines », en resserrant la vis sur le taux d'endettement et sur la durée de financement. Pour simplifier : limiter l'endettement à 33% et le remboursement à 25 ans, sauf pour de rares exceptions. La fête est donc finie, après une année 2019 exceptionnellement favorable.

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Des taux d'intérêt qui restent extrêmement bas

A ce stade, début 2020, les conditions de financement restent pourtant extrêmement favorables aux emprunteurs. Certes, Meilleurtaux constate la « quasi-disparition des barèmes inférieurs à 1,10% » pour un emprunt sur 20 ans, mais près de 4 banques sur 10 affichent encore des taux sous les 1,30% sur la durée phare du prêt à l'habitat.

En moyenne, hors assurance, les crédits immobiliers se négocient en ce mois de mars 2020 à 1,12% sur 15 ans, 1,29% sur 20 ans et 1,58% sur 25 ans : ces moyennes se révèlent certes légèrement supérieures à celles de l'automne 2019 mais elles s'avèrent bien plus avantageuses que les taux immobiliers pratiqués à la fin de l'hiver voici très exactement un an.

« Ces préconisations sont dénuées de bon sens »

Ces conditions avantageuses profiteront toutefois à une frange moins large de la population que lors des derniers mois. « Selon nos calculs réalisés avec le cabinet de conseil Astérès, ce sont plus de 200 000 ménages qui auraient été finançables en 2019 qui ne le seront plus en 2020 ! » avance la directrice de la communication de Meilleurtaux, Maël Bernier. 205 400 ménages potentiellement exclus, très précisément, selon cette étude.

La faute aux demandes drastiques du HCSF donc : « Ces préconisations sont dénuées de bon sens », juge Hervé Hatt. « Il faudrait plutôt abandonner la mesure stricte du taux d'effort ou taux d'endettement... ou relâcher la pression du 33%. Encore mieux : tout simplement raisonner en “reste à vivre” ». Hervé Hatt appuie son propos en expliquant que « le taux d'effort [ou taux d'endettement, NDLR] ne s'est pas dégradé, au contraire : il est de 30% en 2019 contre 33% entre 2008 et 2012 ». Il affirme que « les cas où celui-ci est dépassé (31% des dossiers 2019) concernent des ménages qui disposent d'un “reste à vivre” suffisant », autrement dit qui ne présentent aucun risque de défaut de remboursement.

Le modèle « le mieux protégé en Europe »

Le président du groupe Meilleurtaux insiste sur le fait que le modèle du crédit immobilier à la française est « le mieux protégé d'Europe », grâce notamment aux « emprunts à taux fixe » et aux parachutes que représentent pour les banques la garantie bancaire (caution, hypothèque...) et l'assurance emprunteur.

Malgré les taux bas, cet observatoire du crédit immobilier pointe le risque d'un affaissement du nombre de transactions, à cause de banques appliquant désormais « stricto-sensu la règle du 33% d'endettement ». Il souligne, par conséquent, la menace d'une baisse de la construction, et d'un « rêve de propriété » qui s'éloigne pour les potentiels emprunteurs les plus modestes. En s'appuyant sur son observatoire, l'enseigne Meilleurtaux craint donc que l'adage « on ne prête qu'aux riches » finisse par devenir une réalité.

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