Fin de l’enquête, et bientôt la fin de cet interminable feuilleton ? Claude Michel, le président de l’association des victimes présumées d’Apollonia, contredit l’hypothèse de la fin du marathon judiciaire, réaffirme sa volonté de prouver la culpabilité des banques et revient sur la situation actuelle des investisseurs lésés.

Résumé de l’affaire initiale : à la fin des années 1990 et lors des années 2000, la société Apollonia a orchestré la vente de logements locatifs dans le cadre de dispositifs de défiscalisation. La valeur des appartements ayant été nettement surévaluée, les acheteurs se sont retrouvés surendettés, car les revenus locatifs et avantages fiscaux liés au statut de loueur en meublé professionnel (LMP), promis par Apollonia, se sont révélés nettement insuffisants pour couvrir leurs créances.

Feuilleton judiciaire : l’affaire Apollonia est devenu un feuilleton judiciaire tentaculaire et à rebondissements impliquant des responsables d’Apollonia, des notaires et clercs de notaires, des cadres bancaires mais aussi plusieurs banques, dont le Crédit immobilier de France, établissement spécialisé depuis démantelé.

Dernier rebondissement : Les Echos ont annoncé mi-novembre que le juge d’instruction a terminé son enquête, et que les banques mises en examen ne seront pas renvoyées devant le tribunal correctionnel. Une information que Claude Michel, président de l’association des victimes présumées d’Apollonia, juge totalement erronée : il affirme que plusieurs volets restent en cours. Notamment une « procédure concernant le recel des actes frauduleux que détient le CIFD [Crédit immobilier de France Développement] », renvoyée « devant la Cour de Cassation ». Il souligne aussi que des dirigeants de filiales du CIFD ont été remis en examen… Par ailleurs, le volet du « viol de la loi Scrivener par les banques », dissocié du reste du dossier et qui constitue « le cœur de l’escroquerie de l’affaire Apollonia », n’aurait pas encore été instruit…

Claude Michel, au delà des derniers rebondissements judiciaires, où en êtes-vous des échanges avec les banques ?

Claude Michel, président de l’Anvi-Asdevilm (1) : « Une banque propose une transaction convenable pour les deux parties. Pour les autres ? C’est de l’acharnement ! Nous avons tous été surendettés à notre insu dès le départ. Personnellement, j’avais un taux d’endettement de 156% que j'ignorais dès l’acquisition des biens immobiliers via la société Apollonia. Depuis, pour toutes les victimes, la dette a doublé ! Certains ont des revenus qui ont baissé, suite à des départs en retraite notamment. Et il faut ajouter les coûts d’entretien et de rénovation immobilière. Nos taux d’endettement sont désormais bien supérieurs à 100%, jusqu’à 400% pour certaines victimes ! Et pourtant, elles nous réclament toujours les remboursements, elles nous envoient des huissiers, nous poursuivent en justice… Alors que nous sommes en totale incapacité de payer cette dette, dont elles sont en grande partie responsables de notre situation… »

Que sont devenus les biens immobiliers en question, depuis que l’affaire s’enlise ?

« Nos taux d’endettement sont désormais bien supérieurs à 100%, jusqu’à 400% pour certaines victimes ! »

C.M. : « Nous les détenons toujours car les appartements ne sont pas revendables. Ils ont été surpayés. Ils valent environ 40% ou 60% de ce que nous avons payé, à l’époque lorsque Apollonia nous les a vendus. La plupart de ces biens sont désormais confiés à des gestionnaires locatifs. Mais beaucoup de victimes d’Apollonia ne touchent plus de loyers qui sont saisis par une banque. »

Pourquoi l’instruction de cette affaire s’est-elle autant allongée ?

C.M. : « Le dossier pénal contient plus de 100 000 cotes ! L’ensemble, ou presque, à charge pour les notaires, les banques, les dirigeants et commerciaux d'Apollonia etc. Ce qui nous est reproché à nous, les victimes, c’est notre naïveté. Ce que je reconnais tout à fait car nous ne sommes pas des professionnels de l’investissement immobilier. Nous avons uniquement traité avec des notaires et des banques partenaires d'Apollonia tous professionnels. »

Votre objectif reste-t-il de prouver la culpabilité des banques, et pas uniquement celle du Crédit immobilier de France ?

« Tant que le dossier pénal n’est pas clos, les banques nous poursuivent au civil »

C.M. : « La plainte, déposée en 2008, vise tous les partenaires d'Apollonia qui ont tiré profit de cette affaire, les banques, les notaires, courtiers… qui ont suivi les instructions et ordres d'Apollonia qui étaient pour eux “un donneur d'ordre important”… Aujourd’hui, après de multiples rebondissements, nous en sommes au troisième juge d’instruction sur ce dossier pénal. Tant que le dossier pénal n’est pas clos, les banques nous poursuivent au civil [pour obtenir les remboursements, NDLR]. La clôture du dossier pénal ne pourra intervenir qu'au terme de l'instruction pénale des banques. Cette affaire et son enlisement profitent aux banques présumées innocentes depuis une douzaine d’années ! »

Qu’espérez-vous obtenir, à l’issue de cette longue procédure ?

C.M. : « L’annulation des prêts, et une compensation de l’ensemble des préjudices subis ces 12 dernières années ! Des préjudices financiers, mais aussi des préjudices moraux : le surendettement a eu des conséquences sur nos vies professionnelles, sociales, familiales, de santé… »

Y a-t-il un risque d’épuisement des plaignants, qui pourraient laisser tomber ?

C.M. : « Oui, c’est un risque très limité. Certains sont décédés. Plusieurs sont malades… Et certains très peu nombreux, encore peu surendettés, se sont libérés de cette affaire, parce qu’ils avaient la possibilité de revendre leur appartement sans que cela ne les pénalise trop, financièrement parlant. Mais nous sommes encore 400 familles de victimes, donc environ un millier de personnes. Dans notre cas, il n’y a pas de risque d’érosion du mécontentement car notre dette est irremboursable ! Nous n’avions pas les moyens de rembourser notre dette initiale, car nous étions terriblement surendettés, les appartements avaient été vendus bien au-dessus de leur valeur… Nous n’avons donc encore moins les moyens de la rembourser maintenant ! Avec les intérêts, les charges, les dettes ont plus que doublé ! »

(1) Association nationale des victimes – Association de défense des victimes de loueurs meublés.