La transférabilité « totale » de l'assurance vie, ce n'est pas pour maintenant. Mais les députés de la majorité ont adopté une série d’amendements pour répondre à ce sujet polémique. Leur réponse : une possibilité de transfert limitée, ainsi qu'une transparence accrue sur les frais et les performances des assurances vie.

Depuis plusieurs semaines, les tractations mettent aux prises Bercy, les assureurs, les fintechs, les associations d’épargnants et de consommateurs… Après les débats menés sur le terrain médiatique, et en coulisses, la majorité gouvernementale a dévoilé début mars les mesures qu’elle souhaite intégrer à la loi Pacte pour renforcer la concurrence sur le marché de l’assurance vie. Cinq amendements ont été déposés - puis votés - en commission par les députés Jean-Noël Barrot (Modem), rapporteur thématique au cœur des négociations sur le sujet, Roland Lescure (LREM), rapporteur général de la loi Pacte et président de la commission des affaires économiques, et, pour quatre d'entre eux, par Olivia Grégoire (LREM), la présidente de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi Pacte. Ces mesures ont ensuite été complétées, à la marge, par les députés en séance publique, et avec l'avis favorable du gouvernement. Voici donc les mesures validées par la majorité et par le gouvernement.

Des transferts au sein d’une même compagnie d’assurance

Le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire avait répété début mars son opposition à une « transférabilité totale » de l’assurance vie, à tout moment et d’un assureur vers un autre. L’option retenue par les députés Barrot, Lescure et Grégoire est celle de la transférabilité interne des contrats : concrètement, si le projet de loi est adopté en l'état, vous pourrez demander à votre assureur de transformer un vieux contrat d’assurance vie en un contrat plus récent, et ce sans perdre votre antériorité fiscale. Une disposition qui doit permettre à des épargnants de profiter de contrats disposant de plus d’options, éventuellement d’un fonds en euros mieux rémunéré, et souvent de frais de versement et de gestion moindres.

Les détenteurs d’un vieux contrat monosupport (100% fonds en euros, à capital garanti) peuvent déjà le transformer en un contrat multisupports plus récent, avec le « transfert Fourgous ». Les députés expliquent ainsi en commentaire de leur amendement qu’il s’agit d’élargir le « fourgoussage » : « A la différence du fourgoussage, le transfert n’est pas limité à un contrat de type monosupport (en fonds euros) vers un contrat de type multisupports avec un engagement minimum en unités de compte (ou en eurocroissance), mais à tous les contrats, même de multisupports à multisupports. » Cet amendement remplace donc la mesure favorable à une plus large transférabilité précédemment votée par les sénateurs.

A noter : l'Assemblée a aussi adopté un amendement complémentaire de la députée Laure de La Raudière (UDI Agir et Indépendants) sur la transférabilité. Chaque année, les assureurs devront informer leurs épargnants sur cette possibilité de transformer leur vieux contrat en un plus récent.

Des transferts vers les futurs Plans d’épargne retraite (PER)

Le projet de loi Pacte porte une réforme assez ambitieuse de l’épargne retraite, avec la création d’un PER englobant les dispositifs existants (Madelin, Perp…), et plus souple que ces derniers. Les députés ont adopté une mesure ouvrant la porte à des « transferts de l’assurance-vie vers ces nouveaux plans », avec une incitation fiscale à la clé. « Cette mesure offre aux épargnants qui réalisent un transfert vers un PER un double avantage fiscal : une exonération d’impôt sur les plus-values de l’assurance vie (jusqu’à 9 200 euros pour un célibataire, et 18 400 euros pour un couple) tout en déduisant du revenu imposable les versements effectués sur les PER », explique le député Jean-Noël Barrot.

Il ne s’agira toutefois que d’une fenêtre temporaire : la transférabilité ainsi proposée ne sera possible que jusqu’au 1er janvier 2023 (la fenêtre a été prolongée d'un an par rapport à l'amendement initialement voté en commission spéciale). L'objectif est « d’encourager les assureurs à proposer très rapidement des produits d’épargne retraite attractifs ».

Plus de transparence sur les rendements des fonds en euros

Les assureurs devront bientôt jouer cartes sur table concernant les performances de leurs fonds en euros. L’un des amendements présentés par les rapporteurs du projet de loi Pacte leur demande de publier chaque année, sur leur site internet, « le rendement garanti moyen et le taux moyen de la participation aux bénéfices attribué pour chacun de ses contrats d’assurance vie ». Certains assureurs, notamment les filiales des groupes bancaires, ne publient en effet pas chaque année les performances servies sur les fonds en euros de l’ensemble de leurs contrats.

Si cet amendement est intégré à la version définitive de la loi Pacte, il s’agira désormais d’une obligation légale : le taux servi aux assurés pour l’année écoulée devra ainsi être publié au plus tard « 90 jours ouvrables » après le 31 décembre, et cette publication devra être disponible sur leur site pendant « une durée minimale de 5 ans ». Un autre amendement vient d’ailleurs préciser cette mesure : cette obligation de transparence sur les rendements des fonds en euros devra concerner les contrats en cours de commercialisation mais aussi les vieux contrats qui ne sont plus commercialisés.

Plus de transparence sur les frais avant de l’ouverture

Les députés ont aussi adopté une mesure renforçant « les obligations d’information précontractuelle relatives aux frais prélevés » sur les unités de compte (UC) de l’assurance vie, les supports qui ne bénéficient pas d’une garantie en capital mais qui offrent théoriquement de meilleures perspectives de rendement. L’information fournie aux épargnants, avant la souscription ou l’adhésion du contrat, pourrait ainsi détailler, « pour chaque unité de compte », « la performance brute de frais » et « la performance nette de frais » ainsi que « les frais prélevés » sur une période passée, qui serait définie par décret. Le document précontractuel devra, si cette mesure est définitivement adoptée, mentionner les « éventuelles rétrocessions » perçues par l’assureur et les « gestionnaires délégués », dans des conditions qui doivent être précisées par arrêté.

Une information sur les supports « verts »

Les députés ont enfin voté une série d'amendements prévoyant une meilleure information des souscripteurs et détenteurs de contrats sur la part réelle de leur épargne allouée à la transition écologique ou au secteur solidaire. A compter de 2022, si le texte est voté en l'état, les assureurs devront informer leurs souscripteurs ou adhérents sur les supports en unités de compte « verts » ou « solidaires » avant la signature du contrat, et les épargnants qui disposent déjà d'une assurance vie devront être informés via le relevé annuel. L'option retenue est donc l'incitation plus que l'obligation d'intégrer des fonds « verts » dans les contrats.

Une dernière « navette » pour le projet de loi Pacte

Le projet de loi Pacte, déposé initialement à l'Assemblée nationale en juin 2018, a été adopté en 2e lecture dans la nuit de vendredi à samedi par les députés. Le texte repart pour une dernière « navette parlementaire » : les sénateurs ré-examineront le projet de loi dans leur hémicycle à compter du 9 avril. Il repassera ensuite devant les députés, qui auront le dernier mot. La fin de ce feuilleton législatif pourrait ainsi intervenir en juin 2019.