Les députés ont adopté en commission spéciale loi Pacte une série d’amendements ouvrant la voie à plus de transparence et à une transférabilité partielle de l’assurance vie. Les explications du député à l’origine de ces amendements, Jean-Noël Barrot.

Jean-Noël Barrot

Jean-Noël Barrot est député Modem, vice-président de la commission des finances et rapporteur thématique du projet de loi Pacte.

Les cinq amendements que vous avez présentés et qui ont été adoptés en commission ont-ils fait l’objet de discussions préalables ?

Jean-Noël Barrot : « Tout d’abord, je me félicite qu’ils aient été adoptés en commission spéciale projet de loi Pacte. Pour élaborer ces amendements, nous avons consulté très largement : les assureurs, les associations d’épargnants, de consommateurs, les nouveaux acteurs de l’assurance vie, le gouvernement… Ce qui nous a permis de proposer une solution équilibrée. »

Vous avez donc opté pour la transférabilité interne, en restant au sein d’une même compagnie d’assurance. Pourquoi ?

J-N.B. : « La transférabilité de l’assurance vie a déjà été discutée en première lecture, en septembre dernier. L’enjeu principal, c’est qu’un épargnant se heurte à la fiscalité de l’assurance vie s’il veut changer de contrat. En première lecture, nous n’avions pas retenu l’option de la transférabilité car, même si elle peut favoriser certains épargnants, elle risque par ricochet de se faire au détriment d’autres épargnants. En ouvrant la possibilité de transférer les contrats, l’horizon de placement des fonds des euros serait raccourci, et les assureurs seraient alors contraints d’investir moins fortement au capital des entreprises. Cette décision, qui pourrait sembler favorable aux épargnants, réduirait paradoxalement les rendements des fonds en euros. Et limiterait l’investissement dans l’économie réelle. Suite aux discussions des derniers mois, nous avons donc décidé de permettre aux particuliers de solliciter un transfert vers un nouveau contrat, souscrit chez le même assureur, ainsi que vers tout contrat d’épargne retraite, quel qu’en soit le gestionnaire. »

Les fintechs, et certains observateurs du marché, estiment toutefois que le transfert interne ne sera efficace que s’il va de pair avec une transférabilité externe, encadrée…

J-N.B. : « Ce n’est pas la position de toutes les associations d’épargnants. La Faider a publié un communiqué où elle décrit cette solution comme une fausse bonne idée. Cette mesure pourrait nuire au pouvoir d’achat, en impactant négativement les rendements de l’assurance vie. Et il y a un risque de déstabilisation de l’économie de par le poids de l’assurance vie. Nous ne voulons pas prendre ce risque. »

Vous avez en revanche ajouté une mesure temporaire favorisant les transferts vers les nouveaux PER.

« Le sujet de la transparence est apparu comme un élément clé »

J-N.B. : « Le projet de loi Pacte porte des avancées majeures pour l’épargne retraite, avec la possibilité de rassembler ses produits dans un Plan d’épargne retraite (PER), lequel profitera d’une transférabilité complète, d’un assureur vers un autre et d’un produit d’épargne retraite vers un autre ! Nous avons voulu accompagner ce lancement avec un amendement incitant aux transferts de l’assurance vie vers les PER, grâce à une exonération des plus-values à la sortie, jusqu’au 1er janvier 2022. Cette mesure offre aux épargnants qui réalisent un transfert vers un PER un double avantage fiscal : une exonération d’impôt sur les plus-values de l’assurance vie (jusqu’à 9 200 euros pour un célibataire, et 18 400 euros pour un couple) tout en déduisant du revenu imposable les versements effectués sur les PER. »

Le projet de loi Pacte renvoie à une ordonnance pour le PER. Sera-t-elle publiée d’ici la fin de l’année ?

J-N.B. : « J’espère avant ! Le texte est déjà en cours de préparation. »

Vos amendements portent aussi des mesures de transparence sur les frais et performances de l’assurance vie, avant l’ouverture. Pourquoi être allé plus loin que lors de la première lecture ?

J-N.B. : « Entre temps, nous avons mené d’importantes discussions sur la transférabilité, et le sujet de la transparence est apparu comme un élément clé. La mesure votée en première lecture portait sur les rétrocessions revenant aux différents intermédiaires. Là, il s’agit de fournir aux épargnants toutes les informations sur les contrats disponibles avant la souscription, afin de créer les conditions d’une saine concurrence. »

Plus d’infos sur les amendements : Loi Pacte et assurance vie : ce que le gouvernement a accepté de changer

Premières réactions

CLCV : le secrétaire général de l’association de consommateurs, François Carlier, a reconnu auprès de l’AFP que ces mesures sont « des progrès », en particulier pour les contrats « fermés à la commercialisation ». « Mais la situation n'est pas encore complètement satisfaisante », a-t-il poursuivi : « A partir du moment où on reste dans la même boutique, ce n’est pas une ouverture à la concurrence. »

FFA : Bernard Spitz, président de la Fédération française des assureurs, avait réagi plus tôt cette semaine dans Le Figaro à l’idée d’une transférabilité interne à chaque compagnie d’assurance : « Les différents contrats appartiennent à des générations de produits différentes. Ils ne sont pas investis de la même manière. Le risque est donc grand de rompre l’équilibre sur lequel repose le fonds euros. »

LREM : selon la vice-présidente du groupe LREM à l’Assemblée nationale, Amélie de Montchalin, le nouveau dispositif « va assez loin » : « Favoriser une meilleure allocation de l'épargne de long terme et de l’assurance vie est urgent, tant pour les épargnants que les entreprises ».

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