Le taux du livret A maintenu à 3%, au 1er août, ne pourra pas évoluer avant janvier 2025. C'est ce qu'a décidé le gouvernement. Une décision qui pose question et un recours devant le Conseil d'Etat vient d'être déposé. Explications.

Le taux du livret A a été maintenu à 3% au 1er août par le gouvernement. Pourtant, selon la formule de calcul basée en partie sur l'évolution de la moyenne de l'inflation hors tabac sur les six derniers mois, la rémunération du Livret A aurait dû passer à 4,1%. Mais le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé le 13 juillet que non seulement le taux du Livret A serait inchangé, mais qu'en plus il resterait fixé à ce niveau pour les 18 prochains mois, soit jusqu'en février 2025.

« Une promesse en faveur de l'épargnant »

Il s'agit d'« une promesse en faveur de l'épargnant » a soutenu le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Selon lui, le blocage du taux du Livret A pourrait in fine être une bonne nouvelle pour les ménages car selon les prévisions de la Banque de France, l'inflation passerait de 5% en 2023 à 2,5% sur l'année 2024, puis « vers 2% d'ici 2025 », ce qui mécaniquement aurait fait baisser le taux du Livret A qui est révisé tous les 6 mois en temps normal. En bloquant le taux du Livret A, il s'agit selon la Banque de France d'éviter « de passer par une période de rendements volatils » du Livret A. La stabilité serait donc meilleure pour les épargnants.

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De plus, une hausse du taux du Livret A au 1er août aurait été susceptible de freiner l'activité économique. « Le taux du livret A est un élément central du financement de l'économie française, particulièrement celui du logement social et de la politique de la ville, mais il joue aussi dans le coût de revient des crédits immobiliers et de ceux à destination des PME. Un taux trop élevé, alors que l'épargne réglementée n'a pas d'équivalent chez nos voisins européens, serait préjudiciable à notre activité économique et à la croissance », a souligné la Banque de France.

C'est dans ce contexte que la Banque de France et Bruno Le Maire ont estimé que des « circonstances exceptionnelles » justifiaient une dérogation avec le maintien à 3% de la rémunération du Livret A.

« C'est honteux »... Le taux du Livret A bloqué à 3% provoque la colère chez ces épargnants

Des arguments qui n'ont pas convaincu tout le monde. Le professeur en droit public à l'Université Panthéon-Sorbonne Paul Cassia, membre du Conseil d'administration d'Anticor, a déposé un recours devant le Conseil d'Etat où il est... maître des requêtes. Sur Twitter et sur TF1, il explique avoir demandé qu'une vérification soit faite sur les « circonstances exceptionnelles » invoquées et si le taux du Livret A peut être gelé pendant 18 mois.

« Une circonstance exceptionnelle doit être interprétée de manière stricte. Peut-elle être exceptionnelle si elle se répète ? », se demande-t-il. En effet, les autorités ont déjà invoqué des raisons exceptionnelles en janvier pour faire passer le taux du Livret A à 3% au lieu des 3,3% attendus par la formule de calcul.

Quant au gel du taux pendant 18 mois, il ne respecterait pas la réglementation qui prévoit une révision de la rémunération tous les six mois selon un arrêté du 27 janvier 2021.

« Je serais surpris que le Conseil d'Etat suive »

« Soit on respecte l'arrêté, soit on le modifie, mais on ne fait pas ce qu'on veut », répond Paul Cassia. Sur la forme, Philippe Crevel, économiste et fin spécialiste du Livret A, comprend le recours du juriste. Mais sur le fond il ne croit pas à une remise en cause des annonces du gouvernement et de la Banque de France. « C'est dans l'air du temps de multiplier les recours juridiques, explique-t-il à MoneyVox. Je serais surpris que le Conseil d'Etat suive. » L'institution bénéficie d'un délai d'un an pour se prononcer.

Livret A : faut-il empêcher le gouvernement de fixer son taux ?