La déclaration 2022 sera celle du match frais réels VS déduction forfaitaire de 10%. Le fisc s'y est préparé suite à la revalorisation du barème kilométrique. Ce qu'il faut savoir pour vous aider à choisir la meilleure option pour votre impôt sur le revenu.

Faux départ pour la campagne déclarative de l'impôt sur le revenu en 2022 ! Un bug technique a contraint la Direction générale des finances publiques (DGFiP) à suspendre la déclaration en ligne dès le lendemain du lancement. Problème résolu. Vous pouvez à nouveau déclarer vos revenus depuis lundi 11 avril. Et vous plonger dans le « match » de cette campagne déclarative : choisir entre frais réels – synonyme de paperasse – et l'option de la simplicité, la déduction forfaitaire de 10%.

Cet abattement forfaitaire est automatique, sauf si vous déclarez les frais réels : le fisc réduit automatiquement les revenus d'activité que vous déclarez de 10%, donc 3 000 euros d'abattement pour 30 000 euros de salaire annuel. Vive la simplicité ? Peut-être... mais des milliers voire des millions de contribuables ont cette année intérêt à basculer vers les frais réels, suite à la revalorisation du barème kilométrique.

Précision d'importance : peu importe la composition de votre foyer pour ce match « frais réels VS déduction forfaitaire ». Il s'agit d'un choix individuel, et au sein d'un couple l'un peut choisir le forfait de 10% et l'autre détailler ses frais réels.

1 – Priorité : choisir en fonction du barème kilométrique

Pas la peine de tourner en rond : la problématique des frais réels vous concerne avant tout si vous utilisez votre véhicule personnel, voiture, scooter ou moto, pour vous rendre au travail. « Par expérience, quand on déclare les frais réels, c'est assez rare que les divers frais professionnels soient supérieurs aux frais de déplacement », reconnaît Martin Cortet, ingénieur patrimonial du site spécialisé Tacotax, devenu weareclimb.fr. La priorité est donc de vous pencher sur le nouveau barème kilométrique, avant de penser plus globalement au reste de vos frais professionnels. Voici le barème kilométrique revalorisé de 10%, pour l'imposition des revenus 2021, afin de compenser l'envolée des prix du carburant.

Barème kilométrique applicable aux voitures (en €)
Puissance administrative (en CV)Distance (d) jusqu'à 5 000 kmDistance (d) de 5 001 km à 20 000 kmDistance (d) au-delà de 20 000 km
3 CV et moinsd x 0,502(d x 0,3) + 1007d x 0,35
4 CVd x 0,575(d x 0,323) + 1 262d x 0,387
5 CVd x 0,603(d x 0,339) + 1 320d x 0,405
6 CVd x 0,631(d x 0,355) + 1 382d x 0,425
7 CV et plusd x 0,661(d x 0,374) + 1 435d x 0,446

Première étape, si ce tableau vous rebute et que vous ne connaissez même pas le nombre de chevaux fiscaux (CV) de votre voiture, commencez par prendre votre carte grise : la « puissance fiscale » ou plus précisément « puissance administrative nationale » figure à la ligne « P.6 » de votre carte grise.

Deuxième étape, combien de kilomètres faites-vous environ chaque année pour vos trajets domicile-travail ? Car il s'agit évidemment de déclarer les seuls kilomètres effectués pour vos besoins professionnels, et non vos trajets loisirs ou vacances ! A vous d'estimer le nombre de jours où vous vous rendez sur votre lieu de travail. Exemple, pour un temps plein et 5 semaines de congés payés, comptez 235 jours (47 semaines travaillées x 5 jours), donc 230 jours si vous avez une semaine de RTT, 220 jours environ si vous avez une journée de RTT par mois et quelques jours de congés payés supplémentaires, etc. Ou 180 jours de présence si vous ne vous rendez sur place que 4 jours par semaine (en cas de télétravail ou de temps partiel, par exemple) et que vous avez 5 semaines de congés + 2 semaines de RTT.

Calculez sur cette base le nombre de kilomètres effectués chaque année, en prenant en compte l'aller-retour. Si vous êtes à 10km et à temps plein, 20km par jour 235 fois par an : 4 700 km à l'année.

Avec la puissance fiscale de votre véhicule et le kilométrage annuel, vous avez suffisamment d'éléments pour utiliser le barème kilométrique ci-dessus... ou pour utiliser le simulateur officiel du fisc « calcul des frais kilométriques ».

impots bareme kilométrique

Le fisc vous dévoile le montant de vos frais kilométriques. Vous avez alors une idée claire du match « frais réels VS abattement forfaitaire ». La déduction forfaitaire étant égale à 10% de vos revenus (3 000 euros d'abattement pour 30 000 euros de salaire annuel), il suffit de comparer ce forfait au chiffre obtenu grâce à la calculette du fisc. Si le montant des frais kilométriques dépasse déjà le montant de l'abattement, vous avez intérêt à passer aux frais réels !

A 10 km du travail, 3 jours par semaine

Depuis la pandémie de Covid-19, Inès ne se rend plus que 3 jours par semaine au bureau. Elle gagne un peu moins de 1 700 euros nets mensuels. Elle a 5 semaines de congés payés et une de RTT, soit 138 allers-retours, ce qui fait 2 760 km environ sur l'année 2021. Elle roule en Peugeot 208 affichant 5CV.

Contribuable gagnant 20 000 euros par an habitant à 10 km en auto de son travail
Frais déductiblesImpôt dû en 2022Taux de prélèvement à la source
Forfait 10%2 000 €452 €2,30%
Frais réels1 664 €506 €2,76%

* Un aller-retour par jour de 20 km 138 jours par an (soit 2 760 km à l'année) avec voiture 5CV.

Verdict : sauf si elle peut justifier de 400 euros ou plus de frais annexes (« frais de bouche », équipement nécessaire au télétravail, etc.), Inès n'a aucun intérêt à basculer vers les frais réels.

A 15 km du travail, 5 jours par semaine

Louison est à temps plein, avec 6 semaines de congés payés. Elle gagne un peu plus de 2 000 euros par mois (elle déclare 25 000 euros nets sur l'année 2021). Elle roule en Clio (4CV) et fait 30 km par jour (15 allers, 15 retours). Bilan : 6 900 km par an.

Contribuable gagnant 25 000 euros par an habitant à 15 km en auto de son travail
Frais déductiblesImpôt dû en 2022Taux de prélèvement à la source
Forfait 10%2 500 €1 171 €4,70%
Frais réels3 491 €1 013 €4,10%

* Un aller-retour par jour de 30 km 230 jours par an (soit 6 900 km à l'année) avec voiture 4CV.

Verdict : sans même avoir commencé à se pencher sur les éventuels frais annexes, Louison a très clairement intérêt à passer aux frais réels, rien que sur la base de ses frais kilométriques !

A 25 km du travail, 4 jours par semaine

Dominique déclare 30 000 euros de salaire net annuel (2 500 euros nets par mois), et fait un aller-retour de 50 km chaque jour, en Dacia Duster (5CV), mais 45 semaines par an (5 semaines de congés + 2 en RTT).

Conducteur habitant à 25 km de son travail et touchant 30 000 euros par an
Frais déductiblesImpôt dû en 2022Taux de prélèvement à la source
Forfait 10%3 000 €2 022 €6,70%
Frais réels4 371 €1 671 €5,60%

* Un aller-retour par jour de 50 km 180 jours par an (soit 9 000 km à l'année) avec voiture 5CV.

Verdict : les frais réels. Sans aucune ambiguïté. Et ce malgré le télétravail régulier de Dominique.

Concernant le nombre de trajets dans l'année, et donc le nombre de kilomètres totaux, le principe reste celui de la bonne foi du contribuable. Mais attention à ne pas « surestimer le nombre de kilomètres déductibles » non plus, met en garde Olivier Rozenfeld, président de Fidroit. Pas de souci à vous faire tant que les distances sont raisonnables.

Pour les deux-roues, le principe est le même mais le barème est différent. Idem pour les véhicules électriques. Il suffit d'indiquer le type de véhicule sur le simulateur du fisc.

Les gagnants et les perdants de la revalorisation du barème kilométrique

2 – Télétravail, repas... Ajoutez tous vos frais professionnels annexes

Dans la grande majorité des cas, les frais kilométriques sont donc l'élément décisif dans ce match entre frais réels et déduction forfaitaire automatique des frais professionnels. Mais si la simulation kilométrique ci-dessus vous guide vers les frais réels, à vous de vous lancer dans la recension détaillée de tous vos frais engagés pour votre travail.

A compter, outre les frais de déplacement :

  • les frais de repas (sans compter évidemment la part prise en charge par votre employeur, que ce soit via les titres-restaurant ou participation aux frais de cantine) ;
  • les frais de matériel, mobilier ou fournitures, y compris s'il s'agit d'équiper votre domicile au télétravail (sans compter évidemment les frais déjà indemnisés par l'employeur) ;
  • les frais d'achat de vêtements nécessaires à l'exercice professionnel ;
  • les frais de locaux professionnels, etc.

Tous les détails sur la déduction des frais réels

Le boom du télétravail complique évidemment la donne, notamment si vous déclarez une pièce dédiée à votre travail dans votre logement. Il faut alors faire tourner la calculette : « Pour une pièce de 10 m2 dans un appartement de 100 m2, vous pouvez compter 10% de l'assurance, des intérêts d'emprunt, etc. », énumère Martin Cortet, de Climb, avant d'ajouter : « Dans les faits, en cas de télétravail d'un ou deux jours par semaine, il faut là encore proratiser : réduire ces frais au temps d'utilisation professionnel ». Soit schématiquement un tiers du temps pour 2 jours de télétravail. Ce calcul « télétravail » est trop complexe ? Optez le plafond annuel simplifié, de 580 euros pour la déclaration 2022.

Le casse-tête des frais de télétravail sur votre déclaration de revenus

Où et comment détailler le calcul ?

Les justificatifs, il faut les garder 3 ans, sans nécessité de les joindre à votre déclaration. En revanche, il faut détailler votre calcul sur papier libre en cas de déclaration papier, et le détailler à la rubrique « informations » de la déclaration en ligne (ou, dans la rubrique « détails » de la rubrique « Traitements, salaires », cliquez sur « suivant » puis « option frais réels ».

3 – Un « droit à l'erreur » qui change la donne

Vous avez peur de rater vos calculs ? Et de choisir les frais réels alors que l'option forfaitaire était plus intéressante ? Pas d'inquiétude : dans ce cas la DGFiP prend automatiquement la meilleure option, celle du barème forfaitaire. « En cas d'erreur », donc si vous choisissez les frais réels alors que vous n'y avez pas intérêt, « nous appliquerons automatiquement la déduction forfaitaire de 10% », explique le directeur de l'administration fiscale Jérôme Fournel. Un « droit à l'erreur », version frais réels, l'objectif étant clairement de vous inciter à profiter de ce barème kilométrique reboosté.

Impôts 2022 : si vous choisissez les frais réels à tort, la DGFiP vous corrige