Avec la flambée des prix de l'essence, une hausse de 10% du barème permettant de calculer l'indemnité kilométrique a été décidée par le gouvernement. Cette décision aura un impact sur la déclaration des revenus 2021 qui sera réalisée au printemps. Avec des effets plus ou moins importants selon les contribuables. Explications.

Une économie moyenne d'impôt de 150 euros. Voici la promesse du gouvernement qui a annoncé fin janvier la revalorisation de 10% du barème kilométrique. Un geste pour « tenir compte de la forte augmentation des prix des carburants supportée, en 2021, par les salariés qui utilisent leur véhicule pour exercer leur activité professionnelle », explique l'exécutif. « L'effet sera rapide et direct dès leur déclaration d'impôt sur les revenus 2021 », a assuré le Premier ministre Jean Castex.

Ce barème, calculé en fonction de la puissance du véhicule et du nombre de kilomètres parcourus, prend en compte notamment la dépréciation du véhicule, les frais de réparation et d'entretien, la consommation de carburant ou encore les primes d'assurances. Il est choisi aujourd'hui par 2,5 millions de foyers qui utilisent leur voiture à des fins professionnelles et qui font le choix de ne pas utiliser la déduction forfaitaire automatique de 10% sur leur revenu annuel imposable. Si cette dernière est là pour couvrir certaines dépenses courantes, le transport notamment, les salariés qui estiment avoir dépensé davantage pour se rendre au travail peuvent renoncer à cette déduction forfaitaire. Et donc utiliser les barèmes kilométriques (le barème principal pour les voitures, les motocyclettes et les cyclomoteurs, ou le barème spécifique aux frais de carburants qui concerne l'usage mixte, personnel et professionnel, d'une voiture ou d'un deux-roues) publiés chaque année par l'administration fiscale pour profiter de la déduction aux frais réels.

Barème kilométrique applicable aux voitures (en €)
Puissance administrative (en CV)Distance (d) jusqu'à 5 000 kmDistance (d) de 5 001 km à 20 000 kmDistance (d) au-delà de 20 000 km
3 CV et moinsd x 0,502(d x 0,3) + 1007d x 0,35
4 CVd x 0,575(d x 0,323) + 1 262d x 0,387
5 CVd x 0,603(d x 0,339) + 1 320d x 0,405
6 CVd x 0,631(d x 0,355) + 1 382d x 0,425
7 CV et plusd x 0,661(d x 0,374) + 1 435d x 0,446

Impôts : frais réels ou abattement de 10%, quelle est la meilleure option ?

Les gagnants

Une chose est certaine pour les ménages qui optent déjà pour les frais réels, la déduction sur les revenus 2021 sera plus « généreuse ». Pour se faire une idée plus précise, voici 3 exemples livrées par le cabinet Fidroit.

  • Pour un parcours professionnel de 4 000 km avec un véhicule de 6 CV, le montant des frais déductibles est de 2 524 euros en 2021 contre 2 296 euros en 2020, soit un gain de 228 euros. Pour un contribuable imposable à 11%, cette déduction supplémentaire octroie une économie d'impôt de 25,08 euros (228 euros × 11%). Elle atteint 68,4 euros avec une tranche d'imposition à 30%, 93,48 euros à 41% et 102,6 euros à 45%.
  • Pour un parcours professionnel de 6 000 km avec un véhicule de 5 CV, le montant des frais correspondant est de 3 354 euros en 2021 contre 3 030 euros en 2020, soit un gain 324 euros. L'économie d'impôt nouvelle est de 35,64 euros pour une imposition à 11%, 97,2 euros à 30%, 132,84 à 41% et 145,8 euros à 45%.
  • Pour un parcours professionnel de 22 000 km avec un véhicule de 7 CV, le montant des frais correspondant est de 9 812 euros en 2021 contre 8 910 euros en 2020 pour un gain de 902 euros. L'économie d'impôt est donc de 99,22 euros à 11%, 270,6 euros à 30%, 369,82 euros à 41% et 405,9 euros à 45%.

En résumé, on constate que la déduction est plus élevée pour un contribuable avec une tranche marginale d'imposition haute et qui conduit un véhicule puissant. Attention, cet avantage n'est pas infini puisqu'il ne prévoit pas de bonification au-delà de 7 CV. « Les propriétaires de voitures encore plus puissantes et qui sont donc amenés à consommer davantage de carburant profiteront, en partie seulement, de la revalorisation du barème. Elle ne viendra pas intégralement compenser le surcoût des dépenses en frais d'essence. En effet, l'indemnité est basée sur des véhicules moins puissants et qui consomment moins », explique Olivier Rozenfeld, président de Fidroit. Par ailleurs, il ne faut pas surestimer le nombre de kilomètres déductibles. En effet, on ne peut pas déduire plus de 80 km aller et retour par jour entre son domicile et son lieu de travail, sauf exceptions ».

Par extension, la revalorisation du barème kilométrique devrait inciter des contribuables à abandonner l'abattement automatique de 10% pour profiter de l'option des frais réels pour la déclaration de revenus 2021. C'est le cas par exemple de salariés avec de hauts revenus qui jusqu'ici utilisaient l'abattement de 10% dont le plafond maximal est cette année de 12 829 euros. Un plafond revalorisé de 1,4% par rapport à celui de 2020 alors que dans le même temps le barème kilométrique est réhaussé de 10%. « Certains salariés pourraient ainsi avoir intérêt, en fonction des trajets professionnels qu'ils réalisent, à utiliser l'option des frais réels pour réduire leurs revenus davantage que ce que permet l'abattement de 10% », explique Olivier Rozenfeld.

C'est le cas aussi de salariés qui jusqu'ici imposables pourrait profiter de la hausse de ce barème pour devenir non imposables. « Prenons le cas d'un salarié qui en 2021 a réalisé un parcours professionnel de 4 000 km avec un véhicule de 6 CV. Le montant des frais correspondant au barème kilométrique qu'il peut déduire est désormais de 2 524 euros, contre 2 296 euros en 2020, soit 228 euros de plus. Si ce contribuable était jusqu'ici tout juste imposable sur une fraction de ses revenus, la revalorisation du barème kilométrique peut lui éviter de payer l'impôt sur le revenu mais ce sont des hypothèses très marginales », indique Olivier Rozenfeld.

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Les risques du barème kilométrique avec le télétravail

Mais comment profiter de l'option des frais réels si je n'ai pas gardé les justificatifs de dépenses de 2021 pour mes déplacements entre mon domicile et mon travail ? « Si ce n'est pas précisé dans le contrat de travail, une attestation de l'employeur indiquant que le salarié utilise bien son véhicule personnel pour se rendre au travail suffit à l'administration fiscale. Il n'y a donc pas d'élément spécifique à conserver. Exception faite cependant des frais de stationnement et de péages qui peuvent être déduits en supplément du barème kilométrique sous réserve de pouvoir présenter les justificatifs », explique Olivier Rozenfeld.

Cet expert s'interroge cependant sur les risques à choisir l'option des frais réels grâce au nouveau barème kilométrique en raison de la généralisation du télétravail. « Cela vient créer un nouvel aléa. Dans les entreprises où il est possible de télétravailler, il sera difficile d'avoir une photo précise des déplacements effectifs des collaborateurs sur leur lieu de travail. En théorie, l'entreprise devrait tenir à jour un registre précis qui pourrait être utilisé par l'administration fiscale en cas de contrôle pour constater de la réalité des frais kilométriques déclarés par un salarié », souligne Olivier Rozenfeld. Un raisonnement en partie théorique. « La réalité est que le risque de contrôle pour un salarié est très faible. L'administration fiscale va s'intéresser davantage aux contribuables avec de fortes variations de leurs revenus et de leurs charges d'une année sur l'autre », poursuit Olivier Rozenfeld.

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Les perdants

La revalorisation du barème kilométrique a fait l'objet de critiques comme celle du député écologiste Matthieu Orphelin. A ses yeux, ce système « favorise les véhicules puissants, ne se destine qu'aux actifs payant l'impôt sur le revenu, et ne cible qu'une faible partie de la population : seulement 2,5 millions de Français payant l'impôt déclarent des frais réels ! Relever le barème des frais kilométriques est donc une fausse bonne idée anti-redistributive qui n'améliorera pas la situation des travailleurs pauvres mais plutôt celle des ménages aisés ».

Par ailleurs, le barème kilométrique étant applicable aux déplacements professionnels, sa revalorisation ne bénéficiera pas à d'autres catégories de la population comme les retraités par exemple. Le gouvernement rappelle cependant que dans le contexte de la hausse des prix de l'énergie, il a mis en place d'autres mesures qui s'adressent à l'ensemble de la population : le bouclier tarifaire pour le gaz et l'électricité, la revalorisation du chèque énergie ou encore l'indemnité inflation de 100 euros qui vient d'être versée à 38 millions de particuliers.