Le tarif réglementé du gaz disparaît jeudi 30 juin à minuit. Qu'est-ce que cela va changer pour les consommateurs ? La présidente de la Commission de régulation de l'énergie, Emmanuelle Wargon, a répondu aux questions de MoneyVox.

Emmanuelle Wargon, Présidente de la Commission de régulation de l'énergie (CRE)
Emmanuelle Wargon
Présidente de la Commission de régulation de l'énergie (CRE)

Une semaine avant la fin du tarif réglementé de vente (TRV) du gaz, la présidente de la Commission de régulation de l'énergie, Emmanuelle Wargon, a reçu MoneyVox dans son bureau du 8e arrondissement de Paris. Nommée à ce poste en août dernier, l'ex-ministre du gouvernement Castex s'est montrée très à l'aise pendant une demi-heure. Selon elle, la fin du TRV gaz est une formalité suffisamment expliquée en amont aux consommateurs qui, en plus, bénéficient du prix repère de la CRE pour choisir le meilleur contrat. Et en cas de nouvel emballement des prix, Emmanuelle Wargon est persuadée que l'Etat protègerait les ménages français avec le retour du bouclier tarifaire.

MoneyVox : « La décision de supprimer le tarif réglementé de vente du gaz remonte à 2019, mais à quelques heures maintenant de l'échéance, quel est votre état d'esprit ? »

Emmanuelle Wargon : « Je suis confiante, car je crois que l'on a bien expliqué au consommateur ce qui va se passer à partir du 1er juillet. Je ne suis pas inquiète, mais je suis vigilante parce que je sais que c'est un bouleversement pour un certain nombre de consommateurs. Ce n'est pas une date couperet et la Commission de régulation de l'énergie s'est assurée que des offres de marché conformes aux conditions de marché soient proposées aux clients. Aujourd'hui, il suffit de consulter le comparateur du médiateur de l'énergie pour voir qu'il y a du choix et de la concurrence. »

Comment s'y retrouver justement si, toute sa vie, on a été client du tarif réglementé ?

E. W. : « Il est important de s'intéresser à son contrat pour pouvoir, par exemple, choisir entre une offre fixe – dont le prix est garanti pour 12, 24 ou 36 mois - ou une offre variable dont le tarif du kilowattheure évolue chaque mois avec le marché.

Plus largement, la CRE a étudié deux options : les consommateurs qui vont changer et ceux qui ne vont rien faire d'ici au 30 juin pour basculer automatiquement chez Passerelle d'Engie. Pour ceux qui veulent changer de fournisseur, il existe des offres sur le marché que le consommateur peut aussi comparer avec le prix repère de la CRE. Cet outil indicatif donne une idée du prix auquel auraient été les TRV s'ils avaient été maintenus.

« Je ne suis pas inquiète, mais je suis vigilante parce que je sais que c'est un bouleversement »

Les clients qui cherchent un contrat ont ainsi la possibilité de comparer leur offre avec un prix de référence. Si le prix est au-dessus, elle n'est pas intéressante et si elle est bien en-dessous, cela doit aussi vous alerter sur quel fournisseur la propose. De même, si le fournisseur est inconnu, il est utile de vérifier son taux de réclamation sur le site du médiateur de l'énergie. »

Indicatif pour les consommateurs, à quoi sert le prix repère pour les fournisseurs ?

E. W. : « Ce prix repère leur permet de proposer des offres adossées à ce tarif indicatif. Aucun fournisseur n'est obligé de l'appliquer, mais Engie, EDF ou TotalEnergies avec qui nous avons échangé en amont sur la formule de calcul le font déjà et vont continuer à le faire. La CRE ne vend pas de gaz, nous sommes neutres, mais si des fournisseurs proposaient des offres très loin des conditions du marché, on les appellerait en demandant des explications. Ça n'est pas leur intérêt. »

Au dernier décompte, il restait 2,3 millions de clients au TRV chez Engie. Savez-vous combien de foyers n'ont pas changé de contrat ?

E. W. : « Nous n'aurons pas les chiffres avant fin septembre. D'ici là, les consommateurs auront eu le temps de réfléchir et de se rendre compte des changements. »

A vous entendre, la fin des TRV est un non-événement...

E. W. : « Il faut lever un malentendu : le TRV du gaz n'est pas forcément protecteur pour le consommateur, car il est fixé à 85% par les mouvements du marché de gros de court terme. Pendant le premier bouclier tarifaire du gouvernement, le TRV du gaz a grimpé de 50% et c'est l'action du gouvernement qui a été protectrice. »

« Si les prix flambaient à nouveau, il appartiendrait au gouvernement de prendre la décision de remettre en place une forme de bouclier »

Mais le bouclier tarifaire pour le gaz prendra fin en décembre 2023. Faut-il redouter janvier et un hiver rude ?

E. W. : « En cas de besoin l'hiver prochain, il reviendra au gouvernement de juger de son éventuelle utilité. Si les prix flambaient à nouveau, il appartiendrait au gouvernement de prendre la décision de remettre en place une forme de bouclier, car il a fait ses preuves. Il y a en France une tradition de protection assez forte, même quand les Finances publiques réclament des efforts. C'est aussi la sobriété qui aidera tout le monde : si les prix montent et que la consommation baisse, les prix baisseront. »

Votre rôle est d'observer le marché. Pensez-vous qu'un afflux d'offres est à venir dès début juillet ?

E. W. : « On s'attend à des offres, car pour les fournisseurs la fin des TRV est une opportunité marketing. Il y aura quelques pratiques agressives de fournisseurs, mais ce n'est pas la majorité, je trouve que les choses sont apaisées. Il faudra observer ce que ça donne après l'échéance de juillet, mais nous avons évité la polémique du scandale absolu.

Au 30 juin, le consommateur qui n'aura rien fait ne se retrouve pas sans contrat de gaz ou avec un contrat à prix exorbitant. La fin du tarif réglementé, ce n'est pas Cendrillon, le carrosse ne se transforme pas en citrouille à minuit. »

Les habitants de Bordeaux, Strasbourg, Grenoble et clients de la vingtaine d'entreprises locales de distribution (ELD) ne partagent pas forcément votre optimisme. Pour eux, la concurrence ne fonctionne pas. Que fait la CRE pour changer cette situation ?

E. W. : « Nous essayons d'avancer pour permettre aux fournisseurs de faire des offres dans ces zones, mais, c'est vrai que c'est difficile. Les fournisseurs – même les gros – considèrent que c'est trop complexe de faire des offres dans ces zones. A échéance de quelques mois, nous voulons déployer un système d'information unifié (accès aux compteurs Gazpar pour le gaz ou Linky pour l'électricité, NDLR) pour aider les fournisseurs à faire des offres.

En attendant mieux, comme pour le reste du territoire, la CRE a étudié les offres de bascule proposées localement et nous sommes attentifs aux offres de marché de ces fournisseurs historiques des ELD. Quant au prix de l'abonnement qui est plus élevé, il est le fruit de l'Histoire de ces ELD. »