Plus de 5 millions de salariés français profitent de titres restaurant. L'utilisation de ces « tickets resto » fait l'objet de règles bien précises fixées par le Code du travail. Pouvez-vous payer avec au supermarché ? Pouvez-vous en donner à vos enfants ? Un restaurateur peut-il refuser de vous rendre la monnaie ? Questions-réponses.

Cela fait plus de 50 ans que le titre restaurant se glisse dans le portefeuille de nombreux salariés de l'Hexagone. La version papier a pris des rides et la version « dématérialisée » (qui ressemble à une carte bancaire) lui grignote de la place dans les portefeuilles (1). Le fonctionnement du titre restaurant est identique quel que soit le nom qu'il porte (Ticket restaurant chez Edenred, Chèque déjeuner chez Up, Pass restaurant chez Sodexo, Apetiz chez Natixis...) : il permet aux salariés de financer leur repas lors de la pause déjeuner. Devenu un véritable moyen de paiement auprès des restaurateurs (mais aussi des grandes surfaces), le « ticket resto » fait l'objet de nombreuses questions pratiques. Nos explications.

Puis-je utiliser un titre restaurant un dimanche ou un jour férié ?

En théorie, non. L'article R3262-8 du Code du travail précise bien que « les titres restaurants ne sont pas utilisables les dimanches et jours fériés ». Seule exception possible : si un salarié travaille le dimanche ou un jour férié et que l'employeur décide que ses tickets restaurant seront valables ce jour-là ; dans ce cas, la décision fait l'objet d'une mention très apparente sur le chèque en question.

Mais dans les faits, nombreux sont les salariés à utiliser des tickets resto sous format papier le dimanche. Et les restaurateurs ne sont pas forcément regardants sur l'existence ou non de la fameuse mention « utilisable le dimanche ». « Il y a un décalage entre ce qu'il y a dans le Code et la pratique, nous expliquait, dans un précédent article, Maître Nathalie Lailler, avocate en droit du travail au barreau de Caen. Il semble y avoir volontairement une permissivité, les contrôles sont rares voire inexistants. On n'embête pas les salariés là-dessus car ça ne lèse personne en fait. Ça permet à tout le monde de vivre mieux et d'emmener sa famille au restaurant le dimanche soir ».

Un usage temporairement toléré le dimanche en raison du Covid

Exceptionnellement, en raison de l'épidémie de Covid qui avait obligé les restaurateurs à fermer boutique, les titres restaurant ont pu être dépensés les dimanches et jours fériés pour régler un restaurateur (pas en grande surface). Cette exception a pris fin le 1er juillet 2022.

Puis-je payer avec plus d'un titre restaurant ?

Oui, mais dans la limite journalière de 25 euros (avant le 1er octobre 2022, c'était 19 euros). Si votre repas du midi vous coûte par exemple 18 euros et que vos tickets restaurant ont une valeur de 9 euros, vous pourrez régler en en donnant deux au restaurateur. En revanche, la loi précise que « l'utilisation des titres restaurant est limitée à un montant maximum de vingt-cinq euros par jour ». En théorie donc, vous ne pouvez pas régler plus que ce montant sur une journée. Mais là encore, il arrive parfois que des restaurateurs acceptent d'être réglés avec plusieurs chèques au format papier, au-delà de la limite des 25 euros quotidiens. Et personne ne contrôle non plus vraiment si vous réglez un repas du midi à 16 euros dans une enseigne puis un repas du soir à 23 euros ailleurs, dépassant ainsi allègrement le plafond.

Un plafond rehaussé depuis le Covid

Pour faire en sorte que les titres resto servent en priorité aux restaurateurs dans un contexte où le Covid 19 les touchait très fortement, leur plafond d'utilisation quotidien avait été doublé, passant alors de 19 euros à 38 euros. Ce plafond rehaussé était temporaire et avait pris fin au 1er juillet 2022. Toutefois, le plafond a de nouveau été augmenté, à 25 euros, à compter du 1er octobre 2022.

Puis-je payer mes courses au supermarché avec un titre restaurant ?

Oui, mais pour un certain type de produits seulement. Avant 2010, seuls les restaurateurs pouvaient être réglés via ce moyen de paiement. En 2010, un décret est venu élargir le paiement par titre restaurant aux « organismes ou entreprises assimilés » et aux « détaillants en fruits et légumes ». Les enseignes de la grande distribution (mais aussi les boulangers, les charcutiers-traiteurs, etc) peuvent donc accepter un règlement par ticket resto pour des produits alimentaires. Jusqu'à l'été 2022, seules les « préparations alimentaires directement consommables, le cas échéant à réchauffer ou à décongeler », les « produits laitiers » et les « fruits et légumes, qu'ils soient ou non directement consommables » pouvaient être réglés par titre restaurant. Pour distinguer ce qui pouvait ou non être payé par titre restaurant, les magasins devaient « avoir mis en place un traitement automatique permettant l'identification des articles éligibles » selon la Commission nationale des titres restaurant, qui fixe les règles du secteur. Depuis le 18 août 2022, en vertu de l'article 6 de la loi pour la protection du pouvoir d'achat, la règle devient plus simple : tout produit alimentaire, qu'il soit ou non directement consommable, est susceptible d'être réglé via ce moyen de paiement. Et ce jusqu'au 31 décembre 2023. Mais cette date limite va finalement être reportée d'un an. Le gouvernement a en effet annoncé le 14 novembre que les 5 millions de salariés bénéficiaires des titres restaurant pourront toujours acheter des produits non directement consommables, comme le riz ou les pâtes jusqu'au 31 décembre 2024. Un arrêté ou décret doit venir préciser cette décision.

Et régler ses courses en drive, est-ce possible ?

Non, il n'est pas possible de payer ses courses en ligne avec un titre restaurant, papier ou dématérialisé sur une carte. « Le drive aujourd'hui n'est pas autorisé par la CNTR. Les sites marchands des grandes surfaces ne gèrent pas aujourd'hui l'éligibilité des produits comme les grandes surfaces le font en magasin physique », détaillait à MoneyVox, dans un précédent article, la communication d'Edenred, leader sur le marché avec notamment sa « carte Ticket Restaurant ». Nuance, dans certains magasins Auchan, par exemple, il est possible de régler ses commandes passées sur internet sur des bornes qui acceptent les titres restaurants.

4 façons de dépenser ses tickets resto dans les commerces ou en restant chez soi

Un restaurateur ou un caissier de supermarché a-t-il le droit de ne pas me rendre la monnaie ?

Oui, il a même l'interdiction de rendre la monnaie. Sur son site Internet, la Commission nationale des titres restaurant explique : « En l'état actuel de la législation, cette pratique [le rendu de monnaie, ndlr] n'est pas tolérée. Un commerçant doit refuser d'être réglé au moyen d'un titre restaurant papier si le prix de la prestation demandée est inférieur à la valeur nominale du titre qui lui est présenté par le consommateur ».

Titres restaurant sur carte : des utilisations restreintes par l'informatique

La dématérialisation des titres restaurant a pour conséquence directe d'empêcher les « écarts de conduite ». En effet, dans le cas où les tickets resto sont crédités sur une carte à puce (qui s'utilise comme une carte bancaire, en sans contact ou via un code confidentiel à 4 chiffres), celle-ci est configurée de manière automatique pour ne pas fonctionner le dimanche et les jours fériés (hors lundi de Pentecôte, jour de solidarité). Elle empêche aussi les paiements au-delà des 25 euros par jour (si vous souhaitez régler plus, le paiement n'aboutira pas chez le restaurateur). En revanche, petit avantage : la question du rendu de monnaie impossible ne se pose pas puisque l'utilisateur est débité du montant exact de sa dépense, au centime près.

Est-il possible de donner des titres restaurant à ses enfants, son conjoint, un ami, une personne dans le besoin... ?

Non, la législation prévoit que « les titres restaurant émis ou acquis par une entreprise ne peuvent être utilisés que par les salariés de cette entreprise ». Mais là encore, si vous donnez un chèque déjeuner sous format papier à l'un de vos enfants pour qu'il s'offre une sortie au restaurant avec ses amis, il n'y a quasiment aucun risque que le titre soit refusé par le restaurateur ou que vous soyez sanctionné... Dans le cas d'une carte à puce, votre enfant pourra également payer en sans contact s'il reste du crédit dessus mais sans dépasser le plafond des 25 euros journaliers.

Puis-je payer dans toute la France avec mes titres restaurants ?

Tout dépend de ce qu'a prévu votre employeur. Par défaut, les titres restaurant doivent être utilisés dans le département du lieu de travail ou dans les départements limitrophes. Mais si votre patron a décidé de commander des titres valables dans « toute la France » (notamment si les salariés sont amenés à effectuer des déplacements professionnels), vous pourrez payer avec dans n'importe quel établissement agréé sur le territoire métropolitain ou dans les départements et régions d'outre-mer. A noter : les titres restaurant ne sont jamais valables à l'étranger.

Un restaurant peut-il refuser le paiement par titre restaurant ?

Oui, la loi n'oblige pas les restaurateurs à accepter les titres restaurant. Les espèces sont le seul moyen de paiement qu'ils ne peuvent pas refuser. Ils ont également le droit de n'accepter qu'un seul type de titre restaurant : la version papier par exemple mais pas la carte à puce, si leur terminal de paiement n'est pas conçu pour ou s'ils estiment que la commission reversée à l'organisme pour un tel paiement leur coûte trop cher... Ils peuvent aussi éventuellement accepter les titres restaurant d'un organisme mais pas d'un autre. Enfin, rien ne les empêche de refuser le paiement par chèque déjeuner d'un repas du soir (car en principe, le titre restaurant doit être utilisé par le salarié pour financer un repas compris dans son horaire de travail journalier).

Dois-je absolument utiliser mes titres restaurant avant fin décembre de l'année en cours ?

Non, pas forcément. La période de validité des titres restaurant comprend « l'année civile dont ils font mention et [...] une période de deux mois à compter du 1er janvier de l'année suivante » (article R3262-5 du Code du travail). Ainsi, vos titres restaurant 2023 peuvent être utilisés jusqu'au 29 février 2024. Et si vous rendez à votre employeur les chèques 2023 non utilisés avant le 15 mars 2024, ils pourront être « échangés gratuitement contre un nombre égal de titres valables pour la période ultérieure ». Concernant les titres chargés sur une carte à puce, ils peuvent être transformés en « nouveau cru » depuis votre espace personnel en ligne en 1 clic (voire en 0 clic chez Edenred par exemple, qui les prolonge automatiquement).

Quels risques à ne pas respecter ces règles ?

La sanction théorique encourue par un salarié pour non-respect des règles en vigueur sur les titres restaurant est une contravention de 4ème classe, soit 135 euros (minorée ou majorée selon le délai de paiement). Mais dans les faits, aucun salarié n'a fait l'objet d'une telle mesure. Il peut arriver, dans de rares cas, que l'employeur soit lui inquiété pour une utilisation « illicite » de la part de ses salariés. En 2018, un patron de PME a ainsi reçu une note de l'Inspection du travail, dénonçant l'utilisation des titres restaurant par l'un de ses employés le dimanche.

Puis-je utiliser un titre restaurant légèrement déchiré ?

Pour être valable, « le titre doit être lisible » comme le rappelle la société Up Chèque déjeuner. Si le code barre d'un titre papier ne peut pas être lu par la machine ou que son numéro est illisible, il ne sera donc pas accepté.

Chaque employeur peut-il décider unilatéralement du montant du titre restaurant ?

Oui, il n'existe pas de montant minimum ou maximum du titre restaurant (en 2018, la moyenne était de 7,91 euros). En revanche, l'employeur peut bénéficier d'une exonération de cotisations sociales sur cet avantage social attribué aux salariés. Pour cela, il doit prendre à sa charge entre 50% et 60% de sa valeur. Le plafond d'exonération maximum de la participation patronale au financement des titres restaurant est fixé à 6,91 euros par titre en 2023. « Ainsi, lorsque la contribution de l'employeur s'élève à 6,91 euros, la valeur du titre-restaurant devra se situer entre 11,52 euros et 13,82 euros pour que l'exonération maximale de la participation patronale ait lieu », explique le site service-public. En pratique donc, il est rare qu'un chèque déjeuner dépasse cette somme.

Par ailleurs, tous les salariés d'une entreprise ont les mêmes droits en matière de titres restaurant (montant, conditions d'attribution...), qu'ils soient à temps complet, à temps partiel, en CDI, en CDD, en stage ou apprentissage, en télétravail... A noter : vous ne recevez pas de tickets resto pour vos périodes de maladie ou de congés.

Est-ce une obligation pour l'employeur de fournir des titres restaurant à ses salariés ?

Non, d'autres solutions s'offrent à lui : il peut préférer mettre à disposition de ses employés une salle de restauration, les faire bénéficier d'une cantine ou leur verser une prime de déjeuner. Sur les 25,4 millions de salariés en France (19,6 millions dans le privé, 5,8 dans le public), seuls 5 millions disposent d'ailleurs de titres restaurant.

Les titres restaurant en chiffres

  • La valeur faciale totale des titres restaurant s'élevait en 2022 à près de 8,5 milliards d'euros
  • 7,91 euros : la valeur faciale moyenne en 2018
  • 5 millions de salariés bénéficiaires en 2022
  • Plus de 230 000 commerçants agréés (restaurants, primeurs, métiers de bouche, supermarchés...) en 2022

(1) En novembre 2020, le JDN rapportait que les cartes équipaient 1,4 millions de bénéficiaires chez Edenred (sur 2 millions de bénéficiaires au total), 400 000 chez Chèque Déjeuner (sur 1,5 million de personnes), 400 000 chez Apetiz (sur 1,1 million de personnes), 400 000 chez Sodexo et 300 000 chez Swile (100% carte).