L'assemblée nationale discutera ce mercredi 10 avril d'éventuelles modifications concernant le fonctionnement et les règles du Haut conseil de stabilité financière (HCSF), souvent accusé de bloquer les emprunteurs souhaitant contracter un crédit immobilier. Alors, faut-il vraiment tout revoir ?

C'est un sigle qui commence à être familier pour beaucoup de candidats à l'emprunt immobilier, et qui cristallise de nombreuses critiques depuis près de deux ans et la contraction du marché du crédit immobilier : le HCSF, pour Haut conseil de stabilité financière, est un organisme présidé par le ministre de l'Economie, qui rassemble une poignée d'économistes, le gouverneur de la Banque de France, et les présidents ou vice-présidents des gendarmes financier (AMF) et bancaire (ACPR).

Le HCSF a fixé au fil des ans un ensemble de règles sur le crédit immobilier dans le but de limiter le surendettement des ménages et donc de protéger les emprunteurs. Pour rappel, ces règles sont devenues contraignantes depuis le 1er janvier 2022, c'est à dire qu'il n'est plus possible pour les banques de passer outre, sous peine de sanctions.

Les grands principes sont les suivants : les banques n'ont pas le droit de signer un crédit immobilier si le montant total des dépenses des emprunteurs liées à l'habitation dépasse 35% de leurs revenus (taux d'effort, aussi appelé taux d'endettement, NDLR), ni pour une durée supérieure à 25 ans, sauf si des travaux représentent 10% du montant total de l'opération. Ces règles peuvent être contournées dans 20% des cas, à condition que cela concerne en priorité des résidences principales et vise, dans près d'un tiers des cas, des primo-accédants.

Mais avec la remontée brutale des taux de crédit immobilier, passés de 1% en janvier 2022 à 4% deux ans plus tard, les règles du HCSF, notamment celle portant sur le taux d'endettement de 35%, se sont retrouvées sous le feu des critiques, accusées de bloquer les emprunteurs, dont certains parfaitement solvables.

Une possibilité pour les banques de déroger au taux d'endettement ?

C'est pourquoi une vingtaine de députés Renaissance, Modem et Horizons, autour de Lionel Causse, a déposé le 23 janvier 2024 à l'Assemblée nationale une proposition de loi « visant à compléter les dispositions applicables au Haut Conseil de stabilité financière ».

Cette dernière souhaite à la fois modifier la composition de ce Haut Conseil, en y faisant siéger un sénateur et un député, et assouplir l'encadrement du crédit immobilier en laissant les banques y déroger si elles prouvent que cela ne les met pas en danger. Le texte doit être discuté en commission ce mercredi 10 avril, avant une discussion en commission plénière le 29 avril.

« Nous disposons en France d'un réseau bancaire solide qui est en capacité de définir lui-même les dossiers qui sont à risque ou ne le sont pas. Il faut s'appuyer sur l'expertise des banques pour pouvoir accorder plus de crédits. Et leur permettre de tenir compte du reste à vivre, qui est une notion très importante, explique Lionel Causse dans un entretien accordé à Capital. Il y a actuellement beaucoup de demandes de prêts qui sont bloquées en raison d'un taux d'endettement qui dépasse les 35%, alors que le reste à vivre de ces ménages est parfois très élevé. Il faut donner plus de flexibilité aux banques pour qu'elles puissent accorder plus de crédits. »

De son côté, le ministre de l'Economie Bruno La Maire, qui préside ce HCSF « soutient cette proposition de réforme du HCSF », selon une indiscrétion des Échos. Par ailleurs, le ministre délégué au Logement, Guillaume Kasbarian a lui avoué « regarder avec bienveillance » la proposition de loi selon AEF Info.

Du côté du HCSF, l'annonce de cette proposition est accueillie très défavorablement. Dans une tribune publiée dans Les Échos le 4 avril, trois membres du haut conseil estiment que « la BRI, le CERS, la BCE, le CSF et le FMI tomberaient des nues si ces propositions étaient adoptées. Le HCSF deviendrait une anomalie parmi les autorités macroprudentielles et son efficacité serait menacée. De façon ironique, aucune de nous trois, qui avons été nommées respectivement par le président de l'Assemblée nationale, du Sénat et le ministre de l'Economie, n'a été contactée au cours de notre mandat par les parlementaires pour discuter du HCSF et la proposition de loi semble reposer sur une interprétation erronée du rôle des normes HCSF et des causes de la baisse conjoncturelle du crédit en France. »

« Un risque de précarisation pour une partie de la population »

Dans la lignée de ses prises de paroles précédentes, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a de son côté continué de défendre l'organisme il y a quelques jours sur Europe 1 : « J'entends parfois dire qu'il faudrait remettre en cause le HCSF ou ces critères. Ça, c'est vraiment vendre des illusions parce que ça n'est en rien le sujet. On avait mis des critères de bon sens pour éviter le surendettement des ménages, pour que les gens qui prennent un projet immobilier soient sûrs de pouvoir le rembourser. On les a un peu assouplis l'année dernière et c'est ce qu'on appelle les critères HCSF ».

Si de nombreux courtiers et banquiers verraient d'un bon œil une modification des règles, Bertrand Cizeau, directeur de Hello bank !, se montre plus circonspect quant à un quelconque allègement. « Les critères HCSF sont effectivement challengés même si la règle d'un endettement maximum de 35% permet de protéger les emprunteurs d'un endettement excessif. La souplesse de 20% des dossiers qui peuvent être accordés au-delà cette limite des 35% permet de prendre en compte les cas où le reste à vivre est correct. »

Pour le directeur d'Hello bank !, « l'accès au crédit immobilier reste actuellement freiné par la baisse importante de pouvoir d'achat immobilier de l'ordre de 30% depuis début 2022. En cause la forte hausse des taux et des prix de l'immobilier qui peinent à s'ajuster. La baisse des taux depuis le début de l'année est une excellente nouvelle pour les acquéreurs, qui leur a permis de retrouver un peu plus de 4% de pouvoir d'achat immobilier (hors baisse des prix). »