Près de 100 000 candidats à l'accession à la propriété, surtout des ménages modestes, pourraient être exclus du crédit immobilier en 2020. La cause : les nouvelles contraintes exercées sur les banques pour qu’elles durcissent leur politique d’octroi.

2019, année historique pour le crédit immobilier : l’an dernier, les banques françaises ont ouvert en grand le robinet du crédit immobilier. Pour répondre à la demande des ménages avides de profiter de taux historiquement bas, mais aussi pour gagner des parts de marché : le crédit immobilier, qui vous engage généralement pour 15, 20 ans, voire 25 ans, reste en effet le produit bancaire le plus fidélisant, et de loin.

Résultat : près d’un quart des Français (23,6% précisément) sont actuellement en cours d’accession à la propriété, un chiffre historiquement haut, selon la 32e édition de l’Observatoire des crédits aux ménages, publiée cette semaine par la Fédération bancaire française. Et près de 5% des ménages ont l’intention de les imiter en 2020.

La règle des 33% outrepassée dans 20% des cas

La partie, toutefois, ne s’annonce pas facile pour tout le monde. L’an dernier, pour répondre à la forte demande, les banques ont accepté de desserrer leurs critères d’octroi, c’est-à-dire les règles qu’elles s’appliquent pour déterminer si elles accordent, ou non, un crédit à un ménage. Parmi ces critères, celui du ratio d’endettement de 33% : une règle tacite, qui veut qu’on évite d’accorder à un ménage un prêt qui ferait passer son taux d’effort (c’est-à-dire le poids des échéances de remboursement de crédits dans son budget mensuel) au-delà de 33%.

Selon le professeur d’économie à l’origine de l’Observatoire, Michel Mouillart, cité par Capital, ce ratio d’endettement a ainsi été dépassé l'an passé pour 20% environ des 1,33 million de nouveaux emprunteurs. Soit 250 000 ménages environ.

La « France des Gilets jaunes » en première ligne

Ces largesses devraient toutefois disparaître en 2020. En fin d’année dernière, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) a sifflé la fin de la récré. Cet organe, émanant de la Banque de France et présidé par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a notamment demandé aux banques de respecter de manière plus stricte le ratio des 33%. Sous peine de sévir.

Résultat : selon Michel Mouillart, ce durcissement des règles d’octroi pourrait entraîner l’exclusion de 8 à 12% des nouveaux emprunteurs. Soit autour de 100 000 ménages, ayant en commun de ne disposer d’aucune marge de manœuvre pour diminuer leur taux d’effort. Des ménages modestes, donc, « détenant moins de deux Smic mensuels, vivant dans des zones rurales et même des zones urbaines moyennes ». « C’est finalement la France des Gilets jaunes », conclut l’économiste.