Le principal taux d'intérêt du marché interbancaire européen, l'Euribor à échéance trois mois, s'est rapproché jeudi du plus bas niveau de son histoire, mais cette évolution masque la quasi-disparition des prêts entre banques, induite par la réglementation.

L'Euribor à trois mois a atteint jeudi 0,783%, son plus bas niveau depuis 21 mois. Il est désormais proche de son record absolu, enregistré le 31 mars 2010, à 0,634%. Cet indicateur central du marché interbancaire est en baisse ininterrompue depuis la première opération de prêt à trois ans menée par la Banque centrale européenne (BCE), fin décembre 2011.

Pour autant, si cette détente marquée devrait normalement signaler une normalisation des relations entre banques européennes, il n'en est rien. « Le marché interbancaire est peu ou prou gelé », avait expliqué, mi-février, le directeur général de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé. Non « pas parce que les banques ne se font pas confiance », mais « parce que le cadre réglementaire nouveau a créé une circonstance nouvelle qui fait que c'est très pénalisant de se prêter de façon structurelle entre établissements ».

Pénalisés par Bâle III

Le nouveau cadre réglementaire dit Bâle III, qui entre en vigueur progressivement à partir de début 2013, pénalise fortement les prêts entre établissements financiers. Il les exclut en effet du calcul des ratios dits de liquidité, qui seront utilisés pour mesurer la capacité d'une banque à faire face à un choc comparable à celui survenu en septembre 2008 après le dépôt de bilan de la banque Lehman Brothers.

Le mode de calcul des ratios de liquidité est actuellement en discussion et pourrait être revu lors de la transcription de Bâle III en droit européen, via la directive CRD4, dont le texte final n'est pas encore arrêté.

Lors d'un colloque organisé lundi par la Banque de France, le gouverneur de l'institut, Christian Noyer, a fait part de sa « crainte » de ne plus revoir le marché interbancaire fonctionner comme auparavant, du fait des nouvelles contraintes prudentielles. Pour Eric Delannoy, vice-président du cabinet de conseil Weave, la bataille qu'ont engagé les banques françaises pour collecter des dépôts tient, pour partie, au fait que Bâle III est « en soi un générateur de tensions interbancaires car il nécessite que les banques accumulent de la liquidité pour elles-mêmes ».

Les sommes parquées chaque soir auprès de la BCE, qui atteignaient 777 milliards d'euros mercredi, témoignent de cette tendance, même si elles traduisent aussi les répercussions des deux opérations massives de prêts à trois ans, qui ont inondé les banques européennes de liquidités.