Il y a encore quelques semaines, le CAC 40 dépassait les 6 000 points, un record depuis 2007. Mais, suite au coronavirus, il a perdu plus de 30% de sa valeur. Et la chute n’est probablement pas terminée.

La panique s’est emparée des marchés financiers. Après une chute de 8% lundi 9 mars, la pire journée pour la Bourse de Paris depuis 2008, son indice phare, le CAC 40 a fait bien pire ce jeudi 12 mars, en plongeant de 12%. A l'origine de ce krach boursier : la crise sanitaire mondiale suite au Covid-19. Le coronavirus a en effet été l’élément déclencheur de ce choc majeur qui a mis un point final à l’euphorie boursière entamée en 2019. Le CAC 40 tutoyait les 6 100 points mi-février. Un tel niveau n’avait pas été atteint depuis 2007, soit avant la crise financière des subprimes ! Mais, depuis, l’indice parisien a perdu plus de 30% de sa valeur pour tomber à 4 040 points ce jeudi à la clotûre de la bourse.

Un rebond pas d’actualité

La correction peut « perdurer encore plusieurs semaines, voire quelques mois »

Malheureusement, « même s’il s’agit d’un choc de nature temporaire, il est peu probable que l’on assiste à un redressement qui efface très rapidement la baisse des marchés d’actions, nous explique Laurent Quignon, responsable économie bancaire au sein du département de recherche de BNP Paribas. Les mesures prises telles que les restrictions de déplacement et le confinement limiteront certes la propagation du virus mais auront néanmoins un impact négatif sur l’activité économique, les prévisions de croissance et donc, les perspectives de résultats et de dividendes, au moins pour l’année 2020 ».

La Banque de France a d’ailleurs déjà revu à la baisse ses prévisions de croissance, à 0,10% pour le premier trimestre, contre 0,30% prévu jusqu’alors. En outre, le manque à gagner dans l’un des secteurs les plus impactés, celui du tourisme, atteint déjà 30% à 40% pour l’hôtellerie et 25% dans la restauration, d'après le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. En bourse, « compte tenu de la brutalité de la baisse, des rebonds techniques ne sont pas exclus mais les conséquences sur les marchés pourraient, comme ce fut le cas lors du SRAS [syndrome respiratoire aigu sévère, NDLR] en 2003, perdurer encore plusieurs semaines, voire quelques mois », poursuit Laurent Quignon.

Un CAC 40 à 3 700 points fin 2020 ?

En bourse, « il est possible de perdre 39% sur un an »

S’il est difficile de prédire où en sera le CAC 40 une fois l’épidémie du coronavirus derrière nous, il est possible, néanmoins, de faire le parallèle avec les crises précédentes. S’agissant du facteur déclenchant - une maladie apparue en Chine qui ralentit l’activité économique - la comparaison avec le SRAS apparaît effectivement évidente. Toutefois, cette épidémie qui avait sévi 8 mois n’avait pas eu la même répercussion sur les marchés. Il faut dire que ces derniers ne s’étaient pas encore remis de l’explosion de la bulle internet.

Pour l'heure, l’ampleur de la chute boursière - depuis la propagation du virus en dehors de la Chine - est rapide et plus brutale que les plongeons amorcés à l’été 2000 (explosion de la bulle internet) et au printemps 2007 (crise des subprimes). Trois mois après le déclenchement de ces deux chocs retentissants, l’indice parisien avait chuté de 12% à 5 915 points au plus bas en novembre 2000 et de 15% à 5 200 points en août 2007. Sachant que, pour ces deux crises, la chute de la bourse ne s'était pas arrêtée là. Suite à l'explosition de la bulle internet, le CAC 40 avait perdu 65% de sa valeur deux ans et demi plus tard à 2 400 points. Quant à la crise des subprimes, elle s'est soldée au final par une chute de 60%, à 2 500 points, en 21 mois.

Le CAC 40, après avoir déjà fortement baissé, peut donc encore dévisser. « Selon la méthode de Marchés Gagnants, il est possible de perdre 39% sur un an sur un portefeuille diversifié d’actions, nous expose Jean-François Filliatre, directeur éditorial de ce site spécialisé. Ce chiffre ne sort pas d’un chapeau ! Il correspond aux besoins de fonds propres imposés par la réglementation aux assureurs s’ils investissement en actions cotées. Nous vivons actuellement un krach, mais aujourd’hui par rapport au point culminant atteint en février dernier, le CAC 40 est loin d’avoir perdu 39% ». Pour rappel, depuis le plus haut atteint le 19 février (6 090 points), la Bourse de Paris a déjà chuté de 33,5%… Une baisse de 39% amènerait le CAC 40 à quelque 3 700 points. Une chute supérieure ferait entrer la bourse dans une situation quasi-exceptionnelle. D'après les calculs de Jean-François Filliatre, basés sur l’évolution du CAC 40 depuis 1987, le rendement annuel de l'indice a été inférieur à 39% dans seulement 1,5% des 7 800 performances annuelles calculées.

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Un scénario bien sombre exposé également par Peter Dixon, économiste chez Commerzbank. En effet, dans une interview donnée au Monde le 9 mars, celui-ci estime que la correction n’est pas terminée… Les bourses demeurant encore trop hautes. « Le ratio Shiller [valorisation boursière divisée par les bénéfices des entreprises, NDLR], était de 31 au début de l’année 2020, alors que sa moyenne de long terme est de 19, explique ainsi Peter Dixon. Dans l’histoire, il n’avait dépassé ce niveau qu’à deux reprises : en 1929 et en 2000. Vendredi 6 mars, après les fortes chutes de ces dernières semaines, le ratio était retombé à 29. Mais si on pense qu’il pourrait descendre à 24, par exemple, cela voudrait dire que les Bourses américaines devraient encore baisser de 15% à 20%. Et les indices européens devraient suivre le mouvement », conclut-il.

Des autorités monétaires démunies

Statu quo sur les taux pour la BCE

Or, pour endiguer cette baisse, les autorités monétaires paraissent démunies. En atteste, le 3 mars, la réaction des marchés suite à l’annonce de la Banque centrale américaine d’une baisse surprise de ses taux. Après une rapide accalmie, le Dow Jones a finalement cédé 2% et le Nasdaq 1,58% ce jour-là, avant de chuter de plus belle les jours suivants. Les projecteurs étaient braqués sur l’Europe ce jeudi… La Banque centrale européenne se réunissant. Mais, dans un contexte où les taux directeurs de la BCE étaient déjà au plancher, cette dernière n'a pas touché à ses taux directeurs. En revanche, la BCE a lancé un programme de prêts pour soutenir les PME et compte acheter 120 milliards d’euros de dette publique et privée supplémentaire d’ici fin 2020.

« L’action des banques centrales n’aura sans doute pas un réel effet de relance car la liquidité bancaire est abondante et les taux d’intérêt sont déjà au plus bas mais elle contribuera à limiter certaines conséquences. La BCE pourrait notamment, via ses interventions, contenir les écarts de taux entre la dette des pays du sud de l’Europe (Italie et Espagne notamment) et celle des pays jugés les plus sûrs comme la France et l’Allemagne et limiter ainsi la hausse des coûts de financement dans les pays d’Europe du Sud », détaille ainsi Laurent Quignon de BNP Paribas.

Résultat, le salut des marchés ne semble donc pouvoir venir que des investisseurs et des gérants d’actifs s'ils anticipent une reprise durable de l'activité économique. « D’un point de vue historique, il y a un lien très fort entre croissance économique et progression des marchés financiers, rappelle en effet Jean-François Filliatre. Aux Etats-Unis, les marchés comme la croissance économique sont tendanciellement plus dynamiques qu’au Japon où l’activité économique est faiblarde et les actifs financiers peu performants ».