Couper l’accès à ses anciens fonds en euros, dont le très prisé Euro Allocation Long Terme, pour en développer de nouveaux sans protéger votre épargne à 100% ! Voici en résumé la révolution que lance Spirica à la rentrée. Le directeur général de l’assureur, Daniel Collignon, explique pourquoi il mène cette refonte potentiellement très impopulaire.

Le contexte. A l’échelle de l’assurance vie et de l’épargne sur Internet, c’est une révolution ! Lancer un fonds en euros qui ne vous garantit pas de retrouver votre mise à 100% n’est certes pas une première : Apicil le fait déjà avec Euroflex, et Nortia a lancé des fonds euros « risqués ».

Spirica va plus loin en assumant une refonte totale de son panel de fonds en euros ! Exit tout nouveau versement sur les fonds historiques Euro Allocation Long Terme (Euro ALT), EuroSélection, NeoEuro Garanti… Et les nouveaux clients auront accès à une version entièrement renouvelée, avec pour pierre angulaire le fonds en euros Nouvelle Génération. Si vous misez 100 euros sur ce fonds à « garantie partielle » (de 97,7% à 98% selon les contrats), l’assureur ne vous promet de retrouver qu’un minimum de 97,7 ou 98 euros à la fin de l’année. A la clé : plus de souplesse financière pour l’assureur et éventuellement de meilleurs rendements. Spirica intègre aussi un fonds de type eurocroissance, le fonds Croissance Allocation Long Terme (Croissance ALT), dans sa nouvelle gamme de contrats.

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Daniel Collignon, Spirica

Daniel Collignon, directeur général de Spirica

Vous aviez annoncé une probable refonte de votre gamme de fonds en euros, l’an passé sur MoneyVox. Le calendrier a-t-il été bousculé par la crise sanitaire ?

Daniel Collignon : « Le projet a effectivement été lancé dès la fin de l’année dernière. Il s’agit d’un chantier d’ampleur puisque cela implique de modifier tous nos contrats en cours de commercialisation ! Les nouvelles versions de contrats seront disponibles en septembre ou en octobre selon les partenaires. La crise sanitaire n’a pas modifié notre projet, au contraire les évolutions qui nous avaient poussés à mener cette refonte ont été amplifiées depuis le confinement ! L’effondrement des taux d’intérêt, en particulier, s’est confirmé : aujourd’hui tout nouvel investissement sur un fonds en euros se fait sur des valorisations pour l’assureur négatives. Dans ces conditions, une refonte de l’offre est inéluctable. »

Comment se traduit-elle pour ceux qui possèdent déjà une assurance vie gérée par Spirica ?

Les clients historiques « conservent leur contrat ! »

D.C. : « Ils conservent leur contrat ! Pour eux, rien ne change, mis à part le fait qu’ils ne pourront plus investir sur nos fonds dynamiques et notre fonds immobilier [Euro Allocation Long Terme qui est présent entre autres dans les assurances vie de Linxea, BforBank, Netlife et de Mes-placements, NDLR] à compter de la mi-septembre. [Pour les assurés historiques, les versements sur l’Actif Général de Spirica, ou sur Dolcea Vie sur BforBank Vie, restent possibles, NDLR] Notre nouvelle offre de fonds en euros ne concerne que les nouvelles souscriptions. Il était nécessaire de lancer un nouveau contrat, pour pouvoir intégrer le fonds Croissance Allocation Long Terme [fonds de type eurocroissance, NDLR]. »

Comment avez-vous expliqué la fin des versements sur vos fonds dynamiques et Euro ALT à vos épargnants historiques ?

D.C. : « Le fonds croissance a évolué dans le cadre de la loi Pacte. Notre Fonds Euro Nouvelle Génération, avec une garantie en capital partielle, et le fonds Croissance ALT, ne sont proposés, dans un premier temps, qu’aux nouveaux clients. S’ils ont du succès, nous proposerons à nos épargnants historiques de réaliser un transfert ‘‘loi Pacte’’ pour basculer sur le nouveau contrat. Donc, pour l’instant, nous expliquons à nos épargnants historiques que leur assurance vie reste la même : la seule différence est qu’ils ne pourront plus réaliser de nouveaux versements sur les fonds dynamiques et sur Euro ALT. L’épargne qu’ils ont investie précédemment sur ces fonds va continuer à générer des revenus : les fonds en question continuent de vivre, nous coupons uniquement les versements. »

Vous lancez donc un fonds qui garantit entre 97,7% et 98% de l’épargne investie et qui sera le fonds central de vos nouveaux contrats d’assurance vie. A terme, les fonds à garantie partielle vont-ils devenir la nouvelle norme ?

« Nous sommes convaincus que l’on n’a pas le choix »

D.C. : « Si nous l’avons fait, c’est que nous sommes convaincus que l’on n’a pas le choix. La seule chose qui pourrait modifier cette issue inéluctable, c’est une remontée des taux d’intérêt. Tant que les taux d’intérêt sont au plus bas, la problématique reste la même : la rémunération des fonds en euros est condamnée à baisser, et les assureurs sont contraints de limiter les versements sur ces mêmes fonds en euros. Nous préférons opérer la bascule maintenant vers un fonds en euros à garantie partielle, pour pouvoir nous concentrer ensuite sur des choses plus positives, plutôt que de continuer à annoncer de nouvelles contraintes. Avec une garantie partielle, à l’avenir, le Fonds Euro Nouvelle Génération pourra offrir un meilleur rendement que les fonds historiques. »

Vous estimez donc que ce virage est incontournable pour l’ensemble des assureurs…

D.C. : « Je pense que l’on va assister à un mouvement similaire à celui de la bascule de la garantie ‘‘nette de frais de gestion’’ à la garantie “brute de frais de gestion”. »

Explications. Flash-back : en 2016, plusieurs assureurs ont fait évoluer les conditions générales de leurs contrats d’assurance vie. Ouvertement, ou en toute discrétion. A la clé, un changement d’aspect technique qui transforme la nature du fonds en euros. Avant cette bascule, la garantie en capital s’entendait toujours « nette de frais de gestion » : si un fonds en euros affiche une performance nulle, de 0%, vous ne perdez pas d’argent. Désormais, avec la garantie « brute de frais de gestion », si un fonds en euros réalise une performance brute de 0%, les frais annuels peuvent rogner le capital, et le rendement « net de frais de gestion » peut donc être négatif : -0,60% par exemple si les frais annuels sont de 0,60%.

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Certains assureurs n’ont toujours pas opéré cette bascule…

D.C. : « Tout à fait. De très nombreux assureurs ont opéré cette bascule en 2016-2017, ceux qui gèrent des stocks moins importants, ou en faible croissance, n’ont pas encore été contraints de l’effectuer. Pour revenir à notre cas, concernant le Fonds Euros Nouvelle Génération, nous aurions pu continuer de réclamer à nos assurés d’investir une plus large part de leur épargne sur les supports en unités de compte, mais nous préférons opérer dès maintenant cette bascule vers une nouvelle génération de fonds en euros. »

Quels sont les premiers retours, de la part de vos clients, ou de la part de vos partenaires conseillers en gestion de patrimoine ?

D.C. : « Ils sont positifs. Nous avons notamment échangé avec nos conseillers en gestion de patrimoine partenaires d’UAF Life Patrimoine, la filiale de Crédit Agricole Assurances spécialisée dans la commercialisation via les CGP [conseillers en gestion de patrimoine, NDLR]. Ils ont bien compris que cette nouvelle configuration ne bridera plus la performance du fonds en euros et commencent à intégrer cette nouvelle offre. »

Le fonds Euro ALT, dans leurs versions 1 puis 2, étaient un important atout commercial. Sur le marché de l’assurance vie en ligne, vous allez notamment laisser le champ libre à vos concurrents…

D.C. : « Nous avons la conviction qu’un lancement efficace de notre Fonds Euro Nouvelle Génération n’est possible que si nous disposons d’une souplesse maximale pour diversifier les actifs de nos fonds en euros. Or actuellement les fonds Euro ALT et aux autres fonds dynamiques profitent de cette diversification et nous privent d’une poche d’actifs investis sur les marchés financiers les plus rentables pour le fonds en euros principal. Par conséquent, nous allons certes nous priver d’un atout commercial à court terme, mais c’est pour nous donner toutes les chances de proposer une nouvelle solution prometteuse pour nos clients. »

Vous intégrez un fonds eurocroissance dans votre nouveau contrat, or cette famille de fonds peine à séduire… La loi Pacte a-t-elle changé la donne ?

« Le fonds en euros fait partie intégrante de l’assurance vie ! »

D.C. : « Nous allons commercialiser ce support Croissance Allocation Long Terme comme un support en unité de compte offrant une garantie de 80% du capital investi à 8 ans. Présenté ainsi, il a toute sa place entre un fonds en euros et les supports en UC. »

Le dernier rapport de Facts & Figures pointe le risque, pour l’assurance vie, de perdre sa vocation de placement populaire, en s’éloignant du fonds en euros. Qu’en pensez-vous ?

D.C. : « Le fonds en euros fait partie intégrante de l’assurance vie ! Imaginer ce placement sans fonds en euros n’est pas envisageable. Le Fonds Euro Nouvelle Génération que nous lançons est justement la solution pour continuer à réfléchir sur le long terme avec un fonds en euros pérenne. Ce qui est vrai, en revanche, c’est qu’il est aujourd’hui de plus en plus difficile d’avoir un contrat investi à 100% sur un fonds en euros bien rémunéré… Il faut accepter d’investir une partie de son épargne en unités de compte, ou accepter d’investir sur un fonds offrant une garantie en capital partielle, comme notre fonds Nouvelle Génération. »

Voir aussi le comparatif des assurances vie gérées par Spirica