Aujourd’hui, l’assurance vie est « hors succession », ou presque. Une anomalie, estime un rapport d’experts commandé par la ministre de la Justice Nicole Belloubet. Le point.

Quelle est la situation actuelle ?

Au décès de l’assuré détenteur du contrat, les sommes épargnées sont reversées au(x) bénéficaire(s) désignés. Le capital ainsi reversé ne fait pas partie de la succession, et il n’a donc aucun impact, ni sur la « réserve héréditaire », ni sur la « quotité disponible ». La réserve désigne le patrimoine qui revient obligatoirement aux principaux ayants droit (les « héritiers réservataires », les enfants en premier lieu), et la quotité disponible c'est-à-dire la part que chacun peut choisir de léguer à sa guise.

La justice se saisit toutefois des éventuels abus, en particulier si les sommes déposées sur l’assurance vie sont manifestement exagérées par rapport au montant global de la succession : la jurisprudence au sujet de l’assurance vie et du partage de l’héritage est dense.

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Que dénonce le rapport remis à la ministre de la Justice ?

La ministre de la Justice Nicole Belloubet a commandé un rapport sur la réserve héréditaire, afin de lancer une réflexion : il a été confié à Cécile Pérès, professeure de droit privé à l’Université de Paris II, qui l’a rédigé avec Me Philippe Potentier, directeur de l’institut d’études juridiques du Conseil supérieur du Notariat.

Leur constat, concernant l’assurance vie : ce placement a évolué d’une solution de prévoyance et d’assurance décès, à l’origine, vers un produit de placement. Or les auteurs estiment qu’un produit de placement ne devrait pas bénéficier de règles dérogatoires concernant la succession.

Que proposent les auteurs de ce rapport ?

Deux des 54 propositions contenues dans ce rapport concernent l’assurance vie. La première : « Soumettre, pour les seuls aspects civils, l’assurance vie au droit commun des successions et des libéralités ». La deuxième : « Mentionner dans la loi, afin de guider le juge et de limiter le contentieux, les critères permettant d’identifier les assurances vie constitutives de libéralités en droit civil ».

Traduction ? Pour simplifier, les auteurs du rapport proposent d’intégrer le patrimoine accumulé sur l’assurance vie au calcul de la succession, pour le partage de l’héritage. Et éviter que l’assurance vie permette de contourner la réserve héréditaire, en favorisant d’autres personnes que les ayants droits. Ils proposent aussi d’établir des critères de tri entre les différents contrats d’assurance vie, pour savoir lesquels doivent ou non être intégrés dans le calcul de la succession.

Que va devenir cette proposition ?

Le rapport a été remis à la Garde des Sceaux Nicole Belloubet mi-décembre 2019, le ministère de la Justice ayant ensuite communiqué mi-janvier sur ces 54 propositions. Le gouvernement n’a pas encore pris position sur le sujet.

Les notaires font campagne pour cette mesure, comme en témoigne Philippe Glaudet, président du Syndicat national des notaires (SNN) : « Le notariat ne peut être que favorable à l’inclusion de l’assurance-vie dans le règlement des successions au plan civil », souligne-t-il dans Capital. Cependant, malgré le lobbying des notaires, la professeure de droit privé Cécile Pérès, coordinatrice du rapport, a confié à L’Argus de l’assurance que les « suites » à donner ne sont « pas encore connues ».

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