L'exonération sociale et fiscale du Livret A et des autres produits d'épargne réglementée représente un manque à gagner pour l'Etat. Combien exactement ? Cela justifie-t-il de la remettre en cause ?

C'est l'un des atouts de l'épargne réglementée, au même titre que la garantie apportée par l'Etat sur les sommes placées ou la disponibilité des fonds : l'exonération fiscale et sociale des intérêts. En clair, les revenus générés par vos Livrets A et Livrets Bleus, vos Livrets de développement durable et solidaire (LDDS), vos Livrets d'épargne populaire (LEP), vos Plans et Comptes d'épargne logement (PEL et CEL) s'ils ont antérieurs à 2018, vos livrets jeunes et même vos vieux Plans d'épargne populaire (PEP) ne sont soumis ni à l'impôt sur le revenu, ni aux prélèvements sociaux.

Cette caractéristique n'est sans doute pas pour rien dans le succès rencontré par l'épargne réglementée en 2020, dans le contexte particulier de la crise sanitaire : +42 milliards d'euros d'encours, le double de 2019. Avec une rémunération nette de 1%, le LEP est sans doute aujourd'hui le meilleur livret bancaire du marché. Le Livret A, souvent raillé pour sa maigre rémunération au plancher (0,50%) ne s'en tire finalement pas si mal, si on le compare avec les livrets bancaires traditionnels (0,05% brut en moyenne actuellement).

Plus d'un milliard d'euros par an

On a souvent tendance à l'oublier : cette exonération a un coût pour la collectivité. Fiscalisé, l'argent du Livret A et consorts rapporterait en effet à l'Etat : 30% des intérêts générés, par exemple, en cas d'application du prélèvement forfaitaire unique.

Dans son rapport 2020, publié début septembre, l'Observatoire de l'épargne réglementée (OER) de la Banque de France s'est amusé à estimer le coût annuel, pour 2020, de cet avantage fiscal. Il est loin d'être négligeable : plus d'1,1 milliard d'euros.

Effort financier annuel de l'Etat
pour l'exonération de l'épargne réglementée
(estimation, en millions d'euros)
Exonération fiscale (2020)
Livret A et Livret Bleu128
LDDS52
LEP12
PEL et CEL392
Livrets jeunes4
PEP51
Exonération sociale (2017)
Livret A et Bleu, LDDS, LEP, livrets jeunes et LEE538
Coût total1 177

Source : rapport 2020 de l'Observatoire de l'épargne réglementée

Un avantage fiscal qui profite aux plus aisés

L'objectif de la Banque de France n'est pas tout à fait innocent : en calculant le coût fiscal et social de l'épargne réglementée, l'institution en questionne, en creux, la pertinence. Elle invite ainsi l'observateur à mettre ce milliard d'euros en perspective avec le profil des bénéficiaires de l'épargne réglementée. Car on le sait : l'exonération fiscale et sociale de l'épargne réglementée profite massivement à une minorité d'épargnants parmi les plus aisés. Fin 2020, les 7% de livrets A au plafond — c'est-à-dire ayant atteint ou dépassé, grâce aux intérêts capitalisés, le maximum légal des versements (22 950 euros – représentaient 30% de l'encours total du produit, soit plus de 92 milliards d'euros. Dans le même temps, 36% des Livrets A affichaient un solde inférieur à 150 euros...

Le PEL le plus coûteux

Plus que le Livret A, c'est plutôt le Plan Epargne Logement (PEL) que la Banque de France a dans le viseur. C'est lui, en effet, qui coûte le plus cher à l'Etat, et de loin : 392 millions d'euros par an (CEL inclus), soit plus du triple du Livret A. En cause, l'exonération fiscale « à vie » des PEL ouverts avant mars 2011, rapportant en moyenne 4,46% à leurs heureux détenteurs.

Opportunément, l'OER a aussi travaillé dans son rapport 2020 sur l'hypothèse d'un alignement du taux de ces vieux plans sur la rémunération des PEL ouverts actuellement : 1% brut. Une évolution qui permettrait, selon la Banque de France, un gain de l'ordre de 3,9 milliards d'euros par an pour le financement de l'économie française... et de quelques centaines de millions d'euros pour le budget de l'Etat.

Les taux des « vieux PEL » sont en danger