La réduction d'impôt Ehpad ne va pas être transformée en crédit d'impôt en 2023. Le budget 2023 toiletté par le gouvernement pour les besoins du 49.3 a écarté cette mesure. Pourtant, cette réduction Ehpad est loin de profiter à toutes les personnes âgées logées en « maison de retraite ». Illustration en 5 chiffres.

1 174 euros, la réduction annuelle moyenne

« Vous vivez en Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) ou en résidence autonomie (ex-logement-foyer). Vous payez des impôts. Vous pouvez bénéficier d'une réduction d'impôt. » Extrait du site gouvernemental pour-les-personnes-agees.gouv.fr, rubrique « aides financières en Ehpad », aux côtés de l'APA (allocation personnalisée d'autonomie) ou des aides au logement. Mais comme le souligne ce site, par définition, cette réduction d'impôt se contente de réduire les impôts. Les ménages non imposables n'en profitent pas.

Très précisément, cette réduction de l'impôt sur le revenu est équivalente à 25% des dépenses en hébergement pour personne âgée, dans la limite de 10 000 euros de dépenses par personne hébergée, après déduction de l'APA des dépenses soumises à réduction. Résultat : en moyenne, la réduction atteint 1 174 euros par an selon la Direction générale des finances publiques (DGFiP), pour une réduction maximale de 2 500 euros.

230 000 ménages bénéficiaires

Cette réduction moyenne de 1 174 euros a profité à 230 000 foyers bénéficiaires en 2021, selon les statistiques de la DGFiP publiées en mai dernier. Un nombre de bénéficiaires relativement constant, année après année.

420 000 ménages déclarent des frais d'hébergement liés à la dépendance

Pourtant, un peu plus de 420 000 foyers déclarent des frais d'hébergement en Ehpad ou résidence autonomie, dans leur déclaration de revenus, selon les statistiques de la DGFiP remontant à l'année 2020. Les données détaillées de la déclaration annuelle permettent même de recenser 450 000 contribuables déclarant de telles dépenses, en comptant les deux membres d'un même ménage qui sont tous deux logés en résidence pour personnes âgées.

Comment expliquer que 190 000 foyers déclarant des frais d'hébergement dans ce type d'établissement ne profitent pas de la réduction ? La DGFiP confirme ces chiffres et livre deux éléments d'explication. Première raison de cette absence de réduction pour ces quasi 200 000 foyers : « ceux qui sont non-imposables après application du barème d'imposition », et pour lesquels la réduction n'a aucun effet, faute d'impôt sur le revenu à payer.

Deuxième raison, assez proche : « Ceux qui peuvent faire l'objet d'autres réductions d'impôts qui sont comptabilisées en amont de celle-ci. Par exemple, si le foyer bénéficie également d'une réduction d'impôt pour dons effectués à des organismes d'aide aux personnes en difficulté, et que cette réduction d'impôt est suffisante pour annuler son impôt (...) alors il n'est pas compté comme bénéficiaire de la réduction d'impôt “Ehpad”. »

De fait, mathématiquement, si la transformation de la réduction en crédit d'impôt avait été votée, ces 190 000 foyers en seraient automatiquement bénéficiaires.

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730 000 personnes âgées pris en charge en Ehpad et résidences autonomie

730 000 personnes âgées prises en charge dans les divers établissements d'hébergement évoqués ci-dessus, selon la Drees, équivalent de l'Insee pour les statistiques de santé et de l'emploi. Pourquoi les résidents, leurs proches qui déclarent pour eux, ou les membres du même foyer fiscal « oublient-ils » de réclamer cet avantage fiscal ? Manque d'information ?

MoneyVox a sondé la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) et plusieurs associations représentant les résidents en Ehpad, pour une conclusion : personne n'a d'élément d'explication... ou du moins n'ose en fournir.

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1 363 euros de reste à charge avec 916 euros de ressources par mois

2 004 euros : voici le tarif médian des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), chaque mois, selon la CNSA. Mais les résidents modestes peuvent bénéficier de diverses aides.

Voici d'ailleurs la réponse écrite de Bercy, en 2018, suite à une question du sénateur Yannick Vaugrenard en 2018 sur la réduction Ehpad et le coût de cet hébergement : « La question de la prise en charge des dépenses évoquées doit également être appréciée en tenant compte de l'ensemble des aides et allocations à caractère social versées par l'État et les collectivités territoriales qui permettent d'ores et déjà d'alléger le coût de la dépendance. Il en est ainsi, par exemple, de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour les personnes âgées dépendantes qui est exonérée d'impôt sur le revenu (...) ».

Gabriel Attal : « Evidemment, on veut tous améliorer la qualité de vie des résidents en Ehpad »

La députée Christine Pirès Beaune est à l'origine de l'amendement transformant la réduction Ehpad en crédit d'impôt dans le cadre du budget 2023, initialement voté par les députés mais finalement non retenu par le gouvernement dans le texte sur lequel il a joué sa responsabilité. Dans l'exposé des motifs de son amendement, elle livrait les chiffres suivants, tirés d'un rapport de la Drees datant de 2016 : « Chaque mois, en moyenne, les résidents ne bénéficiant pas de réduction d'impôt touchent 297 euros d'APA, 127 euros d'aide au logement et 301 euros d'ASH (allocation sociale à l'hébergement). Leur reste à charge s'élève alors à 1 363 euros pour des ressources atteignant en moyenne 916 euros par mois. » Un écart important... et la députée PS estime même que « ce reste à charge s'est aggravé depuis ».

« Evidemment, on veut tous améliorer la qualité de vie des résidents en Ehpad », a déclaré lundi 7 novembre Gabriel Attal, à l'Assemblée nationale, en revenant sur la suppression de cet amendement transformant la réduction en crédit d'impôt. Pointant le coût de la mesure, évalué à 675 millions d'euros, et le risque de « saupoudrage » de ces millions d'euros, il a tout de même fait un geste sur le sujet : confier une mission sur cette réduction d'impôt Ehpad à la députée PS Christine Pirès Beaune. A suivre...

4,3 millions de bénéficiaires du crédit d'impôt emploi à domicile

Les dépenses d'emploi à domicile donnaient droit à réduction d'impôt jusqu'à la fin des années 2010. Avant que cet avantage soit transformé en crédit d'impôt, un crédit d'impôt accessible pour tous ceux qui déclarent de telles dépenses depuis 2018. Aujourd'hui, ce crédit d'impôt bénéficie à 4,3 millions de foyers fiscaux, pour 1 111 euros d'avantage moyen.

Les statistiques du fisc montrent en outre que ce crédit d'impôt bénéficie en premier lieu aux ménages les plus aisés, mais qu'un tiers des bénéficiaires font tout de même partie des 50% de la population les plus modestes. Or la réduction d'impôt Ehpad exclut elle, de fait, cette même moitié de la population.

Raison de plus de transformer la réduction d'impôt en crédit ? D'autres pistes existent : le rapport Libault sur le « grand âge » et l'autonomie, remis en mars 2019 au gouvernement, propose par exemple de supprimer la réduction Ehpad afin de créer une allocation plus globale visant une plus large palette de résidents.

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Corriger votre déclaration de revenus, c'est (encore) possible

Vous avez oublié de réclamer cette réduction d'impôt ? Bonne nouvelle : vous pouvez encore corriger votre déclaration 2022 portant sur les revenus 2021. Vous avez jusqu'au 14 décembre pour corriger votre déclaration sur impots.gouv.fr et ainsi réclamer les avantages fiscaux oubliés.

Notre dossier sur les crédits et réductions d'impôt oubliées :