Cette réduction d’impôt offerte en contrepartie d’un investissement dans l’immobilier locatif profite à 200 000 ménages. Le manque à gagner pour les caisses de l’Etat fait polémique. Quant au rendement final pour les particuliers bailleurs, il est aléatoire. Troisième épisode de notre série sur les niches fiscales qui posent question.

C’est un dispositif qui connaît un grand succès. Pour preuve, le Pinel, ce mécanisme d'incitation à l'investissement locatif dans le neuf devrait bénéficier à 200 000 ménages en 2021 d’après les annexes du dernier projet de loi de finances. En contrepartie de l'acquisition d'un logement neuf, le bénéficiaire profite d'une réduction d'impôt de 12%, 18% ou 21% du montant de l'acquisition (dans la limite de 300 000 euros), répartie sur 6 ans, 9 ans ou 12 ans. Au final, la réduction d'impôt peut atteindre 6 000 euros par an, la somme maximale obtenue durant les 6 à 9 premières années, avant de baisser à 3 000 euros pour ceux qui s'engagent sur 12 ans. Bien sûr, il y a des conditions à respecter : le logement doit être situé dans une zone de tension locative et le propriétaire est tenu de s’engager à le louer avec un loyer plafonné.

Un avantage qui ne profite qu'aux ménages aisés ?

Mis en place en 2014, le Pinel a pour but d’augmenter l’offre de logements locatifs. Mais il a un coût non négligeable pour les caisses de l’Etat. Il constitue la huitième plus grosse niche fiscale. Le manque à gagner est passé de 745 millions en 2019 à 991 millions en 2020 et devrait atteindre 1,2 milliard d’euros cette année selon les prévisions budgétaires.

Dépenses fiscales les plus coûteusesCoût 2021Nombre de bénéficiaires *
1Crédit d'impôt emploi à domicile4,85 milliards €4 229 258
2

Abattement de 10% sur les pensions

4,2 milliards €

14 627 700

3Exonération « épargne salariale »2,35 milliards €Non déterminé
4

Exonération des allocations familiales et de l'AAH

2, 04 milliards €

Non déterminé
5Exonération des heures sup'1,67 milliards €Non déterminé
6Déficit foncier et charges locatives déductibles1,7 milliard € *1 600 000
7Réduction d'impôt pour les dons aux œuvres1,6 milliard €4 993 058
8Investissements locatifs en Duflot et Pinel1,2 milliard €257 000

* En 2019
Source : tome II de l'annexe « voies et moyens » de la loi de finances pour 2022

Un avantage qui interroge. La Cour des comptes, en 2018, estimait que cette réduction d’impôt sur le revenu consentie aux bailleurs individuels profite à des ménages « dont les revenus sont relativement élevés et même parfois importants ». A l’heure actuelle, la moitié des foyers bénéficiaires ont un revenu fiscal de référence supérieur à 70 000 euros.

Une efficacité du Pinel discutée

Mais au-delà, les magistrats de la Cour ont regardé l'efficacité de ces dépenses à la lumière des principaux objectifs qui leur ont été assignés : soutenir l'activité du secteur du bâtiment et améliorer l'offre de logements locatifs. Or, elles ont à la fois un « impact économique limité » et une « efficacité faible » pour accroître le nombre de logements locatifs accessibles. Selon les calculs de la Cour, le coût annuel pour les finances publiques d'un logement de 190 000 euros bénéficiant du « Pinel » est deux à trois fois plus élevé que celui d'un logement social comparable, « alors même que la durée des locations est, dans ces derniers cas, bien supérieure : 40 ans ». La Cour recommandait ainsi en conclusion à mettre fin au Pinel.

Une charge contestée par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) qui dénonce les idées reçues contre le Pinel. Selon la FPI, il n’est pas réservé aux riches. : « Les investisseurs sont, en moyenne, des actifs des classes moyennes et moyennes supérieures en milieu de carrière ». De plus, le Pinel ne serait pas, contrairement aux affirmations de la Cour des comptes, un gouffre financier. Loin de là. Il « génère une recette de 20% de TVA par logement, à laquelle s’ajoutent des recettes d’IS et de fiscalité locale et des cotisations sociales générées par les emplois dans la construction. Sur le plan budgétaire, le Pinel est au moins équilibré ».

Fin 2019, un rapport plus nuancé de l'Inspection générale des finances (IGF) suggérait lui de raboter le Pinel en contingentant notamment l'attribution de l'avantage fiscal. Mais il reconnaissait que le dispositif a « favorisé un développement important de l'offre locative privée » et a même joué « un rôle d'accélérateur, voire de déclencheur, des projets de logements collectifs en France ».

Le Pinel, un bon plan pour investir ?

Menacé, le Pinel vient finalement d’être prolongé jusqu’en 2024 mais avec des conditions plus strictes pour faire respecter le plafond des loyers. Quant aux avantages fiscaux, ils seront moins attractifs dès 2023 avant de probablement disparaître. Pour profiter à plein de la réduction d’impôts, il ne faut donc plus trop tarder. Mais, le Pinel est-il si un bon plan pour les particuliers investisseurs ?

Sandrine en est convaincue. Cette cadre bancaire interrogée cette semaine par Le Parisien, est passée de 12 000 euros d’impôts sur le revenu à verser chaque année à presque rien en 4 ans. Entre temps, elle a réalisé deux investissments en Pinel : « Quand j’ai commencé à donner plus de deux mois et demi de salaire en impôts, je trouvais que c’était beaucoup trop. Quand je suis arrivée à près de quatre mois, je n’en pouvais plus… Selon moi, le Pinel, c’est The investissement pour défiscaliser en se constituant un patrimoine. Je préfère mettre ces 12 000 euros sur quatre murs que de les donner à l’État. »

Mais attention à ne pas être omnubilé par la réduction fiscale. Le Pinel nécessite d’avoir les coudées franches pour financer l’opération via un crédit immobilier et surtout de trouver un bien de qualité dans un endroit recherché. Au risque que le rendement de l’investissement soit bien plus faible qu’espéré au départ. Selon les calculs de l’IGF, le recours au Pinel n'est rentable pour les particuliers que dans la moitié des cas.

Attention aux promesses de gain trop alléchantes avec le Pinel