Plus vous gagnez, plus vous payez d’impôt sur le revenu : c’est le grand principe de la fiscalité progressive. Mais d'autres éléments entrent en compte dans ce calcul complexe, au premier rang desquels se marier, se pacser ou avoir des enfants. Selon une étude de l'Insee, publiée ce jeudi, les dispositifs conjugaux et familiaux réduisent l’impôt de 29,7 milliards d’euros ! Explications en cinq points.

1 – Deux dispositifs qui réduisent l’impôt par foyer

L’impôt sur le revenu n’est pas un impôt « individuel » : il est calculé par foyer fiscal, notamment dans le but de prendre en compte la mutualisation des ressources et des charges au sein d’un même ménage. Raison pour laquelle le calcul repose sur un système de quotient, chaque personne n'ayant pas le même « poids fiscal » au sein d’un même foyer. Deux mécanismes viennent ainsi réduire (dans l’immense majorité des cas) l’impôt d’un ménage : d’une part la conjugalisation, le fait qu’un couple soit soumis à l’imposition commune ou non ; d’autre part la familialisation, qui permet de modérer l’impôt selon le nombre d’enfants à charge.

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2 – Un gain de 2 000 euros en moyenne pour 15 millions de foyers

L’Insee (1) a comparé l’impôt payé par tous les bénéficiaires avec le montant qu’ils paieraient si l’impôt était individuel. Résultat : près de 7 millions de ménages profitent de l’imposition commune de leur couple, et plus de 12 millions de ménages baissent leur impôt « grâce » à leurs enfants. Certains ménages – 3,8 millions exactement - bénéficiant des deux dispositifs, c’est au total 15 millions de foyers fiscaux qui profitent des « dispositifs familiaux et conjugaux ». Pour une économie moyenne de 2 000 euros par ménage ! Au total, la prise en compte des situations familiales et conjugales « coûte » 29,7 milliards d’euros par an au Trésor public, sur la base des données 2018 analysées par l’Insee.

3 – Qui sont les principaux gagnants ?

De fait, les plus bas revenus ne sont pas imposables : ces mécanismes n’ont donc aucun impact sur leur charge fiscale. Une partie de la classe moyenne en profite : « Au niveau de vie médian [1 735 euros pour un célibataire, NDLR], plus des trois quarts des ménages seraient imposables si les dispositifs conjugaux et familiaux de calcul de l’impôt n’existaient pas, alors que seulement la moitié d’entre eux le sont avec l’impôt sur le revenu de 2018 », analyse l’Insee.

Si les foyers de la classe moyenne en profitent en nombre, les principaux bénéficiaires de la conjugalisation et de la familiarisation de l’impôt sont les ménages les plus aisés, et ce même si l'avantage du quotient familial est plafonné : principaux bénéficiaires en nombre (60% des 10% les plus riches sont gagnants) mais surtout en somme d’argent économisé. Près de 20% des gains dus à ces dispositifs se concentrent sur les 5% des foyers les plus riches ! Plus globalement « la moitié des gains est concentrée sur le quart des ménages les plus aisés », constate l’Insee.

4 – Des mécanismes rendant 5 millions de ménages non imposables

3 millions de ménages ne paient pas d’impôt grâce à leurs enfants à charge, et 1,7 millions de foyers sont non imposables grâce à l’imposition commune du couple. Ces deux mécanismes permettent donc massivement de sortir des ménages du champ de l’impôt sur le revenu. L’Insee rappelle qu’actuellement environ un foyer sur deux doit payer l’impôt sur le revenu. Or, si le système était individualisé, plus de 2 ménages sur 3 paieraient l’impôt chaque année.

5 - Plus de 1 million de ménages perdants

Si ce mode de calcul, basé sur le foyer et non sur l’individu, profite à une large partie de la population, il s’avère tout de même défavorable pour 1,1 million de foyers fiscaux ! C’est le fait de calculer l’impôt au niveau du couple qui pèse sur la fiscalité de certains ménages, et la présence d’enfants vient parfois annuler les « pertes » dues à la conjugalisation. Pourquoi ? « Les perdants sont principalement des couples avec des revenus assez élevés pour être soumis à l’impôt mais suffisamment faibles pour être concernés par la décote », explique l’Insee, la décote étant un autre système réduisant ou annulant l’impôt de certains ménages modestes. Au final, ces 1,1 million de foyers perdants paient 530 euros « en trop » par an, par rapport à un système individualisé. A retenir : mutualiser l’impôt au sein d'un couple est profitable avant tout « lorsque les revenus sont suffisamment différents » entre les deux conjoints.

(1) « Les dispositifs conjugaux et familiaux réduisent l’impôt sur le revenu de 29,7 milliards d’euros », Insee Analyses, juin 2020.