Les frais du PEA seront plafonnés à partir de juillet 2020. Mais combien vous coûte aujourd'hui le fonctionnement d'un PEA ? Et quel sera l'impact du plafonnement ? Plongée dans le millefeuille tarifaire du principal support boursier des Français.

Les Français se réconcilient, à tâtons, avec la bourse. Au cœur des années 2000, plus de 7 millions de Français possédaient des actions, très majoritairement logées dans un PEA. Courant 2017, le nombre de Plans d’épargne en actions (PEA) a failli tomber sous le seuil des 4 millions de plans... La dynamique récente est plus positive.

Acte 1 : la Banque de France recense à la fin septembre 4,75 millions de PEA, dotés de 19 000 euros en moyenne. Or ces statistiques ne prennent pas encore en compte les 500 000 nouveaux actionnaires de la FDJ, dont quelques investisseurs débutants… Pour un retour aux 5 millions de PEA ?

Acte 2 : il profite désormais d’un fonctionnement assoupli passé 5 ans de détention.

Acte 3 : à partir de juillet 2020, le nouveau plafonnement tarifaire va « réduire les frais supportés par les épargnants », promet Bercy. Une révolution tarifaire ? Pour le savoir, décryptage des différentes strates de frais…

Plafonnement des frais : ce qui va changer

Le décret pris en application de la loi Pacte s’attaque en premier lieu aux frais de transfert, limités à 150 euros lorsque vous migrer votre PEA dans une autre banque à partir de juillet. « Il y avait clairement des abus sur les frais de transfert, confirme Véronique Guisquet, secrétaire générale de la Fédération des Investisseurs Individuels et des Clubs d'investissement (F2IC). Le décret va mettre fin à certaines mauvaises pratiques. »

Quid des frais récurrents ? Le décret limite deux principales lignes de frais : les droits de garde à 0,40% par an + 5 euros maximum par ligne (ou 25 euros pour les titres non cotés) et les frais de transactions à 0,50% du montant pour chaque ordre en bourse par internet (1,20% en agence ou au téléphone). De façon plus marginale, le décret limite aussi les frais d’ouverture (dont frais de dossier) qui ne pourront plus dépasser 10 euros.

Droits de garde : les frais de gestion du PEA

Les établissements les appellent droits de garde, frais de tenue de compte ou encore frais de conservation de titres : ces frais sont prélevés chaque année et ils sont censés couvrir la conservation des titres, les dépenses informatiques, les coûts liés aux dividendes, les relevés annuels… Ils sont calculés à la fois de façon proportionnelle et forfaitaire. Exemple, à la Société Générale : 0,30% des encours du PEA + 4,50 euros de commission annuelle par « ligne » (votre investissement sur une société donnée), avec un minimum de 25 euros perçus chaque année. Résultat : au total, l’AMF (1) estime à 0,65% les droits de garde moyens actuellement perçus par les grandes banques, pour un portefeuille de 10 000 euros.

Conseil d’expert

« Concernant les droits de garde, en banque, il est possible d’obtenir la gratuité ! », insiste Véronique Guisquet, de la F2iC. « Certes, l’exonération n’est pas toujours durable, mais ces droits de garde sont négociables. Cela dépend du responsable d’agence. Quant aux courtiers en ligne, ils appliquent souvent la gratuité des droits de garde. »

Frais de transactions : le coût du passage d’ordre

Sans vous transformer en trader, le fait de détenir un PEA nécessite de garder un œil sur l’évolution de vos investissements. Et donc d'acheter ou de vendre des actions en passant un ordre de bourse. Une opération qui a un coût : « Les frais de transactions ou de courtage, répondent à une logique, puisque c’est un intermédiaire qui passe votre ordre », réagit Véronique Guisquet. « Après, est-il logique que ces frais restent si élevés alors que la plupart des ordres sont automatisés ? L’époque où les “titrards” [agents bancaires dédiés à la bourse, NDLR] passaient les ordres en agence est révolue : tout est automatisé, et les épargnants passent par leur espace en ligne. »

La banque ou le courtier va ponctionner un petit pourcentage de la somme investie ou désinvestie, à des niveaux très variables selon le type d'opération. Exemple, chez BNP Paribas : une commission de 4,15 euros par ordre + une commission dégressive selon le montant (autour de 1%) pour un ordre en agence, ou une commission de 0,55% sur internet avec une réduction pour les investisseurs actifs. En moyenne, l’AMF estime à 0,81% le coût d’un ordre de 1 000 euros exécuté sur la Bourse de Paris, via une banque française, sur internet.

Avis de courtier

« Compte tenu des coûts de courtage, avec l’automatisation des ordres, la facturation des transactions boursières opérée par les banques m’apparaît exorbitante », réagit Samuel Quan, directeur des opérations chez Binck, un courtier en ligne.

Taxe sur les transactions financières : l’impôt sur les ordres

La « taxe Tobin » à la française : depuis 2012, les transactions effectuées sur les plus grandes entreprises françaises sont taxées, à hauteur de 0,30% de la valeur d’acquisition du titre. Cette taxe sur les transactions financières est donc perçue par le courtier ou la banque qui passe l’ordre, mais les sommes prélevées reviennent ensuite au Trésor public.

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Options de gestion : des frais supplémentaires, ou non

La tarification de votre PEA se complexifie si vous optez pour des options spécifiques. Si vous choisissez pour une gestion sous mandat ou « déléguée » (un expert choisit les titres à votre place), la banque ou le courtier va percevoir une « commission de gestion », calculée en pourcentage des sommes gérés, ou un forfait mensuel. Si vous gérez vous-même votre PEA mais de façon très active, vous pouvez en revanche opter pour un forfait ou abonnement mensuel qui peut, dans certains cas, remplacer les frais de courtage et éventuels droits de garde.

Fonds d’investissement : des frais invisibles

Investir sur un PEA ne vous oblige pas à miser uniquement sur des titres du CAC40… Vous avez accès à des fonds d’investissement de type OPCVM (FCP et Sicav), investis majoritairement en actions européennes. Or, le gestionnaire du fonds perçoit ses propres frais de gestion : « Les frais de gestion des OPCVM passent inaperçus, puisqu’ils sont déduits de la valeur liquidative et viennent amoindrir la performance », explique Véronique Guisquet, de la F2iC. Invisibles, donc. « Mais ils peuvent être très élevés. Il faut en être conscient. » D’autant plus que les banques ou courtiers « perçoivent parfois des rétrocessions sur ces frais », rappelle la secrétaire générale de la F2iC. Pour comparer ces frais indirects, vous pouvez consulter le document d’information clés (DIC) du fonds d’investissement.

Des frais inconnus voire incongrus

D’autres tarifs peuvent s’ajouter à l’ensemble des frais récurrents listés ci-dessus. Dont certains frais incongrus selon Véronique Guisquet : « Certaines enseignes, y compris des courtiers en ligne, font payer la carte d'admission pour assister à l’assemblée générale [des actionnaires]. C’est totalement aberrant, puisqu’il s’agit d’un droit inhérent à la détention d’actions. » Elle pointe aussi les frais de clôture de compte, frais de succession, la facturation de l’imprimé fiscal (IFU)… Autant de lignes tarifaires jugées anachroniques mais qui « ne sont pas abordés dans le décret, car il n’est pas possible de tout réglementer ».

Avant/après juillet 2020 : l'impact du plafonnement

« Ce décret n’est pas révolutionnaire : les établissements financiers n’auront pas à changer toute leur politique tarifaire, et leurs marges ne sont pas menacées », analyse Véronique Guisquet, de la F2iC. « Mais il va permettre d’éviter certains abus. Et peut-être d’aboutir à une certaine normalisation. » Une normalisation qui porte uniquement sur les grandes lignes tarifaires : droits de garde et frais de courtage.

De fait, le plafonnement entrant en vigueur en juillet 2020 vise avant tout les banques traditionnelles. Comme l’illustre l’AMF dans son relevé annuel, les courtiers en ligne, qui ont cassé les prix de l’investissement boursier, se situent en-deçà des nouveaux plafonds : « Ce décret nous impacte à la marge », explique Samuel Quan, directeur des opérations chez Binck.fr. « Nous n’avons pas de frais de garde. Nous devrons peut-être revoir notre structure de coût pour les frais attachés à un transfert. »

Lire aussi : Les frais de transfert du PEA vont-ils vraiment baisser ?

Du côté des banques, Bercy promet un grand chamboulement sur les droits de garde en juillet suite à l’application du décret : « Une personne ayant investi 1 000 euros dans des actions d’une société cotée s’acquittera au plus de 9 euros de frais annuels, contre 20 euros en moyenne actuellement. » Les « 20 euros » actuels sont une estimation des services de Bercy, sur les pratiques actuelles, et les « 9 euros » le nouveau maximum sur ces 1 000 euros investis sur une seule ligne (une seule entreprise).

Réaliste ? Ce schéma reste assez théorique à en croire la simulation réalisée par Binck à la demande de MoneyVox, sur la base des frais moyens constatés par l’AMF. Les banques vont devoir baisser les frais de courtage appliqués aux investisseurs passant peu d’ordres. Mais le double plafond concernant les droits de garde (0,4% + 5 euros par ligne) leur laisse suffisamment de marge pour adapter leurs tarifs sans grand chamboulement. Voici une simulation effectuée pour 10 ordres de 1 000 euros en un an, avant et après juillet 2020 :

Comparatif des frais avant le décret
Portefeuille de 10 000 €
sur 10 lignes
Courtier en ligneBanque traditionnelle
Frais de transactions (et TTF)55 €111 €
Droits de garde0 €65 €
Frais totaux sur un an55 €176 €
Calculs effectués par Binck.fr. Tarif en banque sur la base de la moyenne communiquée par l'AMF
Comparatif des frais après le décret, à partir de juillet 2020
Portefeuille de 10 000 €
sur 10 lignes
Courtier en ligneBanque traditionnelle
Frais de transactions (et TTF)55 €80 €
Droits de garde0 €90 €
Frais totaux sur un an55 €170 €
Calculs effectués par Binck.fr. Tarif maximum en banque, au niveau des plafonds

(1) Etude sur les frais des placements financiers, lettre de l’observatoire de l’épargne de l’Autorité des marchés financiers (AMF), février 2019.