Avec la hausse des taux, les assureurs sont en quête de liquidités pour investir et améliorer le rendement moyen de leurs fonds euros. Dans le même temps, ils doivent limiter la décollecte face à la concurrence d'autres produits. Pour séduire, la mode est aux promotions et bonus, de plus en plus nombreux... et généreux.

Objectif collecte ! Après des années noires, les obligations ont retrouvé des couleurs. Entre les emprunts d'État dépassant les 3% et ceux des entreprises livrant jusqu'à 6 ou 7%, les gestionnaires de fonds euros ont des opportunités d'investir. De quoi moyenner à la hausse leurs rendements.

« On a changé de paradigme, confirme Éric Le Baron, directeur général de SwissLife Assurance et Patrimoine. Comme les taux sont significativement positifs, on n'est plus dans une situation où réinvestir [les nouveaux versements des épargnants, NDLR] diluait la performance du stock. Désormais, on a plutôt tendance à réinvestir sur des taux moyens supérieurs au rendement moyen du portefeuille. » Traduction : attirer de l'argent frais sur les fonds en euros permet d'investir sur des obligations fraiches, plus rémunératices pour les clients actuels et futurs. Ce qui rebat les cartes de la gestion financière après des années de baisse des rémunérations.

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Pour parvenir à prendre un tournant favorable, pour la gestion financière des fonds en euros, il faut des liquidités ! Les actuaires s'appuient sur deux sources. D'un côté, chaque année, 5 à 10% des obligations arrivent à échéance. Souvent anciennes, elles livraient des coupons généreux. Ces sommes peuvent être réinvesties à des taux équivalents.

L'autre pilier, c'est donc la collecte. Pour attirer les épargnants, certains acteurs proposent ainsi diverses offres, entre réductions de frais, taux minimums garantis, voire des super bonus sur les rendements à venir. Des appels du pied à peine masqués !

Astuce n°1 : des frais à 0%

La MAAF et la MACSF ont misé sur les frais sur versement à 0%. Si leur offre est terminée, elle se poursuit chez d'autres : la Mif, l'Afer, la Carac... Même BNP Paribas applique temporairement ce 0% sur l'ensemble de ses contrats ! Parfois sous conditions, cette offre permet d'être compétitif face aux nombreux contrats « sans frais ». Mais la tactique pose question : ces dernières années, cela n'a pas réussi à endiguer la décollecte sur les fonds euros concernés.

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Astuce n°2 : le taux minimum garanti

Deux gestionnaires utilisent un autre levier, longtemps mis de côté : le taux minimum garanti (TMG). En début d'année, la mutuelle Carac a fait parler d'elle en garantissant 3% sur les versements effectués d'ici le 30 juin (sans contraintes). Un chiffre qui étonne : le code des assurances encadre les TMG, en fixant cette année un plafond à 2,25%. « Ce chiffre est calculé à partir du taux moyen des emprunts d'État, glisse un actuaire. On devrait bientôt passer à 2,50%. » En réalité, la Carac a profité d'un « vide » règlementaire, selon notre expert. « On ne s'était jamais posé la question, mais on a réalisé que cela ne s'appliquait pas au code de la mutualité. On va faire remonter cela ! »

D'ailleurs, c'est pour cela qu'un autre assureur, SwissLife propose un TMG à 2,25%. L'approche est différente : le taux s'appliquera sur l'ensemble des encours, sur tous ses contrats, sous condition de détention de 60% d'unités de compte (UC). Un bonus à la prise de risque, alors qu'il n'y a pas de contrainte d'UC pour accéder aux fonds euros (qui pèse près de 17 milliards d'euros).

« Ce que l'on souhaite éviter, c'est une forte décollecte, que les clients replacent ces sommes dans d'autres véhicules comme les comptes à terme », précise Éric Le Baron. La concurrence des livrets l'inquiète-t-il ? « Cela concerne un autre type de clientèle », nuance-t-il. Ce TMG, « un premier palier », vient plutôt répondre à la « légère décollecte » observée depuis septembre. « On envoie un message clair : on s'attend à un bon rendement sur l'année à venir. On veut dire aux clients orientés UC qu'ils peuvent avoir confiance. »

Astuce n°3 : des bonus revus et corrigés

Plutôt qu'un TMG, plusieurs gestionnaires parient sur des bonus promotionnels alléchants. Le plus symbolique est offert par Placement-direct.fr sur ses contrats Placement-direct Vie et Darjeeling (assurés par SwissLife) : +1,4% sur le taux de base, s'appliquant à tous les versements jusqu'au 30 juin, sans contrainte d'unités de compte ! En imaginant un rendement du fonds entre 1,7% et 2%, les nouveaux capitaux seraient rémunérés, bonus compris, entre 3,1 et 3,4% !

« Il est évident que le rendement des actifs des assureurs va augmenter »

« Nous ne pouvons communiquer sur les taux à venir, rappelle Gilles Belloir, directeur général du courtier en ligne. Mais on anticipe un peu en donnant à l'avance une partie des bonnes nouvelles. Tendanciellement, il est évident que le rendement des actifs des assureurs va augmenter. » De quoi générer un « effet déclencheur » : « Dans ce contexte économique favorable, ce bonus est une mesure incitative. » Ne pas mettre de contraintes, c'est un geste envers les investisseurs les plus prudents, alors que les contrats internet souffrent face aux livrets et comptes à terme... « On sait que beaucoup d'épargnants regardent les différents moyens d'investir. On veut donc leur montrer qu'on a la capacité d'offrir une excellente rémunération pour un investissement sans risque, dans une logique de long terme. »

« À la différence des livrets, la revalorisation des fonds en euros est annoncée en fin d'année. Ce mécanisme de bonus vient réduire cet écart »

Dès l'an passé, CNP Assurances a été l'un des premiers à tester ces bonus promotionnels. Un choix atypique : c'est le seul fonds en euros « géant » (235 milliards d'euros d'encours) à opter pour cette stratégie. Selon les contrats et distributeurs, les conditions diffèrent, mais l'assureur va utiliser ses provisions pour offrir 1,75% sur les versements incluant 30% d'UC d'ici au 31 juillet.

Une démarche qui répond à un enjeu concurrentiel face aux autres produits du marché. « À la différence des livrets, la revalorisation des fonds en euros est annoncée en fin d'année, explique Quentin Boudoux, directeur technique et de l'innovation chez CNP Assurances. Cela crée, dans une période de hausse des taux, un décalage dans l'affichage des performances. Ce mécanisme de bonus vient réduire cet écart. »

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Là encore, la mesure se veut « incitative », pour CNP Assurances : « Nous nous inscrivons dans une stratégie de conquête. Le bonus est un des leviers naturels pour soutenir la collecte. Plus l'offre est intéressante pour nos clients, plus on espère être compétitif, pour renforcer nos encours. » Pourquoi ne pas offrir plus ? C'est une question : « Le montant, la durée et la charge des bonus sont encadrés par le code des assurances », souligne Quentin Boudoux. Mais puisque l'offre est cumulable avec les majorations pour détention d'unités de compte, la performance en fin d'année s'annonce radieuse.

« On se prépare à un maximum de scénarios »

« Si le contexte se maintient, la tendance sera à la hausse, explique le directeur technique de CNP Assurances. On propose une offre attractive et rémunératrice, car on a une visibilité sur les retours financiers des obligations. » L'assureur a même prévu de désactiver ces majorations si jamais le taux de base approche les 5%. « On se prépare à un maximum de scénarios. » Et si l'on s'acheminait vers de grosses surprises en fin d'année ?

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