L'année 2022 ne sera pas celle du fonds en euros de l'assurance vie ! Alors que le taux du Livret A sera de 2% au 1er août, peu de fonds à capital garanti pourront suivre cette remontée des taux. Les épargnants vont-ils bouder les fonds en euros au point de mettre en difficulté les assureurs ? Dans ce cas, un blocage des retraits peut être activé grâce à la loi Sapin 2. Un scénario crédible ? Points de vu d'experts, en 3 questions.

1. Comment s'active ce « blocage Sapin 2 » ?

La loi Sapin 2, adoptée en 2016, et très précisément son article 21 bis vise à « limiter, suspendre ou retarder » les rachats (c'est-à-dire les retraits) et versements sur les contrats d'assurance vie pendant 3 mois, une période renouvelable 3 mois supplémentaires. Ce blocage ou cette limitation temporaire ne peut dans tous les cas pas excéder 6 mois consécutifs au total.

Or, si l'investissement en fonds en euros de l'assurance vie est si apprécié des Français, c'est notamment parce qu'il offre trois engagements :

  • le capital est garanti ;
  • chaque gain réalisé sur une année est définitivement acquis par l'épargnant ;
  • l'épargnant peut retirer son épargne, en partie ou en totalité, à tout moment.

La menace d'un recours à la loi Sapin 2 vient remettre en cause le troisième atout majeur de l'assurance vie, sa liquidité. Raison pour laquelle la plus connue des associations d'épargnants Afer avait estimé que cette disposition est « économiquement infondée », « socialement irresponsable » et « juridiquement contestable ». Face aux incertitudes actuelles, revient la crainte chez certains épargnants de voir leurs retraits bloqués pour une durée déterminée.

Mais la loi indique bien que seules des circonstances exceptionnelles pourraient justifier un tel blocage. Il faudrait un accident financier grave pour que les retraits soient bloqués par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), un organisme présidé par le ministre de l'Economie.

« Bien sûr, le risque zéro n'existe pas »

« Bien sûr, le risque zéro n'existe pas, confie Stellane Cohen, présidente d'Altaprofits. En cas de situation exceptionnelle, le HCSF aura la possibilité d'imposer certaines mesures. Mais nous ne sommes pas actuellement dans une situation grave pour la stabilité du système financier qui expliquerait que le HCSF déclenche la loi Sapin 2 ».

Palmarès 2022 des taux 2021 des fonds en euros de l'assurance vie

2. La peur infondée d'un rachat massif ?

« Les épargnants diversifient leurs supports d'investissement au sein de leur contrat d'assurance vie et cette diversification est la meilleure réponse à une tentation de rachat massif de leurs contrats d'assurance vie », poursuit Stellane Cohen. Une vision partagée par Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Épargne : « Pour le moment il n'y a aucun début de risque. On ne voit pas de sorties massives. On est en collecte [pour l'ensemble de l'assurance vie, surtout grâce aux unités de compte, sans garantie en capital, mais dont le rendement est potentiellement meilleur NDLR]. Il n'y a pas d'indices qui laisseraient penser qu'il y a un problème sur le marché de l'assurance vie ».

« Pas d'indices qui laisseraient penser qu'il y a un problème »

En se basant sur les derniers chiffres de France Assureurs concernant l'assurance vie, on ne peut pas dire qu'il existe de signes annonciateurs. La collecte nette de l'assurance vie (versements - retraits) est positive en mai et s'établit à 1,9 milliard d'euros, en hausse de 200 millions d'euros sur un an. Dans le même temps, l'encours des contrats atteint 1 847 milliards d'euros, soit une progression de 0,6% en 12 mois.

La part des cotisations sur les unités de compte s'élève à 40% depuis le début de l'année et les versements sur les fonds en euros sont toujours majoritaires. Les Français, poussés par les assureurs, diversifient de plus en plus leur épargne mais ne délaissent pas pour autant réellement les fonds garantis dont les rendements baissent année après année pour atteindre 1,28% en moyenne en 2021.

Ces supports d'investissements sont constitués pour la majorité d'obligations d'Etat et d'entreprise. Et paradoxalement, la hausse rapide de leurs taux d'intérêts n'aide pas. Dans ce contexte, les rendements des fonds garantis pourraient atteindre « 0,6 voire 0,5% », selon Stellane Cohen. Mais les assurés « sont prévenus » et la baisse de rendement n'est donc pas une surprise.

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3. Les assureurs plus solvables que jamais ?

C'est là que leurs provisions prennent le relais. « Les compagnies d'assurance se sont renforcées pour faire face à la garantie en capital et sont plus fortes qu'avant la crise financière de 2008 », ajoute Stellane Cohen. Les régulateurs poussent les assureurs à « travailler sur des scénarios catastrophes » afin de mesurer leur solidité financière »..

Les assureurs « sont plus forts qu'avant la crise financière de 2008 »

En situation de remontée des taux, la valeur des obligations achetées en période de taux bas, baisse. Et cela impacte forcément les rendements des fonds en euros. Cependant, pour pallier à ces fluctuations, les assureurs ont fortement alimenté leur PPB, c'est-à-dire la provision pour participation aux bénéfices ces dernières années. Il s'agit d'une part des bénéfices financiers du fonds en euros que l'assureur ne reverse pas directement aux épargnants. Mise en réserve, elle doit être restituée aux épargnants dans les 8 ans. Ce système permet de lisser les rendements.

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Selon l'ACPR, la provision pour participation aux bénéfices (PPB) atteint en moyenne 5,4% des provisions d'assurance vie (contre 5,1% en 2020). Cela signifie que les assureurs seraient en capacité de délivrer 2 ans de rémunération sur les fonds en euros à un taux d'environ 2%, uniquement en puisant dans ces réserves de richesse.

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