Votre banquier vous propose de gagner 5% en bourse, même si les cours stagnent ! Il vous parle certainement d'un « fonds à fenêtre », « à barrière » ou « autocall », ce qui correspond à coup sûr à un « produit structuré ». Avec une promesse « rendement + risque limité ». Faut-il y succomber ?

Doubl’ô, Jet 3, Benefic, Everest 2010… Ces noms imagés sont ceux de fonds à formule commercialisés par les grandes banques françaises lors des années 1990-2000. Ils font désormais référence à des affaires judiciaires, les épargnants ayant perdu une large partie de leur mise, sans avoir eu conscience des risques au moment de placer leur argent. Depuis, l’appellation « fonds à formule » s’est effacée au profit de « produits structurés ». Et les obligations réglementaires sont aujourd’hui plus strictes : la documentation fait apparaître bien plus clairement qu’à l’époque les pertes envisageables, en cas de scénario défavorable. Bref : les produits structurés de 2020 ne sont pas aussi sulfureux que les fonds à formule de l’an 2000.

Mais le principe reste le même : un fonds dont le rendement et la garantie en capital sont conditionnés aux performances futures d’un indice financier. Faut-il céder à cette promesse alléchante, celle de supports potentiellement rentables tout en bénéficiant d’un filet de sécurité ? Pourquoi pas, à condition d’être conscient des limites intrinsèques de ces « fonds à promesse »…

Règle n°1 : lire la notice !

C’est la spécificité des produits structurés : impossible de généraliser leur fonctionnement ! Les gains potentiels, durées de placement, niveaux de garantie et même la structure juridique varient d’un fonds à un autre. Lisez donc très attentivement la notice du fonds, a minima les avantages et inconvénients qui doivent obligatoirement être listés dans la présentation.

Produit(s) structuré(s), fiche d’identité

Enveloppe financière. Le plus souvent, un produit structuré prend la forme d’un fonds disponible dans le cadre de l’assurance vie (en unité de compte), d’un compte-titres voire d’un Plan d’épargne en actions (PEA).

Principe général. Tout repose sur un indice boursier, souvent l’Euro Stoxx 50, le CAC 40… Si l’indice identifié a progressé à l’échéance fixée (8 ans par exemple), vous gagnez de l’argent, à hauteur du gain annuel promis (un « coupon » de 4% par exemple). S’il a baissé de façon modérée, vous retrouvez votre mise (après application des frais). S’il a baissé plus fortement que la « barrière » établie dans le contrat (par exemple -40%), alors vous perdez de l’argent.

Fenêtre de souscription. L’investissement est possible pendant quelques mois, pendant la phase de souscription, puis il est clos jusqu’à l’échéance. Mais les banques proposent régulièrement de nouveaux fonds, avec de nouvelles fenêtres de souscription.

Structure financière. Soit un fonds « classique » de type OPCVM, le plus souvent un fonds commun de placement. Soit un titre de créance : Euro Medium Term Notes (EMTN).

Premiers éléments à identifier dans la notice : quel est l’indice sur lequel vous pariez ; la garantie en capital est-elle totale ou conditionnée à une performance minimale ; quelle est la durée envisagée du placement, etc.

« Encore plus que le risque financier, il y a un risque de mauvaise compréhension avec les fonds structurés », juge François Carlier, délégué général de l’association de consommateurs CLCV. « Il faut être pleinement conscient qu’aujourd’hui la garantie en capital est de plus en plus rare sur le marché », avertit pour sa part Laurent Monet, directeur marketing de la banque de détail BNP Paribas en France, avant de développer : « Pour viser une performance à terme, il faut assumer un certain niveau de risque ! Oui, un indice boursier peut perdre 50% sur une dizaine d’années ! On ne peut l’exclure a priori. Mais les produits structurés peuvent offrir un rapport rendement-risque pertinent, notamment dans un contexte de taux bas. »

Des frais à identifier

Les notices mêlent parfois des rendements potentiels bruts et nets. Pour avoir une idée du gain potentiel, il est donc conseillé d’identifier un rendement annuel « net de frais ». Par ailleurs, la garantie en capital (sous conditions) s’entend souvent hors frais, qui seront donc tout de même ponctionnés. Les documents précontractuels font obligatoirement apparaître les frais d’entrée, frais de gestion ou autres commissions. Si vous investissez via un contrat d’assurance vie, il ne faut pas oublier l’existence de frais de gestion ou de versement propres aux unités de compte du contrat.

Règle n°2 : comprendre le fonctionnement

« Sans avoir à être un expert de la finance, il faut s’intéresser un minimum aux produits financiers pour investir sur ce type de support », juge François Carlier, de la CLCV. La notice de chaque fonds à promesse doit nécessairement faire figurer des « illustrations du mécanisme », en image, avec 3 scénarios : défavorable, médian et favorable. Des scénarios théoriques qui restent la meilleure manière de comprendre la « formule ». Ainsi, si le mécanisme est basé sur un indice boursier, jetez un œil à l’historique récent de cet indice : par exemple, l’Euro Stoxx 50 a progressé de plus de 20% sur les 5 dernières années, mais l’essentiel de ce score est dû au rebond de l’année 2019…

L’exemple d’un fonds structuré : « Trianance 6 ans n°11 »

Ce fonds concocté par Amundi fait partie des « séries limitées » actuellement disponibles au Crédit Agricole, jusqu’au 9 avril 2020 : il est accessible via l’assurance vie, le PEA ou le compte-titres et prévoit une échéance à 6 ans. La promesse : un gain brut de 5% par an.

1er scénario : l’EuroStoxx 50 baisse de plus de 40% sur 6 ans. Dans ce cas, vous subissez cette perte. Par exemple, pour 100 euros investis et une baisse de 55%, vous perdez 55 euros ¹.

2e scénario : l’indice baisse de 20%. La garantie s’enclenche : vous retrouvez vos 100 euros ¹.

3e scénario : l’indice progresse de 20% sur 2 ans, ce qui est supérieur au gain promis. Mais le gain est plafonné à 10% ! Le fonds est débloqué de façon anticipée et vous gagnez 10 euros ¹, soit 4,87% en rendement net annualisé.

4e scénario : l’indice ne progresse pas lors des premières années, mais il clôture en hausse en 2026. Peu importe la performance de l'indice par rapport à 2020 : la formule est activée avec un gain total de 30% et vous obtenez 130 euros, soit un gain de 30 euros ¹, soit 4,47% en rendement annualisé.

(1) Hors frais d'entrée, de 2%.

« Nous nous efforçons de construire des produits lisibles pour les conseillers bancaires comme pour nos clients concernés, même s’ils restent complexes d’un point de vue réglementaire », explique Laurent Monet, de BNP Paribas, qui affirme « éviter une complexité inutile ». Reconnaissant que la structure financière de ces fonds est complexe, Laurent Monet estime qu’un client doit « comprendre 5 éléments » avant d’investir, en prenant l’exemple d’un « très classique produit sur 8 ans indexé sur l’EuroStoxx avec un coupon de 4,5% » : « 1. Le produit dure 8 ans, même s’il peut-être être rappelé par anticipation. 2. Une rémunération de 4,5% par an est possible mais elle implique un risque à bien évaluer (perte à terme et en cours de vie de produit pouvant être supérieure à 40%). 3. La performance potentielle est de 4,5% sur 8 années consécutives mais la rémunération n’est pas capitalisée chaque année comme sur un livret. 4. Le client ne touche pas de dividendes de l’EuroStoxx, uniquement le 4,5% sous conditions. 5. Le client doit bien comprendre les différents frais prélevés. »

Règle n°3 : ne pas avoir besoin de cet argent à court terme

Si vous devez retirer votre argent avant l’échéance annoncé, vous ne profitez plus des mécanismes annoncés, et vous risquez donc d’essuyer une perte importante. Bonne nouvelle : les produits structurés prévoient de plus en plus une formule de remboursement anticipé, si l’objectif financier est atteint à court terme, au bout de 2, 4, 6 ans... L’Autorité des marchés financiers (AMF), qui vient de publier une étude sur les produits structurés, a constaté une « généralisation » de cette « option de remboursement anticipée » depuis 2016. Ces fonds nouvelle génération sont baptisés « autocall ».

Fonds « autocall » : quel avantage ?

Le fonds « autocall » renvoie à « automatiquement remboursable » : avec cette catégorie de produit structuré, vous pouvez profiter d’une fenêtre de sortie tous les 1 ou 2 ans, si l’indice a progressé plus fortement que prévu dans le contrat. Vous gagnez donc vos coupons promis pour les premières années de détention, et vous retrouvez votre mise immédiatement.

Règle n°4 : ne pas mettre toute son épargne

« Dans un contexte de taux proches de zéro, on considère que les produits structurés peuvent avoir toute leur place dans une bonne allocation de son épargne, aux côtés du fonds euros assurance vie, de la pierre papier, des actions… », argumente Laurent Monet, de BNP Paribas. « Mettre 10% à 15% de son épargne sur ce type de fonds peut être envisageable pour des épargnants avec un niveau d’avoirs suffisant au-delà de l’épargne de précaution, et qui ont une bonne compréhension de ces produits. » Laurent Monet constate par ailleurs de la majeure partie de la collecte des produits structurés se fait via l’assurance vie, à hauteur de « 80% voire 90% ».

François Carlier, de la CLCV, identifie les fonds structurés comme de purs produits de « diversification du patrimoine » : « Il faut déjà disposer d’une certaine épargne ! Si vous avez 15 000 euros d’avoirs financiers, vous n’êtes pas concerné ! » Car vous pouvez perdre une partie de votre mise, et vous ne savez pas précisément quand vous pourrez récupérer cet argent.

Règle n°5 : ne pas espérer faire mieux que l’indice boursier

La plupart de ces fonds à promesse prévoient un plafonnement des gains. Autrement dit, si l’indice boursier fait mieux que les 4% annuels promis pendant 8 ans… alors vous gagnez uniquement l’équivalent de 4% annuels pendant 8 ans ! Et vous ne touchez pas non plus les dividendes des actions composant l’indice donné. « Ces produits apparaissent comme relativement peu performants, comparés à des investissements boursiers traditionnels (investissement en actions ou obligations) », constate ainsi l’AMF dans son étude. François Carlier, de la CLCV, ne voit pas les produits structurés d’un si mauvais œil : « Je dresserais un tableau moyen, avec des imperfections. Tant que la bourse progresse, comme c’est le cas depuis plusieurs années, tout va bien. En revanche, en cas de retournement… »

Bref : un compromis pour obtenir un peu de rendement en cette période de taux bas… à condition d’être conscient du risque, et de ne pas être noyé en se plongeant dans la brochure.