Certaines banques imposent la détention d'un compte courant pour alimenter un compte épargne (Livret A, LEP, livret bancaire, etc.). Elles n'en ont plus le droit depuis le 23 novembre. Explications.

Peut-on vous contraindre à conserver un compte courant dans la banque où vous détenez vos livrets d'épargne ? Cette question, de nombreux épargnants se la posent. Celles et ceux, par exemple, qui ont choisi d'utiliser au quotidien une banque en ligne ou une néobanque, moins gourmandes en frais bancaires, tout en conservant des comptes épargne (Livret A, LEP, CEL, livrets bancaires, etc.) dans leur ancienne banque. Souvent par commodité, parfois aussi par contrainte. Rares, par exemple, sont les banques en ligne proposant le Livret d'épargne populaire à leurs clients.

Si la question se pose, c'est aussi que, jusqu'ici, la réponse n'était pas claire. Certaines banques, les plus nombreuses, refusent que leurs clients alimentent leurs livrets par virement depuis un compte courant détenu dans une autre banque. Ce qui revient à leur imposer de conserver un compte courant, souvent payant, pour faire transiter l'argent destiné à leurs livrets. D'autres, plus rares, sont plus tolérantes : elles acceptent ce type d'opérations, à condition que ce compte courant externe soit détenu par la même personne.

Toutes, pourtant, s'appuient sur un même texte réglementaire pour justifier leurs pratiques : une décision de caractère général, datant de... 1969 ! Un texte ancien, donc, et suffisamment ambigu dans sa formulation pour entraîner des écarts d'interprétation.

Virement : ce que vous n'avez plus le droit de faire avec votre argent

Le ministère de l'Economie a tranché. Un arrêté, publié au Journal officiel le 23 novembre 2022 (1), a modifié le texte de 1969 pour le clarifier. Dans sa nouvelle formulation, il autorise clairement les usagers à alimenter leur livret depuis un compte courant à leur nom détenu dans une autre banque, quelle qu'elle soit.

Résultat : « En pratique, depuis l'entrée en vigueur (...) de l'arrêté (...), aucune banque ne peut plus imposer le maintien ou l'ouverture d'un compte à vue au titulaire d'un livret d'épargne réglementée et/ou d'un compte sur livret détenu dans le même établissement », commente la Banque de France sur son site web ABE Info Service.

Des obstacles qui risquent de subsister

Si vous êtes concernés attendez un peu avant de clore votre compte courant. En pratique, certains obstacles risquent de subsister, le temps que les banques adaptent leurs pratiques au nouveau cadre. A commencer par l'accès à l'IBAN du compte épargne en question, indispensable pour y effectuer des virements.

Pour limiter les virements venant de l'extérieur, de nombreuses banques « cachent » ce numéro de compte. C'était jusqu'ici le cas, par exemple, du Crédit Agricole, une des rares banques à avoir accepté de répondre à nos questions sur le sujet. Sa communication, dans un courriel daté du 30 septembre dernier, nous le confirmait : « A l'exception du Livret A qui bénéficie d'une réglementation particulière, nous ne fournissons pas au client d'IBAN pour ses livrets d'épargne. »

Pourquoi ma banque cache-t-elle l'IBAN de mon livret d'épargne ?

Autre obstacle : les règles mises en place par les banques pour encadrer les virements. Là encore, les politiques diffèrent selon les enseignes. Certaines interfaces sont toutefois paramétrées pour empêcher les transferts d'argent vers les livrets détenus ailleurs. Là encore, cela devrait être corrigé, mais cela peut prendre un peu de temps.

Les virements vers les livrets d'épargne de tiers restent interdits

Un rappel pour finir : ce changement ne change rien à la problématique de l'alimentation des livrets d'épargne des enfants, y compris par leurs parents ou grands-parents. Autrefois tolérés, ils ne le sont plus depuis 2018.

Pourquoi je ne peux plus virer d'argent sur le compte épargne de mes enfants ?

(1) Arrêté du 10 novembre 2022 modifiant la décision de caractère général n° 69-02 du 8 mai 1969 du Conseil national du crédit relative aux conditions de réception des fonds par les banques.