Comme chaque 1er août, la Banque de France va regarder si un changement du taux du Livret A se justifie. Hausse, baisse ou statu quo ? Voici comment elle s’y prend pour trancher.

C’est un des effets collatéraux de l’épidémie de Covid-19 : depuis le début de l’année, le Livret A et son « faux jumeau », le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), connaissent des chiffres de collecte qu’on n’avait plus vus depuis 2012, lorsque les plafonds de versement des deux produits d’épargne réglementée avaient été relevés. À fin mai, selon la Caisse des dépôts et consignations (CDC), près de 22,5 milliards d’euros supplémentaires y ont été placés (1). Soit un bon tiers des 60 milliards d’euros - estimation du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau - « d’épargne forcée » accumulée pendant le confinement.

C’est presque un réflexe : en période d’incertitude, les Français se tournent massivement vers le Livret A. Ils y recherchent la liquidité - leur argent est disponible à tout moment - et la sécurité - l’État les garantit contre une perte en capital -. Un peu moins, sans doute, le rendement : depuis le 1er février, le taux du Livret A - qui est également celui du LDDS - a en effet atteint le plus faible niveau de son histoire : 0,50% net de prélèvements sociaux et fiscaux.

Une baisse impossible…

Ce taux, toutefois, n’est pas gravé dans le marbre. La rémunération du Livret A est en effet fixée par l’État, sur recommandation du gouverneur de la Banque de France, et selon une réglementation qui prévoit deux dates annuelles de mise à jour : le 1er février et le 1er août. Pourrait-on alors voir ce taux évoluer d’ici la fin du mois ? Et si oui, dans quel sens ? Voici comment la Banque de France va procéder pour le déterminer.

Une chose est certaine, et c’est déjà une bonne nouvelle : il n’y aura pas de baisse ! Pour une raison simple : en passant de 0,75% à 0,50% le 1er février dernier, le Livret A a atteint le taux plancher prévu par la réglementation. Heureusement, d’ailleurs, que ce plancher existe. Car dans l’état actuel des choses, il aurait pu descendre encore beaucoup plus bas.

… une hausse improbable

Pour déterminer si le taux du Livret A doit être mis à jour, la Banque de France applique en effet une formule de calcul inscrite dans la réglementation. Elle s’appuie sur deux indices : l’inflation annuelle hors tabac et l'Eonia, un des taux de référence de la zone euro, qui reflète les taux d’intérêt des prêts en euros contractés au jour le jour par les banques. Plus précisément, le taux du Livret A est égal à la moyenne arithmétique de ses deux indices (après calcul de leur niveau moyen sur les six derniers mois), arrondie au dixième de point le plus proche.

Regardons où ils en sont aujourd’hui. Après s’être rapprochée des 2% fin 2018, l’inflation moyenne sur 6 mois est retombée à 0,50% en juin 2020. Pour justifier une remontée du taux, lui aussi de 0,50% actuellement, il faudrait donc que l’autre indicateur sont au moins à 0,7%. Or c’est très, très loin d’être le cas : la moyenne semestrielle de l’Eonia est en territoire négatif depuis janvier 2015 et est tombée à -0,454% en juin 2020. Soit une moyenne arithmétique de 0,023%, à arrondir au dixième de point le plus proche. Ainsi, en l’absence de taux plancher, la rémunération du Livret A aurait pu être de 0% au 1er août !

Pas de miracle à attendre de l'exécutif

Reste toutefois une possibilité pour réviser le taux du Livret A : l’exécutif a effet la possibilité, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, de ne pas respecter cette formule de calcul et de fixer le taux au niveau qu’il le souhaite. Un droit de dérogation qu’il a fréquemment utilisé par le passé pour ralentir la baisse du taux du Livret A, mais jamais pour relever ce taux à contre-courant de ses indices de référence.

Une telle décision serait d’autant plus incompréhensible dans le contexte actuel que le gouvernement et la Banque de France appelle au contraire les Français à consommer et à orienter leur épargne vers des produits à base d'actions, participant plus directement au financement des entreprises. Il n’y a donc pas de miracle à attendre !

Le statu quo, pour longtemps

Plus généralement, il va sans doute falloir s’habituer au Livret A à 0,50%. Avec la formule de calcul actuelle, il faudra en effet des années - ou un séisme économique considérable - pour voir ses indices de référence (en particulier l’Eonia) retrouver un niveau justifiant une révision à la hausse.

En attendant, il faut garder à l’esprit que le Livret A et le LDDS restent des produits d’épargne sans équivalents : aucun autre produit, ni en France, ni ailleurs en Europe, n’offre ce niveau de disponibilité et de sécurité avec une telle rémunération.

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(1) Plus précisément 17,45 milliards d’euros sur le Livret A, et 4,9 milliards d’euros sur le LDDS.