Au mois de novembre, l’inflation hors tabac s’est établie à 2,42% sur un an, en hausse de 0,2 point par rapport au mois d’octobre, ce qui laisse entrevoir un relèvement du taux du Livret A (2,25% actuellement) au 1er février 2012. Reste à savoir si la Banque de France le proposera.

La règle, en matière d’épargne réglementée, veut que le taux du Livret A soit révisable deux fois par an, le 1er février et le 1er août (et exceptionnellement en mai et en novembre), en fonction de l’évolution de deux indicateurs : le taux d’inflation hors tabac sur un an, ou la moyenne arithmétique entre les taux à court-terme Euribor 3 mois et Eonia au jour le jour.

Pour recommander une hausse (ou une baisse), la Banque de France retient le plus élevé des deux. Les taux à court-terme restant relativement bas, c’est le chiffre de l’inflation hors tabac qui sera donc déterminant. Selon les données publiées par l’INSEE ce mardi, celui-ci se situe en novembre à 2,42% sur un an, en hausse de 0,2% par rapport à octobre. Ce sont, une fois encore, les prix de l’énergie (+11,5% sur un an) qui portent cette hausse.

Ainsi, si la Banque de France devait se prononcer aujourd’hui sur le taux du Livret A, la formule de calcul lui indiquerait un relèvement à 2,75%. Mais qu’en sera-t-il dans un mois ? C’est en effet l'inflation du mois de décembre, rendue public par l’INSEE le 12 janvier 2012, qui sera prise en compte pour un éventuel changement en février. Selon Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis cité par l’AFP, ce taux d’inflation devrait au moins se maintenir à 2,4%.

Une hausse malvenue ?

On se dirige donc vers un relèvement quasi-assuré au mois de février. A moins que le gouverneur de la Banque de France ne le propose pas (en accord avec le gouvernement). Il dispose en effet du pouvoir de déroger à la règle de calcul s’il estime que la hausse est malvenue. Cela pourrait-il être le cas cette fois ?

Nous avons posé la question à Philippe Crevel, économiste et secrétaire général du Cercle des Epargnants. Selon lui, un relèvement à 2,75% poserait en effet plusieurs problèmes. En premier lieu pour le secteur du logement social, qui puise dans les fonds collectés sur le Livret A pour se financer. « Le coût d’un passage à 2,75% serait élevé pour ces réseaux. Cela rapprochait considérablement le coût de la ressource issue du Livret A des taux du marché obligataire. »

Autre conséquence possible : la déstabilisation de l’assurance-vie, qui vient déjà de connaître une année 2011 difficile. « Relever le Livret A à 2,75%, au moment où les assureurs annonceront des rendements 2011 autour de 3%, ce n’est pas évident », explique Philippe Crevel. « Cela revient à porter le taux de l’épargne à court-terme quasiment au niveau du long-terme. Et ce sans que cela soit justifié par la situation du marché, mais uniquement par l’inflation. »

L'importance du contexte électoral

Les banques, enfin. Si elles distribuent le Livret A, elles ne conservent qu’une partie des sommes collectées dans leur bilan. Confrontées aux nouvelles exigences de fonds propres issues de Bâle III, elles ont fait ces derniers mois de gros efforts commerciaux pour promouvoir leurs comptes sur livret maison, dont les taux sont corrélés sur celui du Livret A. Accepteront-elles de donner un nouveau coup de pouce de rémunération, alors même que le principal taux directeur de la BCE vient d’être ramené à 1% ? Rien n’est moins sûr.

« C’est une gymnastique des taux assez difficile », confirme Philippe Crevel, qui pronostique un relèvement du Livret A, mais pas au-delà de 2,50% : « 2012 est une année d’élection présidentielle, la tentation électoraliste sera forte. Le gouvernement pourrait donc remonter le taux du Livret A, produit d’épargne populaire par excellence, à 2,50%, juste pour qu’il conserve un rendement supérieur à l’inflation, et éviter ainsi de mécontenter les épargnants. » Réponse dans un mois.