Les banques exigent quasi systématiquement un apport avant d’accorder un crédit immobilier. Pour constituer cet apport, faut-il mobiliser toute votre épargne, tous produits confondus ? Et assécher tous ces placements ?

Une règle tacite fixe le montant de l'apport personnel à 10% du prix de l’opération immobilière. Ce qui permet de couvrir les frais d’acquisition : frais de garantie (hypothèque ou caution), frais de dossiers de la banque et/ou du courtier, « frais de notaire », etc. Même si le taux d’apport baisse depuis plusieurs années, dans le contexte de crédit « peu cher » grâce aux faibles taux d’intérêt, les emprunteurs financent en moyenne 13% de leur achat immobilier grâce à leur épargne, selon les statistiques de l’ACPR, le régulateur bancaire.

Si vous disposez d’une épargne consistante, dont le montant dépasse les 10% du montant de l’opération, vous pourrez choisir les produits d’épargne dans lesquels vous souhaitez puiser. Afin de conserver les plus rentables.

1 - Quels produits pouvez-vous débloquer ?

L'épargne disponible. De très nombreux placements sont extrêmement souples et permettent de retirer tout ou partie de votre épargne quand bon vous semble : livrets réglementés (Livret A, LDDS, LEP), livrets bancaires « classiques », CEL, PEP, etc. Rien ne vous empêche de piocher dans ces produits. Cette souplesse s’applique aussi à l’assurance-vie, même si l’ancienneté du contrat va influer sur la fiscalité des gains.

Deuxième catégorie, celle des produits sur lesquels un retrait peut provoquer la clôture. C’est le cas du Plan épargne logement (PEL), du Plan d’épargne en actions (PEA) avant 8 ans de détention, etc. Mais, là encore, libre à vous de « casser » ces plans sans condition. En revanche, un déblocage anticipé peut vous faire perdre certains avantages : des intérêts amoindris (au taux du CEL, 0,50%) pour le PEL avant 2 ans de détention, des plus-values soumises à l’impôt pour un PEA avant 5 ans de détention.

Troisième catégorie : le plan d’épargne salariale. Qu’il s’agisse d’un PEE, relativement souple, ou d’un Perco, plus contraignant, l’acquisition de la résidence principale est un motif de déblocage anticipé. Un motif valable pour toute acquisition, premier achat de résidence principale ou non. Il suffit de fournir un justificatif tel que la promesse de vente au gestionnaire du plan pour que les sommes soient débloquées, tout en profitant de l'exonération d'impôt sur le revenu.

L'épargne bloquée. L’acquisition d’un logement n’est pas, à ce jour, un motif de déblocage de l’épargne retraite. Les Perp, contrats Madelin ou encore PER-Entreprise (« article 83 ») sont des produits « tunnel » : sauf cas extrême, l’argent ne sera disponible qu’à la retraite.

2 - Quels produits est-il conseillé de débloquer ?

Hors épargne-retraite, l’achat de votre logement vous offre donc une très large palette de produits d’épargne mobilisables, au-delà des évidents Livret A, LDDS, CEL ou livrets bancaires ! Où faut-il piocher en priorité ? Interrogée sur le sujet, Véronique Lopez, responsable épargne et banque privée à la direction marketing de Crédit Agricole SA, veut tout d’abord éviter le discours générique : « Il faut demander au banquier d’analyser sa situation individuelle : tout dépendra des produits que détient le client et, surtout, de quand il les a ouvert ainsi que de l’épargne accumulée. »

« Demander au banquier d’analyser sa situation individuelle »

Par exemple, si vous détenez un PEL ouvert à la fin des années 2010, le « casser » constituera forcément une mauvaise opération financière : « Les PEL rémunérés à 2,50% sont évidemment intéressants ! », réagit Véronique Lopez. « Cependant, ils ont été souscrits entre 2003 et 2015 : pour des ménages achetant leur résidence principale, il s’agit souvent du principal support d’épargne en vue de cet achat immobilier. Donc il sera difficile de se passer d’un déblocage. »

Si vous disposez d’une épargne suffisante, vous avez le choix. Dans ce cas, il faut choisir d’une part en fonction de la rentabilité du produit, et d’autre part en fonction de ses conditions de sortie. Ainsi, si vous possédez de l’épargne salariale, l’acquisition principale constitue l’une des rares occasions pour récupérer votre pécule. Ce motif de sortie est d’ailleurs en hausse : 169 000 épargnants salariés ont débloqué un plan en 2017 pour un achat immobilier, en augmentation de 17% par rapport à 2016. L’association des gestionnaires d’actifs, l’AFG, précise que 48 000 épargnants ont débloqué un Perco, pour un apport moyen de 7 800 euros, et 121 000 salariés ont utilisé leur PEE, pour un apport moyen de 14 300 euros.

« L’assurance-vie offre une grande liquidité grâce au fonds en euros »

Véronique Lopez déconseille en revanche un recours au PEA sans analyse préalable. D’une part pour éviter une clôture du plan, s’il a été ouvert voici moins de 8 ans, mais aussi pour éviter des pertes : « S’il y a des moins-values et qu’il est possible d’utiliser d’autres produits, il faut peut-être attendre un retour en plus-value. L’assurance-vie offre une plus grande liquidité grâce au fonds en euros. »

Le contrat d’assurance-vie permet en effet les rachats partiels : vous pouvez ainsi retirer la majeure partie de l’épargne, si besoin, et conserver votre antériorité fiscale en vue de futurs versements. « L’assurance-vie a l’avantage de la souplesse », confirme Véronique Lopez, « d’autant plus que la fiscalité a été assouplie avec la flat tax pour les retraits avant 8 ans de détention. » Pour rappel, la flat tax (12,8% d’impôt sur le revenu, 17,2% de cotisations sociales) concerne les versements effectués à partir de janvier 2018.

Lire aussi : Quels produits d'épargne ouvrir suite à l’entrée en vigueur de la flat tax ?

3 - Quelle épargne faut-il absolument conserver ?

Si la constitution de l’apport personnel nécessite de mobiliser toute votre épargne, n’oubliez pas de conserver a minima une épargne de précaution, en cas de coup dur ou de dépense imprévue : « Nous conseillons de garder au moins 3 à 6 mois de salaire, selon les niveau de revenus, sur un livret », ajoute Véronique Lopez, du Crédit Agricole, les 6 mois de revenus étant particulièrement conseillés pour les emprunteurs les plus modestes. Le Livret A apparaît dans ce cas comme le support le plus adapté.

Par ailleurs, Maxime Pekkip, porte-parole du réseau de prévention du surendettement Crésus, conseillait récemment de conserver une capacité d’épargne même en souscrivant un crédit : « Même en cas d’emprunt, il faut toujours respecter la règle des 10% » des revenus épargnés chaque mois. Il s’agit alors de tenter de reconstituer petit à petit l’épargne mobilisée pour l’apport personnel, malgré les mensualités de remboursement du prêt.

Du nouveau avec la loi Pacte

Le projet de loi Pacte vise notamment à harmoniser les différents produits de préparation à la retraite. Le futur Plan d’épargne retraite (PER) individuel, qui prendra la place des Perp et contrats retraite Madelin, pourra être débloqué en cas d’acquisition de la résidence principale.