Pour emprunter, il faut avancer un apport personnel équivalent à 10% voire 20% du prix d'achat immobilier ! Ce principe a longtemps été la règle du marché du prêt immobilier, mais les taux bas changent totalement la donne...

Un taux d'apport moyen inférieur à 13%, sur l'ensemble des prêts immobiliers octroyés en 2018 : un record, comme le souligne le régulateur bancaire, l'ACPR (1), dans son rapport annuel sur le financement de l'habitat. 10 ans plus tôt, l'apport moyen était de plus de 23% : il fallait disposer d'une épargne quasi équivalente à un quart de la valeur du bien pour acheter ! « Les taux d'apport personnel des emprunteurs descendent à des niveaux jamais observés par le passé », confirme l'observatoire Crédit Logement-CSA dans son baromètre de juillet. Est-il donc encore nécessaire de s'échiner à épargner en vue d'un achat immobilier ?

Quel apport la banque réclame-t-elle en temps normal ?

En règle générale, la banque réclame un apport minimum équivalent à 10% de la valeur du bien. Une somme qui va ainsi, a minima, couvrir les frais d'acquisition (notaire, agence immobilière, taxes...), les fameux « frais de notaire » qui alourdissent le coût de l'opération. Dans l'idéal, elle va aussi limiter le montant du crédit. En cela, « l'apport personnel est un facteur de réduction de risque pour la banque », explique un économiste bancaire : en cas de revente précipitée, l'établissement s'assure ainsi que l'emprunteur puisse la rembourser avec le produit de cette vente. Le « 10% d'apport minimum » constitue ainsi historiquement une « règle d'usage » pour les primo-accédants, ceux qui achètent pour la première fois, au même titre que les 33% de taux d'endettement maximum.

Pourquoi les taux bas ont-ils changé la donne ?

La règle théorique est toutefois sérieusement écornée par l'actuelle conjoncture de taux bas ! Les prêts immobiliers se négocient cet été en moyenne à 1,35% sur 20 ans ou 1,54% sur 25 ans selon Meilleurtaux. Conséquence : « le marché du crédit immobilier se caractérise actuellement par une véritable facilité d'accès à l'emprunt », insiste Philippe Taboret, directeur général adjoint du courtier Cafpi. « Au premier semestre 2019, 60% des financements de primo-accédants sont supérieurs à 100% ! » Traduction : le montant du crédit dépasse la valeur du bien immobilier, couvant ainsi une partie des frais d'acquisition supplémentaires.

Un assouplissement des banques pour garder les « emprunteurs jeunes ou modestes »

Dans le jargon bancaire, et des courtiers en crédit, cette pratique s'appelle le « 110% ». Une pratique réservée dans un passé encore récent à la crème des emprunteurs, ceux qui présentent un dossier avec de hauts revenus, en début de carrière, etc. Désormais, ce « 110% » n'est plus une exception, y compris chez les primo-accédants. « L'accès au crédit est facilité par une diminution de l'apport personnel et un léger allongement de la durée des crédits », confirme le service études économiques du Crédit Agricole dans sa dernière étude trimestrielle. L'observatoire Crédit Logement-CSA souligne même que les moindres exigences des banques permettent de continuer à répondre à « la demande de ménages jeunes ou modestes », qui « n'auraient pu sans cela réaliser leurs projets immobiliers ».

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Emprunter sans apport, est-ce plus risqué ?

« Dans la conjoncture actuelle, les banques ont besoin de prêter ! », rappelle Philippe Taboret. « Elles le font toujours de manière rigoureuse : un emprunteur est solvable, ou non. S'il est solvable, peu importe qu'il présente un apport personnel ou non. » D'autant que la faiblesse des intérêts permet de ne pas trop gonfler le montant global de l'opération.

« Si l'emprunteur est solvable, peu importe qu'il présente un apport personnel ou non »

En temps normal, l'apport permet à la banque de limiter l'écart entre la valeur du bien et le capital restant dû. Mais les emprunteurs profitent là encore de la conjoncture favorable. Les prix de l'immobilier sont orientés à la hausse : le risque d'une revente à perte pour l'emprunteur est donc faible, ce qui est évidemment de nature à rassurer la banque, dont l'objectif est d'être remboursée. La menace de bulle immobilière ? « Les notaires s'accordent plutôt à dire que le marché est sûr et serein », répond Christophe Raffaillac, rédacteur en chef d'Immonot, le portail d'information des notaires. « La demande est constante. »

Est-il toujours conseillé d'épargner avant d'emprunter ?

Les banques n'exigent donc plus d'apport personnel de façon sine qua non. Pouvez-vous tout de même présenter un dossier sans disposer d'aucune épargne ? « La qualité du dossier de l'emprunteur va lui permettre de plus ou moins bien négocier son crédit », nuance Christophe Raffaillac. « Disposer d'une épargne sur des livrets ou un Plan d'épargne logement est préférable, même si vous ne l'utilisez pas en apport : cela va rassurer la banque, en sachant que vous aurez un matelas de précaution en cas de coup dur. » L'utilisation d'une partie de cette épargne ou non, en tant qu'apport, fera ensuite partie de la négociation.

Achat-revente et immobilier locatif : l'apport, un moindre enjeu

La problématique de l'apport personnel a toujours été différente pour les « secondo-accédants », ceux qui revendent un bien avant d'acheter, et pour les investisseurs locatifs. Dans un cas le produit de la vente sert en partie d'apport. Dans l'autre les emprunteurs disposent le plus souvent d'une épargne investie financièrement, par conséquent les banques ne réclament pas d'apport.

Ces emprunteurs se verront même conseiller, y compris par les banquiers, de profiter des taux bas pour gonfler leur prêt, sans toucher à leur épargne. Objectif : « Investir leur épargne sur les placements rentables quand les taux auront remonté », souligne Philippe Taboret. « Dans le cas des investisseurs locatifs et secondo-accédants, nous pratiquons d'autant plus le 110% actuellement. » Sans apport, donc.

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(1) Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.