Par rapport au viager de gré à gré, sa version mutualisée permet aux seniors de vendre leur bien plus rapidement et de sécuriser le versement des rentes. Du côté des acheteurs, le marché est structuré par quelques supports privés et des fonds institutionnels.

L’allongement de l’espérance de vie, l’insuffisance des pensions de retraite ou encore le coût du financement de la dépendance… autant de facteurs a priori favorables au viager. Pourtant, ce marché demeure confidentiel. Le viager ne représente que 6 000 transactions sur les 600 000 à 800 000 ventes de logements anciens par an. Et il y a de nombreuses raisons à cela. Du côté des personnes âgées, la question est sensible et la peur de voir son bien sous-évalué réelle. Du côté de l’acheteur, l’incertitude sur la durée de vie de l'occupant et donc sur le coût de la transaction peut décourager. Le viager traditionnel, que l’on appelle viager de gré à gré, a donc peu de chance de décoller.

Qu’en est-il du viager mutualisé ? Comme dans sa version classique, le senior vend son bien, reçoit un capital - appelé « bouquet » - et une rente mensuelle jusqu’à son décès. Il peut également continuer à occuper le logement, si le contrat le prévoit. En fait, la différence se trouve du côté des acheteurs. Ce ne sont pas des particuliers en quête d'un bien immobilier à occuper, mais un groupement d’investisseurs. Via un véhicule qui peut être un fonds d’investissement ou encore une société civile immobilière, les investisseurs achètent plusieurs logements en viager. Des parts sont ensuite émises et cédées à des investisseurs privés ou institutionnels : des assureurs, des mutuelles, des banques… Une fois la personne âgée décédée, le fonds revend le logement.

Quels avantages pour les seniors ?

Pour le vendeur, le viager mutualisé se veut plus rassurant : le versement de la rente ne dépendant pas d’un unique acteur. Toutefois, à l’image de l’affaire des fonds Life Invest, révélée en 2012, tous les fonds viagers ne mettent pas à l’abri du danger d’impayés. Les seniors doivent rester vigilants sur le sérieux de leurs interlocuteurs.

« En s’adressant à un particulier, les vendeurs peuvent jouer la carte du coup de cœur. »

Le viager mutualisé peut également permettre de céder plus rapidement son bien, notamment lorsque le vendeur est un couple. « Un fonds mutualisé a plus facilement le temps d’attendre que les deux têtes s’éteignent alors que le particulier ne fera peut-être pas ce pari », souligne Yves Gambart de Lignières, conseiller en gestion de patrimoine. En revanche du point de vue financier, le viager mutualisé ne permet pas toujours de meilleures conditions de vente. D’après Yves Gambart de Lignières, « en s’adressant à un particulier, les vendeurs peuvent jouer la carte du coup de cœur, de la proximité. Le fonds, lui, se basera uniquement sur des ratios financiers ».

Marc Bertrand, président de La Française REM qui gère le fonds viager Certivia, nous a effectivement expliqué qu’aussi bien du côté des vendeurs que des investisseurs, il n’y a pas de marchandage possible : « Nous faisons appel à un expert immobilier afin d’évaluer le prix du logement. Un expert qui ne favorise ni le senior, ni les investisseurs, mais qui donne un prix objectif qui reflète la valeur de marché du bien. Ensuite, sur la base de ce prix, nous appliquons une décote pour tenir compte du fait que le logement reste occupé, des tables de mortalité, si le cédant est un homme ou une femme, en couple ou seul et de la répartition bouquet et rente souhaitée. »

Qui se cachent derrière les fonds viagers ?

Dans un viager classique, l'investisseur est obligé d'attendre le décès de l'occupant avant de pouvoir disposer du bien ou récupérer une plus-value. A l'inverse, la diversification offerte par le viager mutualisé permet à l'investisseur de bénéficier de multiples acquisitions. Autrement dit, le fonds viager permet de lisser les performances dans le temps. Pour quelles rémunérations ? Les gestionnaires affichent des promesses de rendement allant jusqu'à 7% d’après les brochures que nous avons consultées. Plus précisément, « le taux de rentabilité interne dépend de l’évolution du marché immobilier et de la durée effective du viager », explique Marc Bertrand de La Française REM. Concrètement, pour son marché immobilier cible, le taux de rendement interne offert aux investisseurs de Certivia atteindrait entre 4% et 6%, nous a-t-il expliqué. Une rémunération plutôt attractive, comparable aux SCPI.

Les fonds viagers ne s’adressent généralement pas au grand public, mais à une fraction restreinte des épargnants : les clients avertis ayant en général quelques dizaines de milliers d'euros à placer en diversification. Une offre existe sur ce marché, même si faute d’engouement, quelques supports - la Sicav « 123 Viager », lancée en 2012 et gérée par 123 Venture, ou encore le FCPI SIlver Estate lancé par Périal en 2014 - ont été fermés. Pour le CGP Yves Gambart de Lignières, ces supports viagers ne correspondaient pas toujours aux besoins des investisseurs : « Je ne souhaitais pas que mes clients s’exposent à nouveau sur l’immobilier résidentiel », nous a-t-il expliqué.

Des institutionnels s'intéressent aussi au viager mutualisé. Géré par La Française REM, le fonds Certivia compte à sa table des investisseurs de renom - la Caisse de Dépôts, le Crédit Mutuel, AG2R La Mondiale, la Macif ou encore Groupama - ayant chacun apporté entre 10 et 20 millions d’euros. Impulsé par la Caisse des Dépôts, le fonds Certivia devrait atteindre, au terme de sa période d’investissement, en septembre 2018, les objectifs fixés à son lancement 4 ans plus tôt : ses 150 millions d’encours vont effectivement permettre d’acquérir quelque 450 logements.

Une opportunité pour les retraités en PACA et Ile-de-France ?

En accord avec sa stratégie d’investissement, Certivia se montre sélectif sur les biens immobiliers achetés en viager. A ce jour, le fonds en a acquis 315. Sa cible d’investissement : des résidences principales et en majorité des appartements (85% des biens acquis). Ils doivent se situer en Provence-Alpes-Côte d’Azur ou en Ile-de-France. Quelques exceptions sont possibles. Le gestionnaire accepte en effet quelques biens se situant dans les grandes agglomérations (Bordeaux, Lyon…), là où le marché de l’immobilier est tendu. Mais ces derniers ne doivent pas représenter plus de 10% de l’échantillon. En outre, les logements doivent être valorisés à moins d’un million d’euros (1,2 million d’euros pour les biens à Paris intramuros).

Enfin il faut que les propriétaires soient âgés d'au moins 70 ans pour céder leur bien. A noter, dans le rapport de gestion, il ressort que la moyenne d’âge des crédirentiers est nettement supérieure. Elle s’élève à 79 ans en moyenne.

Une réussite due à l’accompagnement selon La Française REM

Pour son gestionnaire, le succès de Certivia repose principalement sur l'intermédiation et la proximité. Pour y parvenir, La Française REM s’est associée à la société dédiée au viager Renée Costes. Capables de mailler le territoire, les équipes de Renée Costes sont chargées de rencontrer et accompagner les seniors dans leur « projet viager ». « Le viager n’est pas du tout une transaction immobilière classique. Il faut généralement 9 mois entre le premier rendez-vous et la transaction finale, avec un taux d’abandon du projet assez élevé », insiste Marc Bertrand.

De fait, les investisseurs ne rencontrent jamais les candidats au viager : « Nous déconseillons aux investisseurs institutionnels d’instruire une relation directe avec les crédirentiers. La différence de statut est telle que la relation ne peut être équilibrée. (…) Toutes les expériences basées là-dessus ont à ma connaissance été des échecs. » Fort de cette expertise, La Française REM ambitionne de lancer un nouveau fonds pour succéder à Certivia, avec les mêmes caractéristiques. « La phase d’apprentissage, de rodage a été longue, mais ce fut une expérience très positive », conclut Marc Bertrand. « Nous allons donc continuer. »