Voici une mesure surprise qui s'est imposée au menu de la commission des finances à l'Assemblée nationale, en plein examen du projet de loi de finances pour 2024 : ne pas revaloriser le barème de façon uniforme mais en favorisant les classes moyennes pour augmenter légèrement l'impôt des foyers plus aisés.

Pascal Lecamp, député Modem de la Vienne, à la pointe de la révolution fiscale ? Il a bien tenté avec son collègue Mohamed Laqhila de faire voter un taux minimal d'impôt sur le revenu de 0,1%, pour tous, afin que l'ensemble de la population contribue à l'effort collectif, même « symboliquement ». Cette mesure nécessaire pour générer un « consentement à l'impôt » a beau avoir été saluée dans l'esprit par des députés de tous bords... elle n'a pas fait mouche.

En revanche, mardi 10 octobre, au soir, les députés ont voté à la surprise générale un amendement ambitieux de Pascal Lecamp et de ses collègues du groupe Modem. Et ce même avec une esquisse d'applaudissements vite calmés par Eric Coquerel, le président de la commission des finances qui planche cette semaine sur le projet de loi de finances pour 2024, preuve que son amendement a séduit au-delà de son simple groupe politique.

Une baisse de 15 à 20 euros pour l'impôt des « classes moyennes »

Plusieurs députés, y compris dans les rangs du parti présidentiel Renaissance, avaient présenté des amendements visant à différencier la revalorisation des seuils du barème de l'impôt sur le revenu. Le budget prévoit d'augmenter le barème de 4,8%, un rythme proche de l'inflation, afin d'éviter tout effet pervers : en bref si votre salaire augmente, votre impôt n'augmentera pas trop fortement.

Impôt 2024 sur les revenus 2023 - Barème indexé à 4,8%
Tranche de revenu par part fiscaleTaux applicable pour la tranche
Jusqu'à 11 294 €0%
De 11 295 € à 28 797 €11%
De 28 798 € à 82 341 €30%
De 82 342 € à 177 106 €41%
Plus de 177 106 €45%

Barème inscrit dans la loi de finances pour 2024.

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En revanche, tout gel du barème - comme en 2012 et 2013 - conduit à une hausse d'impôt. L'amendement défendu par Pascal Lecamp propose de geler les seuils des tranches à 41% et 45%, et de « sur-indexer » (en l'augmentant de 5,6%) la première tranche, celle à 11% qui touche les classes moyennes.

Résultat : cette mesure ferait baisser de 15 à 20 euros en moyenne l'impôt des « classes moyennes » (5ème et 6ème déciles), ceux qui sont juste à la lisière de l'impôt sur le revenu, gagnant un peu trop d'argent pour être non imposable. Pour une hausse « très légère » de l'impît des 10% de foyers les plus aisés. Impact budgétaire : environ 100 millions d'euros en plus pour l'Etat.

Cette revalorisation différenciée a-t-elle une chance de passer ?

L'amendement a déjà fait consensus au sein de la commission des finances, laquelle rassemble toutes les sensibilités de l'Assemblée nationale. Rebelote dans l'Hémicycle, lors de l'examen par l'ensemble des députés ? Peut-être... étant donné la composition hétéroclite des rangs de l'Assemblée nationale.

Un indice, toutefois : Jean-René Cazeneuve, le rapporteur général Renaissance du budget 2024 et voix de la majorité présentielle au sein de cette commission, a voté contre cet amendement. « Seuls 45% des foyers paient l'impôt sur le revenu, explique Jean-René Cazeneuve. Nous avons indexé les seuils de manière à ce qu'il n'y ait pas de nouveaux entrants sur l'impôt sur le revenu. Je comprends l'intention de réduire les écarts mais notre volonté est de réduire au maximum l'impact de l'inflation pour ceux qui travaillent, quels que soient leurs revenus. Je rappelle que ceux qui ont des revenus sont déjà ceux qui paient le plus d'impôt. »

Le gouvernement - qui répète à l'envi « pas de hausse d'impôt » - fera très probablement appel à l'article 49.3 pour faire adopter son budget 2024. Ce qui lui laissera le loisir de sélectionner les amendements qu'il estime prioritaires.

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