+7%, +10%, parfois +20%, voire plus ! En 2023, la taxe foncière qui constitue désormais le principal impôt local suite à la disparition de la taxe d'habitation affiche des taux d'augmentation stupéfiants. Est-ce partout pareil ? La faute de votre municipalité ? Du gouvernement ? Faites-vous partie des propriétaires mal lotis ? Le vrai du faux...

« C'est la faute du maire ! »

FAUX, mais... ça peut l'être en partie. Selon les données publiées en août par la Direction générale des Finances publiques (DGFiP), seules 14% des 35 000 communes françaises ont fait le choix d'augmenter la taxe foncière.

Alors pourquoi parle-t-on de hausse record et généralisée ? Car la base de calcul pour tous les impôts locaux, les valeurs locatives cadastrales (VLC), valeur censée représenter la valeur de votre appartement ou maison s'il était loué, a augmenté de 7,1% !

Indexée sur l'inflation (l'IPCH, indice des prix à la consommation harmonisé, arrêté en novembre pour cette mise à jour annuelle), la revalorisation 2023 est deux fois plus élevée qu'en 2022 : 7,1% contre 3,4% l'an passé, ce qui était déjà une forte hausse nationale. L'an passé, à cette revalorisation nationale de 3,4% se sont ajoutées les hausses locales, pour une augmentation moyenne de 6,1% en France. Ce sera donc plus en 2023.

Pourquoi votre taxe foncière augmente tant en 2023 (et est-ce la faute de votre maire ?)

Où regarder sur votre avis d'impôt local ?

taxe foncière
Un avis de taxe foncière, page 2

Point 1 sur la photo : en face de « taux 2022 » et « taux 2023 », vous pouvez vérifier si le taux communal a évolué.

Point 2 : visez la « cotisation 2022 » et la « cotisation 2023 » à la colonne « commune »... et la variation juste en dessous. La variation est très légèrement supérieure à 7% ? L'augmentation de votre impôt local est due à la hausse nationale. Votre variation est bien plus élevée ? C'est une décision communale.

Point 3 : à tous ces éléments s'ajoutent le taux intercommunal, des taxes spéciales ou la taxe ordures ménagères. Vous retrouvez le total au point 3, et il faut encore y ajouter les frais de gestion de la fiscalité directe locale pour arriver à votre impôt 2023.

« Le gouvernement aurait pu limiter la casse »

VRAI, mais... Imputer la hausse de la taxe foncière au gouvernement serait impropre. Car les augmentations varient d'une commune à une autre. Et dépendent en partie de décisions locales. D'autre part car la revalorisation annuelle des VLC, la base de calcul (voir ci-dessus), est indexée sur l'inflation. C'est dans les textes.

Mais... des députés de différents bords politiques ont suggéré de limiter cette hausse en plafonnant la revalorisation des VLC à 3,5%. Cette mesure a même été portée par le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée Jean-René Cazeneuve (Renaissance, majorité présidentielle), à l'automne 2022.

Gabriel Attal, qui était encore ministre chargé des Comptes publics, a écarté cette idée en préférant en appeler à la responsabilité des communes : « J'appelle les collectivités à ne pas faire exploser leurs taux de fiscalité locale. (...) Des collectivités peuvent tout à fait baisser leurs taux communaux. Un certain nombre de maires ont annoncé qu'ils le feraient. »

In fine, selon les données de la DGFiP, seules 3% des communes ont baissé leur taux... en limitant ainsi la hausse globale. Dans ces rares communes, la taxe foncière augmente probablement, mais à moins de 7%.

« C'est à cause de la suppression de la taxe d'habitation »

VRAI, mais... pas uniquement. Il existe toutefois sans ambiguïté un lien entre les hausses récentes de taxe foncière et la suppression de l'autre principal impôt local. « La hausse de la taxe foncière est la conséquence de la suppression de la taxe d'habitation qui réduit les recettes fiscales des collectivités », lisait-on par exemple l'an passé sur le site de la mairie de Saint-Nazaire-d'Aude, devenue célèbre pour être n°1 des communes au palmarès de l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) au taux de taxe foncière, en cumulé (taux communaux + intercommunaux + taxes annexes).

« La hausse de la taxe foncière est la conséquence de la suppression de la taxe d'habitation qui réduit les recettes fiscales des collectivités »

Divers jeux comptables sont censés compenser la disparition de la taxe d'habitation, transformée en un impôt local pesant uniquement sur les résidences secondaires. Sans entrer dans ces détails complexes, suite à la suppression de la taxe d'habitation pour les résidences principales, « tous les niveaux de collectivités voient leur panier fiscal profondément modifié », comme l'explique la Cour des comptes dans un rapport publiée en 2021.

Parmi les diverses compensations : « En 2021, et afin de compenser la suppression progressive de la taxe d'habitation sur les résidences principales, la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties a été transférée à la commune, comme l'explique la DGFiP. Les taux communal et départemental ont simplement été additionnés et ont permis de déterminer un nouveau taux de référence pour les communes. » Un mécanisme qui explique des taux très élevés dans certaines communes.

« Paris a le record de la hausse 2023 »

VRAI, mais... Dans la catégorie grandes villes, et en se concentrant uniquement sur l'évolution 2022-2023, Paris gagne haut la main ! Spécialiste de la fiscalité locale, le cabinet FSL a compilé les évolutions des grandes collectivités locales. A Paris, le taux passe de 13,5% en 2022 à 20,5% en 2023. Soit quasi 52% d'augmentation du taux communal !

Pour sa défense, dès l'automne dernier, la maire de Paris Anne Hidalgo soulignait que la taxe foncière « est aujourd'hui à Paris la plus basse de France à 13,5% contre 41,61% en moyenne dans les grandes villes françaises, et elle n'a pas augmenté depuis 2011 ». De fait, comme vous pourrez le constatez ci-dessous, ce n'est pas le taux le plus faible de France... mais c'est effectivement un taux très bas par rapport à la plupart des 35 000 communes françaises.

Le top 5 des hausses dans les grandes villes

  • Paris : +51,8% (nouveau taux communal de 20,5%)
  • Grenoble : +25% (nouveau taux communal de 65,78%)
  • Limoges : +10% (taux 2023 de 42,13%)
  • Lyon : +9% (nouveau taux de 31,89%)
  • Mulhouse : +4,9% (nouveau taux de 43,01%)

Source : cabinet FSL

Vous voulez fouiller ?

Tous les taux communaux (attention, la France compte environ 35 000 communes !) et intercommunaux 2023 sont sur collectivites-locales.gouv.fr.

« Ma ville a voté un taux record »

ÇA DÉPEND, forcément, de votre commune. Mais il est possible de comparer. Voici les 15 communes (dont de très petites, comme Les Ilhes et ses moins de 100 habitants) où les taux de taxe sur le foncier bâti sont les plus élevés.

Le top 15 des communes aux taux les plus élevés en 2023Taux communal de taxe foncière
15Merial (11)75,30%
14Rennes-les-Bains (11)75,54%
13Saliès (81)75,93%
12Brasseuse (60)76,22%
11Auch (32)76,61%
10Saint-Louis (La Réunion)77,03%
9
Durban-Corbières (11)
77,98%
8Padern (11)78,10%
7Sannerville (14)78,18%
6Troarn (14)79,96%
5Les Ilhes (11)80,02%
4Chambord (41)80,98%
3La Haute-Beaume (05)83,63%
2Fontanès-de-Sault (11)88,60%
1
Anse-Bertrand (Guadeloupe)
95,00%

Vous remarquerez plusieurs communes de l'Aude (département 11) dans ce top 15. Ceci s'explique par l'addition récente des taux départementaux aux taux communaux. Or l'Aude (comme le Gers, département 32, par exemple) était jadis sur le podium des territoires où le taux départemental était le plus élevé. Mécaniquement, par addition des taux commune + département, certaines villes de l'Aude ou du Gers déboulent dans ce top 15.

Attention. Si les départements du Gers ou de l'Aude affichent des taux records, c'est aussi parce que la base de calcul de la taxe (la valeur locative cadastrale) y est particulièrement faible. Les villes de ces départements compensent donc par un taux élevé pour s'assurer des ressources. Décidément, la taxe foncière est un casse-tête...

Voici à l'autre extrémité les 15 « villes » où les taux sont les plus faibles.

Le top 15 des communes aux taux les plus faibles en 2023Taux communal de taxe foncière
Sorbiers (05)0%
Camopi (Guyane)0%
Montreuil-en-Auge (14)3,54%
Châtenay-en-France (95)4,50%
Chantemerle (Marne)4,86%
Acoua (Mayotte)6,46%
Dembéni (Mayotte)8,91%
Mamoudzou (Mayotte)9,17%
Ouangani (Mayotte)10%
Bandraboua (Mayotte)10,25%
Kani-Kéli (Mayotte)11,70%
Chiconi (Mayotte)12,17%
La Bâthie (73)12,63%
Cevins (73)12,63%
Neuilly-sur-Seine (92)13,05%

Source : DGFiP et direction générale des Collectivités locales (DGCL)

Un taux de 0% ? Comment est-ce possible ? La toute petite commune de Sorbiers, dans les Hautes-Alpes, ne compte que quelques dizaines d'habitants, et il existe un taux intercommunal (11,63% dans la communauté Sisteronais-Buëch). L'absence de taux communal est ici un jeu comptable, les recettes passant à l'intercommunalité.

« Dans mon département, on paie super cher »

PEUT-ÊTRE, ça dépend... de votre département. Il existe une foule de données sur cet impôt local mais aussi plus de 35 000 cas de figure différents. Ramenée au département, voici la taxe foncière moyenne en 2022.

Département (ou territoire)Taxe foncière moyenne par habitation
Ain724,51 €
Aisne892,34 €
Allier818,50 €
Alpes-de-Haute-Provence933,26 €
Hautes-Alpes856,10 €
Alpes-Maritimes877,49 €
Ardèche648,56 €
Ardennes636,76 €
Ariège791,38 €
Aube767,22 €
Aude1 011,19 €
Aveyron698,52 €
Bouches-du-Rhône1 086,45 €
Calvados868,10 €
Cantal662,08 €
Charente906,89 €
Charente-Maritime882,72 €
Cher681,09 €
Corrèze747,59 €
Corse-du-Sud761,46 €
Haute-Corse596,84 €
Côte-d'Or893,88 €
Côtes-d'Armor671,59 €
Creuse579,88 €
Dordogne912,95 €
Doubs686,98 €
Drôme884,03 €
Eure897,81 €
Eure-et-Loir904,49 €
Finistère772,25 €
Gard1 027,07 €
Haute-Garonne1 063,11 €
Gers880,85 €
Gironde995,07 €
Hérault1 085,73 €
Ille-et-Vilaine764,68 €
Indre565,17 €
Indre-et-Loire823,49 €
Isère1 021,94 €
Jura762,33 €
Landes742,54 €
Loir-et-Cher791,70 €
Loire844,36 €
Haute-Loire736,10 €
Loire-Atlantique857,43 €
Loiret991,52 €
Lot853,96 €
Lot-et-Garonne971,89 €
Lozère657,89 €
Maine-et-Loire884,71 €
Manche697,85 €
Marne789,40 €
Haute-Marne623,37 €
Mayenne670,72 €
Meurthe-et-Moselle794,64 €
Meuse669,37 €
Morbihan774,62 €
Moselle666,64 €
Nièvre688,40 €
Nord792,45 €
Oise1 005,17 €
Orne744,08 €
Pas-de-Calais842,63 €
Puy-de-Dôme858,58 €
Pyrénées-Atlantiques815,15 €
Hautes-Pyrénées807,27 €
Pyrénées-Orientales978,16 €
Bas-Rhin649,67 €
Haut-Rhin662,54 €
Rhône810,74 €
Haute-Saône601,88 €
Saône-et-Loire748,45 €
Sarthe741,72 €
Savoie736,59 €
Haute-Savoie719,22 €
Paris720,00 €
Seine-Maritime988,00 €
Seine-et-Marne1 141,57 €
Yvelines1 294,33 €
Deux-Sèvres759,18 €
Somme822,93 €
Tarn1 009,97 €
Tarn-et-Garonne1 020,53 €
Var1 134,67 €
Vaucluse958,01 €
Vendée587,15 €
Vienne748,73 €
Haute-Vienne802,98 €
Vosges664,12 €
Yonne708,92 €
Territoire de Belfort869,51 €
Essonne1 350,73 €
Hauts-de-Seine919,32 €
Seine-Saint-Denis1 213,53 €
Val-de-Marne1 267,13 €
Val-d'Oise1 330,27 €
Guadeloupe1 270,03 €
Martinique1 046,61 €
Guyane1 081,35 €
La Réunion1 194,24 €
Mayotte692,57 €
France entière889 €

Départements en gras et italique : les 5 départements où la taxe foncière est la plus faible.
Départements en bleu et gras : le top 5 des départements où elle est la taxe moyenne est la plus élevée.
Source : DGFiP, fichier des taxations de taxe foncière 2022.

Impôts sur l'immobilier : payez-vous plus de taxe foncière que vos voisins ?

« Ma voisine dit qu'elle a déjà toutes les infos sur sa taxe 2023 »

VRAI, si votre voisine ou voisin a choisi de ne pas mensualiser cet impôt local (un peu moins de 35% des foyers assujettis mensualisent la taxe foncière). Si tel est le cas, son avis est en ligne sur impots.gouv.fr depuis la fin août. Pour les foyers mensualisés, ce sera le 22 septembre.

Avis de taxe foncière 2023Dans votre espace Particulier sur impots.gouv.fr...Dans votre boîte aux lettres, si vous avez choisi l'avis papier...
Si vous avez mensualisé le paiement22 septembre 2023Jusqu'au 6 octobre 2023
Si vous n'avez pas mensualisé le paiement30 août 2023Jusqu'au 26 septembre 2023

« Ce sera pire en 2024 »

FAUX, mais... Pour l'heure, l'indice d'inflation (IPCH) retenue pour la revalorisation annuelle de la base de calcul des taxes foncières augmente mais pas dans les mêmes proportions que l'an passé. Au lieu de 7,1%, la tendance serait plutôt autour de 5% même s'il faudra attendre l'IPCH de novembre 2023 pour être fixé. Reste une inconnue : comme l'an passé, la question d'un plafonnement de cette revalorisation annuelle va forcément ressurgir à l'Assemblée lors des débats sur le budget 2024. Le gouvernement repoussera-t-il à nouveau l'idée d'un plafonnement ?