Faut-il lâcher du lest sur le taux d'endettement à 35% maximum ? Ou permettre aux banques d'emprunter plus facilement « hors des clous » des contraintes du Haut Conseil de stabilité financière ? Depuis l'annonce d'un probable nouvel assouplissement, les courtiers sont dans les starting-blocks.

Quelles sont ces fameuses règles contraignantes ?

La donne a changé au 1er janvier 2022. Ce qui n'était jusqu'alors qu'une norme professionnelle est devenue une norme contraignante, inscrite dans la loi. Plus précisément, la réglementation enjoint les banques à se soumettre aux normes établies par le Haut conseil à la stabilité financière (HCSF), instance présidée par le ministre de l'Economie, pour accorder un crédit immobilier.

Ces contraintes se résument en trois mesures phares :

  • un « taux d'effort des emprunteurs de crédit immobilier », c'est-à-dire le montant total des dépenses liées à l'habitation rapporté aux revenus, de 35% maximum ;
  • une durée d'endettement (ou « maturité de crédit » pour citer le HCSF) de 25 ans au plus, avec un allongement possible à 27 ans dans certains cas (comme des travaux préalables à l'emménagement) ;
  • la possibilité de déroger à ces critères pour 20% des crédits, avec toutefois quasi un tiers de ces dossiers « dérogatoires » réservés à ceux qui achètent pour la première fois et plus des trois quarts réservés aux résidences principales.

En juin 2023, face aux demandes insistantes de la profession bancaire et des courtiers en crédit, le Haut Conseil de stabilité financière a retouché cette dérogation de 20%. Pas de véritable bouleversement toutefois : la part totalement libre dans ces dossiers « sans contraintes » augmente de 4% à 6% du total, comme expliqué dans ce graphique.

Evolution des règles du HCSF

Crédit immobilier : ce qui a changé pour les emprunteurs en janvier 2022

Quelles sont les pistes évoquées ?

Le président de la Commission des Lois à l'Assemblée, Sacha Houlié, a annoncé ce dimanche 24 septembre sur Franceinfo que Bercy a accepté d'étudier l'hypothèse d'un assouplissement des conditions d'accès au crédit : « soit le taux de 35% », soit « les dérogations ouvertes ».

Plus précisément, quel assouplissement est envisageable ? Sacha Houlié renvoie la balle au HCSF mais glisse : « Ce que je ne veux plus voir, c'est des gens qui viennent me voir dans la permanence, qui me disent : “J'ai les moyens d'emprunter mais ma banque ne me suit pas”. (...) Il ne faut plus que cela arrive et revoir ces règles quitte à les revoir quand la situation s'améliorera. »

Quelles sont les mesures espérées par les courtiers en crédit ?

Caroline Arnould, directrice générale de Cafpi : « Espérons que les réponses du HCSF seront plus percutantes que celles apportées en juin dernier. (...) Il faudrait qu'une réflexion ait lieu sur le reste à vivre plutôt que sur le seul taux d'endettement. Par ailleurs, la prise en compte réaliste (calcul en différentiel) des revenus locatifs comme elle se pratiquait auparavant, serait, elle aussi, la bienvenue ! Ce n'est qu'ainsi, que l'on pourra espérer sortir le marché immobilier de son atonie. »

Bérangère Dubus, secrétaire générale de l'Union des Intermédiaires en Crédit Immobilier (UIC) : « Augmenter les possibilités de dérogations n'a aucun sens ni aucun effet. Nul ne crée des règles pour y déroger largement ! » L'UIC réclame de « considérer les prêts réglementés comme un apport », d'« autoriser la compensation des revenus locatifs » et de « permettre les durées supérieures à 25 ans pour les moins de 30 ans ».

Sophie Ho Thong, directrice juridique et des relations juridiques de Finance Conseil : « Il faut revenir au bon sens et assouplir les critères d'octroi de manière à laisser les établissements de crédits analyser le reste à vivre en fonction du niveau de revenus, du secteur géographique, de la consommation énergétique du bien, du coût de l'usage du logement (télétravail), des travaux de rénovation éventuellement à réaliser et du coût des déplacements domicile-travail. »

CNCEF Crédit, assocition de courtiers : « Croire que relever le taux d'endettement est la panacée aux problèmes structurels de l'immobilier est un leurre. (...) L'argument qui consiste au surplus, pour ne pas se fonder sur le reste à vivre, à redouter la multiplication d'investissements locatifs (et donc l'incapacité de rembourser) par un seul emprunteur révèle une méconnaissance du marché. (...) Le gouvernement peut faire appel aux banques pour qu'elles proposent des lignes de prêt privilégiés (à destination, par exemple, des primo-accédants ou des jeunes), comme le pratiquent déjà certaines banques régionales. Il peut aussi revenir sur le PTZ, qui doit être revu pour financer à nouveau les maisons individuelles, mais aussi sauver des milliers d'emplois du secteur de la construction. Il peut enfin remettre en place le calcul différentiel de l'endettement, c'est-à-dire distinguer l'investissement locatif de la résidence principale. Une option beaucoup plus sécurisante pour les banques et l'emprunteur, qui permettrait de véritablement relancer l'investissement locatif. »

Quand l'assouplissement sera-t-il décidé ?

Probablement ce mardi 26 septembre, midi, heure et date à laquelle se tient la prochaine réunion du HCSF. Ce Haut Conseil rassemble notamment le gouverneur de la Banque de France, le président de l'Autorité des marchés financiers, des personnalités du monde économique et donc le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, qui préside ce HCSF.