Le Conseil d'analyse économique recommande d'imposer plus lourdement les placements immobiliers et de limiter les avantages fiscaux de l'assurance-vie à la seule épargne retraite, afin d'orienter le bas de laine des Français vers l'économie productive, dans une note rendue publique mercredi.

« La structure actuelle de la fiscalité dérogatoire sur les revenus du capital semble surtout orienter l'épargne des Français vers l'immobilier et les placements peu risqués de l'assurance-vie et non vers le financement à long terme des entreprises », déplore le CAE. Au 1er décembre 2012, sur les 1.562 milliards d'euros gérés par l'assurance-vie (53,4% des actifs financiers des ménages), seulement 20,5% étaient investis en actions, contre 67% en obligations ou en actifs liquides, précise le Conseil d'analyse économique, une entité composée d'économistes universitaires et de chercheurs reconnus, p lacée auprès du Premier ministre avec pour mission d'éclairer les choix du gouvernement en matière économique.

Des mesures à mettre en place à « court terme »

Sa première recommandation consiste donc à « limiter les avantages fiscaux des assurances-vie à des sorties en rente, garantissant qu'il s'agit bien d'une épargne retraite » laquelle selon lui – parce qu'elle « vise essentiellement à différer des revenus du travail sur une longue période – peut justifier une exonération fiscale ».

Il préconise également d'« augmenter la fiscalité sur l'immobilier et de taxer les loyers implicites nets », c'est-à-dire les loyers que paieraient les propriétaires occupant leur logement s'ils étaient locataires ou qu'ils percevraient s'ils louaient leur bien à une tierce personne. « A défaut, actualiser les valeurs locatives pour remettre la taxe foncière en ligne avec la valeur effective des propriétés », recommandent les auteurs de la note.

Le Conseil d'analyse économique appelle à une mise en pratique « dans le court terme » de ces préconisations sans exclure « une réforme fiscale globale plus substantielle ».

Favoriser les investissements innovants

« La fiscalité des revenus du capital est un enjeu majeur de politique économique, en particulier sur le long terme. La taxation des revenus du capital joue en effet un rôle clé dans la dynamique des inégalités de revenus, mais aussi pour l'accumulation de capital productif, et donc pour la croissance de long terme », explique le CAE.

« Il est (...) surprenant que la France offre une fiscalité plus douce à la rente foncière qu'aux investissements dans des activités productives et innovantes", lancent les économistes auteurs de cette note . « Quant à l'objectif paternaliste d'une société de propriétaires, il est discutable », estiment-ils, notamment « parce qu'il réduit la mobilité du travail ».

Imposer les plus-values réelles

Ils estiment aussi nécessaire d'imposer les plus-values réelles (et non nominales) en les annualisant avant de les intégrer au barème de l'impôt sur le revenu.

Ils recommandent de « publier de façon systématique les données statistiques sur les sorties et entrées de résidents fiscaux afin de pouvoir évaluer l'ampleur de l'exil fiscal et ses conséquences réelles sur les finances publiques », estimant par ailleurs qu'« abaisser le taux d'imposition sur les sociétés d'un point de pourcentage permettrait d'attirer environ 3% d'investissements directs étrangers supplémentaires ».

La France se caractérise, en Europe, par un taux de prélèvements obligatoires élevé, alimenté notamment par les prélèvements sur le capital qui, rapportés au PIB, sont supérieurs à ceux qui prévalent dans tous les pays sauf le Luxembourg et la Norvège, note le conseil.

Elle devrait par ailleurs homogénéiser son système pour le rendre plus prévisible et stable, selon le CAE. « Dans un système avec des taux multiples et un éventail de niches fiscales, les changements de fiscalité sont difficiles à comprendre et peu visibles, ce qui crée de l'incertitude pour les investisseurs. La transparence d'un taux unique implique que toute modification fiscale devient très visible. Les gouvernements sont alors plus hésitants à toucher fréquemment les taux et les assiettes », estime le Conseil d'analyse économique.