L’encadrement des loyers d’un côté, l’incitation fiscale du dispositif Duflot de l’autre ; l’abattement exceptionnel sur les plus-values immobilières d’un côté, l’éventuelle augmentation des droits de mutation de l’autre. Le gouvernement donne-t-il plus qu’il ne reprend aux bailleurs ? Retour sur les mesures impactant le marché locatif avec les professionnels du secteur.

« Je ressens chez les propriétaires une remise en question de leur intérêt à mettre leur appartement en location », alerte Jean-François Buet, président de la Fnaim (Fédération nationale de l'immobilier), à l’heure du passage à l’Assemblée de la loi Alur (accès au logement et urbanisme rénové). « Les contraintes se renforcent au niveau des diagnostics, des travaux… Le locataire pourra bientôt revenir sur l’état des lieux pendant une semaine et pas le bailleur. En même temps, on fait comprendre au propriétaire que son loyer va être encadré, que l’on va essayer de le faire baisser et que l’on va créer une nouvelle taxe pour financer la garantie universelle des loyers (1). L’ensemble de ces contraintes peut amener un propriétaire à se dire : n’aurais-je pas intérêt à vendre ? »

Le président de la Fnaim, organisation syndicale des professionnels de l'immobilier (agents immobiliers et syndics notamment) défend logiquement ses membres mais il se fait aussi l’écho d’une période mouvementée pour l’immobilier locatif. Les loyers n’ont augmenté que de 0,1% en France sur un an à la fin août, quand l’inflation était de +1%, selon l’observatoire Clameur, qui se base sur les chiffres des professionnels du secteur.

Des incitations fiscales

Voilà pour la conjoncture peu encourageante pour les bailleurs et investisseurs potentiels. Mais le gouvernement soutient aussi le marché locatif. Le dispositif « Duflot » a pris le relais du « Scellier » au 1er janvier 2013 : investir dans l’immobilier neuf en vue d’une mise en location offre droit à une réduction d’impôt de 18% du montant de l’acquisition, sous réserve de respecter certains critères et de s'engager à louer le bien pendant 9 ans.

Autre coup de pouce, indirect : la réforme des plus-values immobilières et en particulier la mise en place d’un abattement exceptionnel de 25% jusqu’au 31 août 2014. « Sur le marché locatif, la réforme des plus-values peut avoir une incidence », juge Laurent Mompert, porte-parole du Conseil supérieur du notariat, même s’il regrette que l’abattement exceptionnel ne soit pas une mesure pérenne. « Elle pourrait inciter à remettre un bien sur le marché afin de profiter de l’effet d’aubaine. » Conséquence : plus de biens sur le marché donc plus d’affaires potentielles.

S’il reconnaît que cette mesure « va dans le bon sens », Laurent Mompert souligne un paradoxe : l’oubli des terrains à bâtir. Un point de vue partagé par Jean-François Buet, de la Fnaim : « Non seulement les terrains à bâtir ne bénéficieront pas de l’avantage fiscal mais en plus, ils ne bénéficieront même pas d’un abattement pour durée de détention du bien en 2014 (ndlr : la question de la fiscalité des plus-values sur les terrains à bâtir n’a pas encore été tranchée par le gouvernement). »

Un marché plus encadré

Comme l’illustrent les dispositifs successifs dédiés au neuf (Robien, Borloo, Scellier, aujourd’hui Duflot), l’immobilier locatif est traditionnellement encouragé par l’Etat. Mais d’autres mesures freinent l’investissement selon les professionnels. Parmi les signaux évoqués : la possible augmentation de 0,7% des droits de mutation, qui concernent tous les achats immobiliers, au 1er janvier 2014. Et bien entendu la loi Alur, qui devrait permettre d'instaurer un large dispositif d’encadrement des loyers courant 2014 puis la garantie universelle des loyers en 2016.

« La GUL pourrait avoir un certain nombre d’effets secondaires, comme inciter le locataire à ne pas payer son loyer en se disant que la garantie universelle sera là pour prendre le relais », juge le notaire Laurent Mompert. Histoire de tempérer le mécontentement des propriétaires, l’Assemblée a adopté mercredi un amendement permettant aux bailleurs de réclamer des pénalités de 30% de loyer en cas d’impayé.

Des règles « pérennes »

Le législateur joue le chaud et le froid. Le porte-parole du Conseil supérieur du notariat préfèrerait une tendance moins remuante : « En matière immobilière, les gens ont besoin de règles stables, claires et surtout pérennes afin de pouvoir se positionner et prendre des décisions qui ne sont pas remises en cause pour des raisons fiscales. »

La parole à la défense : « Notre projet de loi ne sera pas une couche législative supplémentaire », a lancé Cécile Duflot mardi à l’Assemblée. « A travers le projet de loi Alur, nous inscrivons les politiques du logement dans un cadre juridique suffisamment stable pour qu’elles soient pérennes. » Gouvernement et professionnels s'accordent parfaitement sur l'idée de long terme. Pas totalement sur les mesures.

(1) La garantie universelle des loyers (GUL), qui doit être mise en place au 1er janvier 2016, a pour objectif de protéger les propriétaires des impayés. Elle pourrait se substituer à la caution et serait financée de manière paritaire par les bailleurs et les locataires via une cotisation équivalente à 1 à 2% du loyer. Si la mesure a été adoptée par l'Assemblée nationale, les modalités restent à préciser via le décret d'application.