Apparues pour les premières il y a une trentaine d'années, les banques sans agences, par téléphone, web et mobile, font aujourd'hui partie du paysage. Pourtant, elles n'ont pas encore totalement acquis la confiance des usagers. Avez-vous raison de vous méfier ?

C'est un des enseignements du sondage exclusif (1) réalisé par notre partenaire YouGov France : 49% des personnes interrogées considèrent que déposer de l'argent dans une banque en ligne est plus risqué que dans un établissement traditionnel.

Plus d'un Français sur 2 n'a pas confiance dans la solidité du secteur financier

Voilà près de 30 ans, pourtant, que la première enseigne sans agences, Banque Directe (2), a fait son apparition sur le marché français. Aujourd'hui, Boursorama est, de loin, la banque française qui capte le plus de nouveaux clients. Mais il reste un doute : mon argent est-il en sécurité chez ces enseignes qui ne s'incarnent pas dans des points de vente faits « de brique et de mortier » (3), dans des agences du coin de la rue ?

Ces craintes sont également causées par l'hétérogénéité de ces acteurs de la banque dématérialisée. Banques en ligne, néobanques, applications de paiement ou d'épargne : il y a de quoi se perdre. Voici les questions à se poser pour mieux apprécier leur fiabilité.

La question de l'agrément

Etablissement de crédit ou établissement de paiement ? La distinction entre ces deux types d'agréments délivrés par les « gendarmes » du secteur financier n'est pas claire pour tout le monde : selon notre sondage (1), seul un gros tiers des personnes interrogés fait la différence.

De fait, les produits et services distribués par les uns et les autres peuvent se ressembler : compte bancaire avec IBAN, moyens de paiement, outils de gestion budgétaire, comptes épargne, etc. La distinction est pourtant d'importance. Car seuls les clients des établissements de crédits bénéficient directement du mécanisme de garantie sur leurs dépôts, mis en œuvre en France par le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR). En clair, en cas de faillite de leur banque, ils sont indemnisables, à hauteur de 100 000 euros maximum par établissement et dans un délai de 7 jours ouvrables.

Ma banque est en difficulté : que va devenir mon argent ?

Dans le cas d'un établissement de paiement, c'est un peu plus compliqué. Ces derniers ont bien l'obligation de protéger les dépôts effectués par leurs usagers, soit en les déposant sur un compte dit de « cantonnement » dans un établissement de crédit, soit en contractant une assurance pour les garantir. Mais ils ne sont pas couverts directement par le FGDR. Résultat : en cas de défaut, les démarches à mettre en œuvre et les délais pour récupérer l'argent seraient plus incertains. « Le recouvrement des fonds interviendrait alors après mise en jeu d'un mécanisme classique de faillite d'entreprise, avec nomination d'un liquidateur », confirme Thierry Dissaux, président du directoire du FGDR.

Parmi les acteurs proposant actuellement la tenue de comptes de paiement 100% en ligne, la plupart sont des établissements de crédit à part entière. C'est le cas des banques en ligne historiques, celles apparues dans les années 2000 : BforBank, Boursorama Banque, Fortuneo, Hello bank ! et Monabanq. Mais aussi des néobanques, apparues dans les années 2010 : Bunq, Ma French Bank, N26, Orange Bank ou Revolut.

En revanche, des acteurs de premier plan sont des établissements de paiement ou de monnaie électronique. Citons Nickel et ses plus de 3 millions de clients en France ; Lydia, qui vient tout juste d'obtenir son agrément, ou encore de Qonto.

La question de la nationalité

En matière bancaire également, l'Union européenne est un marché unique. Les établissements de crédit agréés dans d'autres pays de l'UE ont donc la possibilité de proposer leurs services en France, sans avoir besoin de demander un agrément spécifique au régulateur tricolore, l'ACPR. C'est le cas, notamment, de Bunq, agréé aux Pays-Bas, de N26, en Allemagne ou encore de Revolut, en Lituanie.

On l'a vu : ces 3 acteurs européens, en tant qu'établissements de crédit, bénéficient du même régime de garantie des dépôts que les banques en ligne et les néobanques françaises. Avec une nuance : en cas de faillite, ce n'est pas l'opérateur français, le FGDR, qui serait mis à contribution pour indemniser les clients, mais celui du pays où ils ont obtenu leur agrément. En clair, si Bunq ou N26 venait à faire faillite, le client français devrait s'adresser aux opérateurs de crise néerlandais ou allemand pour récupérer son argent. Avec le risque de devoir accomplir ces démarches dans une langue étrangère.

Ce ne serait pas le cas, en revanche, d'un client de Revolut. La néobanque, bien qu'enregistrée en Lituanie, dispose d'une succursale en France. En cas de faillite, la procédure à suivre serait donc la même que pour une banque française : c'est le FGDR qui serait chargé de récolter les demandes d'indemnisation, via un espace sécurisé sur son site web, puis de faire le lien avec le fonds de garantie lituanien.

La question de la rentabilité

Pour une banque, dégager des revenus est une manière de renforcer ses fonds propres, et donc sa capacité à rester solvable en cas de tempête.

Même si elles dépassent, pour les plus anciennes, les 20 ans d'existence, toutes les banques en ligne historiques, pourtant, ne sont pas encore rentables. C'est le cas, en particulier, de Boursorama Banque, large leader de ce petit marché avec près de 5 millions de clients. La filiale de SG reste, en effet, en phase de conquête et continue de consacrer une part importante de ses ressources en dépenses marketing. Son président, Benoît Grisoni, le promet : les bénéfices sont pour bientôt. Déjà, Boursorama a annoncé des comptes à l'équilibre au 1er trimestre 2023.

L'urgence de la rentabilité est toutefois relative pour ces banques en ligne. Toutes sont détenues par de grands groupes bancaires, prêts à les recapitaliser en cas de besoin : le Crédit Agricole pour BforBank, SG pour Boursorama Banque, le Crédit Mutuel Arkéa pour Fortuneo, le Crédit Mutuel Alliance Fédérale pour Monabanq.

La question se pose de manière différente pour les néobanques. Elles ne sont généralement pas adossées à des groupes bancaires. Ma French Bank, filiale de La Banque Postale, fait exception. Orange Bank est, elle, une filiale d'un acteur extra-bancaire, mais aux reins très solides : le numéro français des télécoms, Orange. En revanche, Bunq, Revolut ou encore N26 financent leur développement en recourant à des levées de fonds. Une source de stress potentielle, alors que le capital-risque a tendance à s'assécher sous l'effet de la remontée des taux.

Leur modèle économique, toutefois, montre actuellement sa viabilité. Revolut est ainsi rentable depuis 2021, avec un bénéfice net de 26,3 millions de livres sterling, grâce à l'engagement croissant de ses 27 millions de clients particuliers.

Fin février, Bunq a également annoncé avoir déclaré un bénéfice net avant impôt de 2,3 millions d'euros au dernier trimestre 2022. Celle qui se présente comme la 2e plus grande néobanque de l'UE est donc désormais rentable, grâce notamment à une forte hausse de ses revenus de commissions bancaires (+37% sur un an) et des dépôts de ses utilisateurs (+64%), qui atteignaient fin 2022 1,8 milliard d'euros.

Le cas de N26 est plus incertain. La néobanque, lancée en 2013 à Berlin, continue de perdre de l'argent. Sa croissance, de plus, est entravée par le régulateur du secteur financier allemand, qui lui demande de mieux remplir ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, et bride, en attendant, le nombre de comptes qu'elle est autorisée à ouvrir chaque mois.

Attention aux acteurs non régulés !

Qu'il soient de crédit ou de paiement, les établissements ici évoqués ont en commun d'être sous la surveillance d'autorités de régulation, comme la Banque centrale européenne ou, en France, l'ACPR, qui s'assurent qu'elles respectent la réglementation en matière de gestion financière, de sécurité ou de lutte contre le blanchiment.

Ce n'est pas le cas de tous les acteurs proposant des services de paiement, de l'épargne ou des crédits. Certains évoluent en marge de toute supervision, en tant qu'agent ou mandataire d'établissements de paiement ou de monnaie électronique. Dans ce cas de figure, nous précise l'ACPR, c'est « l'établissement agréé [qui] demeure seul responsable des agissements des entreprises qu'il a missionnées ».

Cela ne signifie évidemment pas que la société en question n'est pas fiable. Un exemple : avant d'obtenir, récemment, un agrément d'établissement de monnaie électronique, un acteur de premier plan comme Lydia a évolué pendant des années en tant qu'agent d'Okali et de Treezor, deux établissements de monnaie électronique, sans que cela entrave son développement et la bonne marche de ses services.

L'histoire, toutefois, peut aussi mal tourner, comme l'a dernièrement illustré la chute de Swoon. Cette société lilloise a commercialisé, à partir de 2018, un placement particulièrement attractif pour l'époque - 3% de rémunération brute annuelle - et présenté comme sans risque. Bien que se présentant comme une « néobanque », elle ne disposait pourtant d'aucun agrément, évoluant en marge du périmètre de surveillance de l'ACPR. Elle a été mise en liquidation judiciaire en juillet 2021, laissant sur le carreau environ 150 épargnants, certains ayant investi des dizaines de milliers d'euros. Ils sont aujourd'hui engagés dans une procédure judiciaire au long cours, sans certitude de pouvoir un jour récupérer leur argent.

(1) Enquête réalisée sur 1 005 personnes représentatives de la population nationale française âgée de 18 ans et plus. Sondage effectué en ligne, sur le panel propriétaire YouGov France, du 29 au 30 mars 2023. (2) Lancé en 1994 par la Compagnie Bancaire (Groupe Paribas), Banque Directe a été rachetée en 2002 par l'assureur AXA pour devenir Axa Banque. (3) De « Brick & Mortar », expression utilisée dans les pays anglo-saxons pour décrire les commerces proposant des points de ventes physiques.