Faillites, mise sous tutelles, chutes boursières : 15 ans après les subprimes, le spectre d'une nouvelle crise bancaire majeure est de retour. La menace est-elle réelle ?

Malgré les discours rassurants, le doute est là. La succession, depuis le début du mois de mars, des faillites de plusieurs banques états-uniennes (la Silicon Valley Bank notamment) puis d'une panique boursière sur les valeurs bancaires qui a fini par emporter Credit Suisse, a fait renaître la crainte d'une crise bancaire de premier plan. Une crise systémique, pour reprendre l'expression consacrée, de nature à affecter l'ensemble du secteur bancaire mondial. Y compris potentiellement la banque à qui vous avez confié votre argent. Résultat : selon notre sondage, réalisé en partenariat avec YouGov France, 54% des Français ont peu ou pas confiance dans la solidité du secteur financier français.

Plus d'un Français sur 2 n'a pas confiance dans la solidité du secteur financier

Alors que nous écrivons ces lignes, le risque de contagion semble pourtant avoir été écarté. Une question, toutefois, demeure : nos banques, celles sur qui nous comptons pour déposer notre argent, effectuer nos paiements, faire fructifier notre épargne, financer nos projets, sont-elles suffisamment solides pour résister à une nouvelle crise majeure ?

Ma banque est-elle préparée à une crise d'ampleur ?

Elles le sont, en tout cas, plus qu'elles ne l'étaient il y a 15 ans, avant la crise des subprimes. « En Europe, le cadre réglementaire a été très renforcé après la crise financière de 2008 », confirme Timothée Waxin, responsable du département Finance, Data & Performance à l'EMLV et ancien responsable du Service Etudes Economiques de la Fédération bancaire française (FBF). « Le secteur est aujourd'hui beaucoup plus solide qu'en 2008. On a d'ailleurs pu le constater pendant la crise du Covid. »

Qu'est-ce qui a changé, concrètement ? Pour prévenir la survenue de nouvelles crises affectant l'ensemble du secteur financier, les principales économies mondiales, réunies au sein du Conseil de stabilité financière, ont imposé aux banques de nouvelles règles du jeu. Ces normes, connues sous le nom de Bâle III, leur imposent notamment de renforcer leurs fonds propres afin de se constituer un « coussin » mobilisable en cas de situation critique : c'est ce que l'on appelle les ratios de solvabilité. Elles doivent également respecter des ratios de liquidité, c'est-à-dire détenir suffisamment d'actifs de haute qualité (des titres de dette souveraine le plus souvent) mobilisables à court terme pour pouvoir faire face à une panique bancaire, c'est-à-dire une explosion soudaine des demandes de retraits des clients.

Ce cadre dit « prudentiel » s'applique aujourd'hui à l'ensemble des banques françaises. Son application engendre des contrôles de la part des régulateurs, sous la forme notamment de tests de résistance (ou stress tests), destinés à vérifier leur capacité à affronter une crise économique majeure. Les derniers résultats connus datent de 2021. Ils ont porté, à l'époque, sur les 50 principales banques européennes. Seule une a échoué : la banque italienne Monte dei Paschi di Siena (BMPS). Parmi les moins bons élèves figuraient aussi Deutsche Bank et Société Générale, deux groupes récemment chahutés en bourse. Ces stress tests sont menés tous les 2 ans dans la zone euro. Un autre est en cours. Il concerne cette fois 110 banques, dont 10 groupes français. Ses résultats seront publiés au mois de juillet 2023.

Ma banque chute en bourse, est-ce mauvais signe ?

La récente montée de tension dans le secteur bancaire, à la suite du défaut la banque californienne Silicon Valley Bank (SVB), a entraîné une tempête boursière, qui a particulièrement affecté deux groupes bancaires français, BNP Paribas et Société Générale. Pourtant, la faillite de SVB s'explique, avant tout, par les mauvais choix de ses dirigeants et surtout les lacunes de la surveillance des régulateurs états-uniens.

Pourquoi cela concerne-t-il BNP Paribas et Société Générale ? Les deux groupes ont été sanctionnés, car les investisseurs ont estimé qu'ils étaient plus exposés que d'autres aux conséquences de cette faillite sur la stabilité du système bancaire dans son ensemble. L'affaire SVB a, notamment, révélé un risque potentiellement systémique, c'est-à-dire affectant l'ensemble de ce système très intriqué, car lié à la hausse des taux des institutions monétaires (la Fed aux Etats-Unis, la BCE en Europe) pour lutter contre l'inflation.

Cela signifie-t-il que ces deux banques sont fragilisées ? Ce n'est pas aussi simple. « Il ne faut pas confondre valorisation boursière et solidité », explique Timothée Waxin. La France en est un bon exemple. La valorisation des grands groupes nationaux reste durablement inférieure à ce qu'elle était avant la crise de 2008. Ce qui ne les empêche pas d'être rentables, et même d'afficher des profits records depuis 2 ans. Or, « c'est le nerf de la guerre », poursuit Timothée Waxin. « Ce sont leurs revenus qui leur permettent de renforcer leurs fonds propres, et donc améliorer leur capacité à résister à un choc économique. »

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