La jeune histoire des cryptomonnaies est déjà entachée par une longue série de scandales, hacks et faillites. De quoi effaroucher certains investisseurs qui craignent que leur argent ne soit pas en sécurité sur les plateformes d'échange crypto. À juste titre ?

Les banques existent depuis longtemps. Alors forcément, les régulateurs ont eu tout leur temps pour créer des mécanismes de protection à destination des particuliers. En cas de faillite de votre banque, vous êtes par exemple protégé à hauteur de 100 000 euros par la garantie des dépôts.

De même, si vous achetez des titres financiers (actions, obligations, SICAV...), et que votre courtier fait défaut, la garantie des titres s'applique. Vos pertes seront alors remboursées dans la limite d'un plafond de 70 000 euros. Mais qu'en est-il si vous déposez des fonds sur une plateforme d'échange de cryptomonnaies et que cette dernière fait faillite ?

Pas de garantie

« En cas de faillite d'une plateforme, les avoirs des clients ne sont pas garantis par le FGDR », répond Thierry Dissaux, Président du Directoire du Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR).

Et pour cause : « La garantie des dépôts concerne uniquement les dépôts libellés dans des devises officielles, comme le dollar ou le yen. Or les cryptomonnaies ne sont pas des monnaies officielles », poursuit Thierry Dissaut.

Et la garantie des titres ? Chou blanc, là encore. Car si les crypto-actifs ne sont pas des devises, ce ne sont pas non plus des titres. « De manière générale, un titre est émis par une société qui cherche à se financer », rappelle Thierry Dissaux. « Les crypto-actifs n'entrent pas dans ce cadre ».

Résultat, en cas de faillite d'un intermédiaire crypto, personne ne viendra vous sauver. Les clients de FTX en ont fait les frais en novembre dernier. Cette plateforme, l'une des plus grosses du monde, a fait faillite du jour au lendemain, laissant derrière elle des dettes abyssales, estimées à plus de 9 milliards de dollars.

Et FTX n'est pas un cas isolé. Plus tôt en 2022, l'implosion de l'écosystème Terra avait laissé sur le carreau des millions d'utilisateurs, avec près de 60 milliards de dollars de pertes. Même son de cloche du côté des détenteurs d'un Livret Crypto de Coinhouse, pour qui les retraits sont bloqués depuis le 17 novembre 2022.

La liste continue. Et bien souvent, ce sont les particuliers qui paient les pots cassés. Faut-il alors repenser la réglementation dans le secteur des cryptos pour mieux protéger les investisseurs, au risque de freiner l'innovation dans cette industrie encore naissante ?

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Sécurité renforcée

« Il existe déjà un cadre législatif en France », tranche Faustine Fleuret, directrice générale de l'Association pour le développement des actifs numériques (ADAN). Ce dernier, en vigueur depuis la loi Pacte de 2019, fonctionne à deux niveaux.

Il y a d'abord l'enregistrement en tant que prestataire de services sur actifs numériques (PSAN), obligatoire pour exercer en France. Pour aller plus loin, les plateformes crypto peuvent également obtenir l'agrément de PSAN auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Ce dernier est optionnel et s'accompagne d'obligations renforcées.

« Jusqu'à présent, les obligations relatives à l'enregistrement des PSAN (obligatoire) portaient surtout sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme », explique Faustine Fleuret. Mais depuis le 28 février 2023, la loi a changé. « L'enregistrement des PSAN a été renforcé avec, notamment, la mise en place de nouvelles garanties sur la ségrégation des actifs et des fonds des clients », poursuit Faustine Fleuret.

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Manque de supervision

Vos fonds sont-ils plus en sécurité pour autant ? Pas nécessairement. « Le problème ne vient pas de la réglementation, mais de la supervision », estime Faustine Fleuret. « Les autorités n'ont pas toujours les ressources nécessaires pour faire appliquer la loi ».

Certaines plateformes le savent. Et elles n'hésitent pas à en profiter. Pour cela, elles exploitent un mécanisme appelé la « sollicitation inversée ». Le concept est le suivant : en théorie, les plateformes qui ne sont pas enregistrées en tant que PSAN n'ont pas le droit de cibler le public français.

Toutefois, si un particulier souhaite s'inscrire sur une plateforme non-régulée, rien ne l'empêche de le faire. « Résultat, certaines plateformes ne se mettent pas en conformité, mais communiquent tout de même auprès du public français. Et cela passe sous les radars des autorités », regrette Faustine Fleuret.

L'autre faiblesse du système actuel, c'est que les investisseurs particuliers connaissent mal la réglementation. Selon une étude de l'ADAN, seuls 9% des Français qui détiennent des cryptos ont vérifié si la plateforme qu'ils utilisent dispose d'un enregistrement ou d'un agrément de PSAN. Dommage. Car une fois informés, les deux tiers des investisseurs considèrent qu'il s'agit d'un critère important dans le choix de leur prestataire.

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Choisir la bonne plateforme

Pour limiter les risques, commencez par vérifier si une plateforme crypto est inscrite sur la liste blanche de l'AMF avant d'y déposer le moindre centime. Et privilégiez de préférence les acteurs tricolores, avec qui vous pourrez plus facilement échanger en cas de faillite, et qui seront soumis au droit français.

Vous pouvez également regarder la date de création de la plateforme. « Une plateforme nouvelle peut être attirante mais sa solidité n'est pas encore forcément démontrée », observe Thierry Dissaux.

« Les cryptos représentent un changement de paradigme : vous pouvez aujourd'hui détenir vos valeurs, sans devoir demander la permission à votre banque. Toutefois, lorsque vous laissez vos cryptomonnaies sur une plateforme, vous restez dans un système centralisé. Avec la possibilité que vos fonds soient bloqués, ou qu'un dirigeant peu scrupuleux parte avec la caisse », ajoute Charles Guillemet, CTO de l'entreprise Ledger.

Cette dernière est aujourd'hui leader sur le marché des « hard wallets », ces portefeuilles numériques qui vous permettent de stocker vos cryptomonnaies sans passer par les plateformes. Au total, Ledget a déjà vendu plus de 6 millions de wallets, signe que les investisseurs sont nombreux à chercher une alternative plus sécurisées que les plateformes d'échange pour conserver leurs crypto-actifs.

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