L'économiste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'épargne, explique à MoneyVox comment lutter contre l'effet de l'inflation sur l'épargne des Français. Notamment le livret A ou le LDDS, qui présentent un rendement réel négatif de trois points actuellement.
Avec plus de 350 milliards d'euros cumulés, les sommes placées sur le Livret A et le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) atteignent des sommets et ont continué de progresser en février après la hausse de la rémunération passée de 0,5% à 1%. Problème, avec une inflation qui atteint 4% en mars, selon les dernières projections, ces livrets réglementés font perdre de l'argent aux épargnants. L'économiste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'épargne, livre à MoneyVox des pistes pour diversifier ses placements et maximiser ses gains.
En raison de la forte inflation, la situation est-elle inquiétante pour les épargnants français ?
Ph. C. : « L'Insee table sur une inflation entre 4 et 5% pour les mois à venir et celle-ci pourrait encore augmenter dans les années qui viennent. Même si l'inflation est calculée sur la base d'un panier moyen de consommation, et pas sur un panier de produits financiers, avec un taux d'intérêt de 1%, le Livret A ou le LDDS ont un rendement réel de négatif de 3 points. Les assurances vie en fonds euros ont elles un rendement réel de moins 1,18 point. L'épargnant doit s'adapter à une situation nouvelle que nous n'avions pas connue depuis les années 80. »
Quel est le meilleur produit d'épargne réglementée pour vous ?
Crise sanitaire, guerre en Ukraine... la période est incertaine. Quelles sont les règles de précaution en matière d'épargne ?
Ph. C. : « Les crises, que nous connaissons depuis plus de 10 ans, renforcent la prudence et il n'y a évidemment pas de règle fixe car chaque situation est unique. Mais en situation de précarité ou en cas de CDD par exemple, il est prudent de garder sur son compte courant ou son livret d'épargne une somme supérieure à celle que l'on laisserait si l'on est en CDI ou fonctionnaire. En général, l'équivalent de trois mois de revenus en épargne de précaution, mobilisable immédiatement, est conseillé. Mais au-delà, laisser son épargne se faire grignoter par l'inflation n'est pas non plus une bonne option. »
« La meilleure résistance à l'inflation, c'est la prise de risque et la diversification »
Justement, où placer son argent en 2022 ?
Ph. C. : « Le livret A réagit en retard à l'inflation et de façon incomplète. Parmi les produits d'épargne réglementés, c'est le livret d'épargne populaire (LEP) qui préserve le maximum les intérêts des épargnants avec un taux à 2%. Problème, il n'est pas accessible à tout le monde. Sinon, je conseille de placer son argent sur un vieux PEL à plus de 4%, pour ceux qui en détiennent encore. Par contre, il ne faut pas en ouvrir un nouveau aujourd'hui. Plus largement, la meilleure résistance à l'inflation, c'est la prise de risque et la diversification.
Certaines actions en bourse peuvent aussi être un bon investissement. Les entreprises du luxe peuvent par exemple augmenter leur prix sans que cela impacte leurs ventes. Les secteurs de l'agroalimentaire, de l'énergie ou des énergies nouvelles sont aussi porteurs. On peut aussi tenter des placements de long terme dans les banques ou les assurances. Il faut regarder la valeur de l'action bien sûr, mais aussi les perspectives de dividendes. Une bonne action doit se juger sur ses dividendes autant que sur la plus-value éventuelle. »
Ces actions qui vous protègent contre l'inflation
L'or est à nouveau présenté comme une valeur refuge, faut-il acheter des lingots ?
Ph. C. : « Acheter de l'or c'est de la spéculation pure, comme le sont les cryptomonnaies ou les NFT. Ces investissements n'offrent aucun intérêt ou dividende. Si les bonnes affaires sont possibles, il s'agit d'un pari sur l'avenir. En 1979, ceux qui ont acheté de l'or ont dû attendre 23 ans pour retrouver un niveau de valeur équivalent à leur achat. »
