Les actionnaires de Natixis ont appris, début février, que BPCE, la maison-mère, voulait racheter pour 4 euros leurs actions, acquises à un prix 5 fois plus élevé en 2006. Plus de 1 500 investisseurs ont depuis signé une pétition pour dénoncer ce dénouement qu’ils jugent « scandaleux ».

« Absolument scandaleux d’être obligé de revendre 4 euros des actions achetées 19,55 euros », s’indigne Thomas. « Le montant n’est pas en relation avec le prix de départ de l’action. La démarche ne s’inscrit pas dans un objectif de conseil que peut délivrer une banque », renchérit Marc. En ce début mars, les actionnaires de la première heure de Natixis ne décolèrent pas depuis l’annonce de BPCE de vouloir faire main basse sur leurs titres.

Une vie boursière chaotique

En effet, début février, le groupe composé des réseaux Banque Populaire et Caisse d’Epargne a fait savoir qu’il avait l’intention d’acquérir les quelques 30% de capital de Natixis mis en bourse au prix de 4 euros l’action. Cette annonce fait suite à une année 2020 chaotique pour Natixis, marquée par des revenus plombés par le coronavirus, l’affaire H2O et le départ mouvementé de son patron. Ce dénouement vient, qui plus est, clôturer une vie boursière particulièrement tourmentée.

L’introduction en bourse de Natixis fin 2006 avait pourtant été un vrai succès. « Ce n’est pas étonnant car c’est un dossier tranquille », clamait à l’époque un gestionnaire d’actifs cité dans L’Express. Quelque 2,8 millions d’investisseurs particuliers avaient en effet acquis des titres pour 19,55 euros, un prix jugé à l’époque cohérent avec les estimations des analystes. Finalement, le dossier ne fut pas si « tranquille ». Empêtrée dans la crise financière de 2008, l’action Natixis est tombée à moins de 0,80 euro début 2009.

Les conditions de commercialisation au centre des critiques

Pour stopper l’OPA à 4 euros qui acterait le fait d’avoir perdu 5 fois leur mise initiale, plus de 1 600 actionnaires individuels ont signé une pétition adressée à Bruno Le Maire et l’Autorité des marchés financiers.

A la lecture des dizaines de commentaires laissés par les signataires, ce rachat vient raviver de vives douleurs. Et ce n’est finalement pas tant le prix avancé par BPCE que les conditions de la mise en vente de l’action en 2006 qui semblent être à l’origine du problème. « Notre conseillère nous a fortement conseillés d’acheter cette action à l’époque, j’en ai même pris pour les enfants, résultat : la catastrophe ! », écrit par exemple Véronique.

Un avis dont se fait aussi écho Charles-Henri d’Auvigny, président de la Fédération des investisseurs individuels et des clubs d’investissement : « Sur le prix, on ne peut pas gagner à tous les coups. Et lorsque l’on regarde le parcours boursier de Natixis par rapport à d’autres banques, il n’est pas si mauvais que cela. En revanche, ce qui est problématique est que l’introduction en bourse de Natixis se soit passée dans des conditions particulières. On a vendu des actions Natixis dans tout le réseau Banque Populaire – Caisse d’Epargne en expliquant aux clients que c’était un placement sûr. Bien évidemment, cela ne peut être le cas, car c’est un investissement en capital qui est donc par nature risqué », explique-t-il à MoneyVox.

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Un prix de rachat encore en suspens

L’annonce de la sortie de la cote de Natixis agace aussi en interne les salariés ayant souscrit aux récentes augmentations de capital de leur employeur. Comme le rapporte L’Agefi, dans le cadre de leur plan d’épargne d'entreprise, 6 700 salariés avaient acquis en 2015 des titres payés 5,29 euros l’unité. En 2018, 7 900 souscripteurs en avaient acheté au prix unitaire de 5 euros. Eux aussi vont donc y laisser des plumes.

Pourtant, à fin 2015 et fin 2018, Natixis évaluait à respectivement 4,15 et 4,05 euros par action son actif net tangible, c’est-à-dire ce que la banque possède, rapporté au nombre d’actions en circulation. Il s’agit de l’une des méthodes, la plus simple, pour évaluer la valeur d’un titre. Contactée, Natixis n’a pour l’heure pas répondu à notre sollicitation.

A 4 euros le titre, le prix offert s’avère techniquement cohérent avec la valeur comptable de Natixis à l'heure actuelle. Dans son rapport financier 2020, Natixis évalue en effet à 4,14 euros par action son actif net tangible. Ce tarif énoncé début février par BPCE reste, toutefois, encore en discussion. Ce 2 mars, l’action Natixis cote à 4,10 euros.