Les promos de votre enfance, comme « 1 produit acheté, 1 gratuit » ou « 2 pour le prix d’1 », ont disparu des supermarchés. En revanche, les réductions avec des pourcentages quelque peu surprenants tel « le 2ème à -68% » ont fait leur apparition. Une évolution qui n’est pas sans conséquence sur votre porte-monnaie.

Ces derniers mois, en faisant vos courses dans votre supermarché, vous avez peut-être remarqué du changement s’agissant des offres promotionnelles. Ces dernières seraient même plus discrètes et moins attractives que par le passé, constataient d'ailleurs en juin 2019 les consommateurs interrogés dans le cadre de l’observatoire sur la perception des prix (1). Ils attribuaient ainsi une note moyenne de 6,3 sur 10 aux promos des grandes surfaces, contre 6,6 sur 10 fin 2018.

C'est que depuis le 1er janvier 2019, dans le cadre d'une expérimentation de 2 ans, les Leclerc, Carrefour et autres Lidl, tout comme les industriels de l’agroalimentaire, doivent respecter de nouvelles règles s’ils veulent brader leurs marchandises. Elles ont été rappelées la semaine dernière par la Répression des fraudes dans un document publié sur le site du ministère de l'Economie. Parmi elles, l’interdiction du terme « gratuit » dans les messages publicitaires. C'est la raison pour laquelle les slogans comme « 1 acheté, 1 gratuit » ont disparu des emballages de vos pots de yaourt. A la place, les distributeurs et les industriels ont davantage recours au terme « offert » ou aux expressions comme « prix choc », « prix en baisse » ou « prix sacrifié » autorisées par la législation.

Depuis l’année dernière, vendre deux produits pour le prix d’un est également interdit, pour le plus grand malheur des vendeurs de champagne en grandes surfaces qui écoulaient ainsi une bonne partie de leur stock. En effet, le montant total de la réduction ne peut plus dépasser 34%. Du coup, en pratique, les revendeurs ne peuvent aller au-delà d’un produit offert par lot de trois… C’est la raison pour laquelle vous rencontrez désormais plus fréquemment les promos du type « Prenez en 3 = Payez en 2 » ou « 2+1 offert ». C’est aussi la raison pour laquelle vous ne trouvez plus des produits vendus à -50%.

A noter, ces restrictions ne s’appliquent pas aux produits dont la date de péremption approche. Ces derniers peuvent encore faire l’objet de très grosses ristournes à condition que l’enseigne n’en fasse pas la publicité à l’extérieur du magasin.

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L’ingéniosité des supermarchés pour proposer des promos alternatives

Pour continuer à attirer votre œil, les supermarchés font preuve d’ingéniosité dans la formulation de leurs promos. Ils continuent ainsi à communiquer sur des réductions de -40%, -50% et jusqu’à -68%... mais sur le 2ème produit acheté. Comme cela, les enseignes restent dans les clous. Car, rapportée à la dépense totale sur la référence, la réduction reste bien inférieure à 34%.

De même, ces derniers mois, vous avez peut-être remarqué que le caissier vous tendait plus fréquemment des bons de réductions avec votre ticket de caisse. Là encore, c’est une façon de sortir de cette réglementation expérimentale. Les bons de réduction ne sont en effet pas soumis à la limite des 34% tant que ceux-ci ne sont pas déclenchés par l’achat d’un produit spécifique. Ils peuvent par contre être liés à un montant de dépense global.

A cet encadrement concernant la valeur de l’offre promotionnelle, il existe aussi un plafonnement sur les volumes des produits en promo. Objectif : empêcher les enseignes qui achètent puis commercialisent des denrées alimentaires de tirer l’essentiel de leurs revenus des produits bradés. Dans le détail, la valeur totale d'une référence revendue en promotion ne peut dépasser un quart du chiffre d’affaires que le distributeur prévoie de réaliser par la commercialisation de ce produit. Imaginons qu'au moment de contractualiser avec un fournisseur de yaourts, la grande surface et le fournisseur anticipent qu’il va s’en écouler pour 1 million d’euros. Résultat, les ventes de yaourts en promotion ne pourront pas dépasser 250 000 euros.

Des promos qui ont coûté cher aux consommateurs

Ces limites introduites par la loi Agriculture et Alimentation, dite Egalim, ne sont pas sans conséquence pour votre budget alimentation. D’après une étude de l’UFC-Que Choisir et de la Confédération Paysanne, sortie en octobre 2019, les dispositions nouvelles – l’encadrement des promotions mais aussi la hausse du seuil de revente à perte – vont se traduire par une augmentation de 1,6 milliard d’euros sur deux ans des dépenses d’alimentation (+1,7%). Et ce, sans que l’objectif initial de la mesure, à savoir augmenter les revenus des paysans, ne soit atteint, estiment l’organisation syndicale et l’association de consommateurs.

Les distributeurs de denrées alimentaires, par l’intermédiaire de leur fédération (FEEF), sont également mécontents de cette expérimentation. Ils la rendent responsable du repli de leurs ventes. La FEEF soutient de fait une proposition de loi du Sénat, adoptée le 14 janvier, et qui vise à assouplir la contrainte portant sur le volume des biens vendus en promotion. Ce texte a toutefois peu de chance de passer à l'Assemblée nationale. Souhaitant attendre la fin de l'expérimentation, Didier Guillaume, le ministre de l'Agriculture, a donné un avis défavorable à son adoption.

(1) Observatoire OpinionWay pour Bonial et les Editions Dauvers publié en juin 2019. Il est basé sur un échantillon de 1 069 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.