La crise sanitaire du coronavirus plonge de nombreux Français dans de grandes difficultés financières. Mais le confinement « permet » aussi paradoxalement à une large partie de la population de faire (temporairement ?) des économies, et de booster leur capacité d’épargne. Un pécule qu’ils n’ont toutefois pas envie d’investir…

14 milliards d’euros stockés en plus sur les comptes courants !

19,6 milliards d’euros en plus sur les dépôts bancaires des particuliers sur le seul mois de mars 2020 ! Sur ces près de 20 milliards d’euros de « collecte », la Banque de France constate un flux positif de 13,8 milliards d’euros sur les dépôts à vue, autrement dit sur les comptes courants. Presque trois fois plus qu’au mois de février ! Et deux fois plus qu'en mars 2018 ou mars 2019. Dans ses résultats trimestriels, le Crédit Agricole confirme une forte hausse (+15%) des sommes amassées sur les comptes courants. Explication avancée par la Banque de France : « Une montée de l’épargne “forcée” liée aux restrictions sur la consommation induites par les mesures de confinement, associée à de possibles comportements de thésaurisation. » Cette « épargne forcée » devrait même atteindre « une soixantaine » de milliards d'euros « d’ici fin mai » selon une estimation livrée le 6 mai par le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, lors d'une audition à l'Assemblée nationale.

2,7 milliards d’euros en épargne de précaution sur le Livret A

La plus forte collecte nette mensuelle depuis 2009 ! En écartant le cas particulier des mois de janvier, avec le versement des intérêts de l’année écoulée, ce mois de mars 2020 est la plus importante collecte nette mensuelle depuis mars 2009, année de la généralisation de la distribution du Livret A à l’ensemble des banques, selon les données livrées par la Caisse des dépôts. Les Français ont donc massivement fait le choix de l’épargne de précaution face à la crise du Covid-19.

Source des données : communiqués mensuels de la Caisse des Dépôts sur les flux et les encours du Livret A, du LDDS et du LEP.

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2,2 milliards d’euros en moins sur l’assurance vie

Les Français ont, en revanche, massivement retiré de l’argent de leurs contrats d’assurance vie. Les retraits sont supérieurs aux versements à hauteur de 2,2 milliards d’euros sur le mois de mars selon les données de la Fédération française de l’assurance (FFA). Il s'agit de la première décollecte depuis décembre 2018. Et, comme le souligne l’économiste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne, « il faut remonter à décembre 2011, en pleine crise grecque, pour avoir une collecte nette négative d’une ampleur plus forte (-3,8 milliards d’euros) ». L’économiste ajoute que, « compte tenu du contexte anormal, cette décollecte n’est pas illogique » : « Face au risque de pertes de revenus et en raison d’un niveau élevé d’incertitudes, les ménages renforcent logiquement leur épargne de précaution. Les commerçants, les artisans et les professions libérales qui sont, en moyenne, bien équipés en contrats d’assurance vie, doivent faire face à des pertes de revenus, ne pouvant plus pour un grand nombre d’entre eux exercer leur métier. »

150 000 nouveaux boursicoteurs attirés par la crise

La Banque de France n’a pas encore livré ses données actualisées sur les Plans d’épargne en actions (PEA) à la fin mars. Mais l’Autorité des marchés financiers (AMF) laisse entendre dans une étude centrée sur les investisseurs du SBF120 (indice français plus large que le CAC40) que cette période troublée profite à la bourse. Certains investisseurs particuliers ont voulu tirer profit de la chute boursière (près de -40% pour le CAC40 entre la mi février et la mi mars, avant un léger rebond) : selon l’AMF, entre la fin février et le début avril, 580 000 Français ont investi pendant la baisse des cours, en achetant pour 3,5 milliards d’euros sur les actions du SBF120. Parmi ces investisseurs opportunistes : 150 000 boursicoteurs débutants.

Un taux d’épargne qui bondit à 20% ?

« En 2020, le taux d’épargne des Français pourrait s’établir entre 17% et 20%, bien au-delà de la moyenne de long terme », écrit l’observatoire économique du groupe BPCE (Banque Populaire-Caisse d’Epargne) dans son étude hebdomadaire de suivi de la crise du coronavirus, publiée en cette première semaine du mois de mai. Mi-avril, Olivier Vigna, directeur des études économiques de HSBC France, pronostiquait lui dans Les Echos un bond du taux d’épargne à 25% sur le 1er trimestre 2020, avant de retomber « vers 16% d’ici à fin 2021 ».

En temps normal, le taux d’épargne est déjà élevé en France : il navigue depuis plusieurs années autour de 14%, et s’approchait déjà des 15% fin 2019. Précision d’importance : cela ne signifie pas que les Français placent chaque mois ou chaque année 15% de leurs revenus sur des placements financiers ! Ce taux d’épargne global prend en compte l’ensemble du patrimoine, y compris le remboursement des mensualités de crédit immobilier et l’investissement locatif. Le « taux d’épargne financière » navigue lui ces dernières années autour de 5%.

Epargner ? Les Français ont plus d’argent mais ont peur de l’avenir

L’indicateur de la confiance des ménages tenu par l’Insee est en chute libre à cause de la crise sanitaire : l’indicateur est tombé de 103 en mars avant la mise en place du confinement à 95 en avril. La plus forte chute depuis la création de cette enquête en 1972 ! Cette enquête, menée chaque mois auprès d’un panel de 2 000 foyers français, montre que leur situation financière ne s’est pas encore dégradée. La capacité d’épargne actuelle ressort même en hausse. En revanche, les Français interrogés se montrent extrêmement pessimistes pour les prochains mois : ils sont inquiets pour leurs finances et leurs revenus futurs, pour les perspectives de chômage, et ils estiment ainsi que l’heure n’est ni aux achats importants, ni à l’investissement financier. Une étude qui explique en partie pourquoi les Français privilégient actuellement leur compte courant ou des placements rassurants tels que le Livret A.

Lire par ailleurs : les comparatifs des offres commerciales des livrets bancaires et d’une sélection de contrats d'assurance vie