Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a annoncé vendredi une mesure de défiscalisation en faveur des éleveurs bovins, mesure phare d'un « plan de reconquête de la souveraineté de l'élevage » en France décliné à l'occasion du Sommet de l'élevage dans le Puy-de-Dôme.

« Dans le budget 2024, une mesure exceptionnelle de soutien à l'élevage français prendra la forme d'une provision de 150 euros par vache, à hauteur de 15 000 euros par exploitation, soit cent vaches, afin de réduire l'imposition des éleveurs qui résulte de l'augmentation de la valeur de leur stock », a indiqué M. Le Maire dans un entretien au quotidien régional La Montagne.

« C'est une demande forte du monde de l'élevage. En ces temps de disette budgétaire nous avons voulu malgré tout y accéder », a ajouté celui qui fut ministre de l'Agriculture de 2009 à 2012.

Lors d'une visite au Sommet de l'élevage à Cournon-d'Auvergne (Puy-de-Dôme), Bruno Le Maire a précisé que la mesure allait coûter « plusieurs dizaines de millions d'euros ». La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) s'est félicitée dans un communiqué d'une « victoire pour les éleveurs » résultant de son « action déterminée » auprès du ministre.

« Stopper la décapitalisation »

Le syndicat majoritaire rappelle avoir depuis des mois alerté le gouvernement « sur une dégradation inédite des trésoreries des éleveurs, due à une augmentation de la valeur des vaches allaitantes et laitières du fait des hausses de marché et de l'inflation. Cela entraîne une augmentation d'impôts et des cotisations sociales sans réel enrichissement ».

En clair : la valeur comptable des vaches augmente avec l'inflation - alors même qu'elles ne produisent pas plus de lait ou de veaux -, ce qui in fine fait augmenter les impôts de l'exploitant. Sur le plan comptable, les vaches sont du « stock immobilisé ».

« Nous devons stopper la décapitalisation (baisse, ndlr) du cheptel bovin francais », a asséné M. Le Maire au Sommet de l'élevage. « Nous devons stopper cette hémorragie comme nous sommes arrivés depuis quelques années à stopper l'hémorragie industrielle ».

Sans défiscalisation, « des éleveurs pourraient être tentés de vendre quelques vaches » pour réduire leur impôt

Cette mesure est de fait perçue comme un moyen de lutter contre la baisse du cheptel et le recul de la production française de boeuf et de lait. Sans défiscalisation, « des éleveurs pourraient être tentés de vendre quelques vaches » pour réduire leur impôt, ce qui risque de se traduire par une « perte de capacité de production », avait souligné le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, mercredi lors d'une conférence de presse.

Au contraire, la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, a estimé dans un communiqué que la défiscalisation n'était « pas la solution à la décapitalisation des troupeaux » et ne résolvait pas « le problème de transmission des fermes ». Alors que les professionnels craignent aussi de faire les frais de la volonté gouvernementale de baisser le coût de l'alimentation, M. Le Maire a assuré qu'il « (veillerait) à la défense des intérêts » des agriculteurs lors des négociations annuelles entre les supermarchés et leurs grands fournisseurs de l'agroalimentaire.

Bercy porte actuellement un projet de loi pour avancer la date du début de ces négociations dans l'espoir de faire tomber les prix plus vite. « La baisse des prix en rayons ne doit pas se traduire par un effort des producteurs mais par un effort des distributeurs et des industriels », a affirmé vendredi M. Le Maire. Il va notamment demander à l'Inspection générale de finances (IGF) de veiller « au respect des marges des producteurs », conformément aux lois Egalim qui protègent les revenus des agriculteurs.

Dans un communiqué commun publié vendredi soir, les ministères de l'Agriculture et de l'Economie évoquent « un plan de reconquête » où ils réaffirment leur volonté de préserver les revenus des éleveurs à court terme tout en améliorant la compétitivité des filières à long terme.

Ils listent les priorités pour ce secteur, allant de « l'amélioration du revenu des éleveurs » à « la prise en compte de la durabilité du mode de production », au renforcement de la recherche pour « améliorer la résilience des filières d'élevage face au changement climatique ».

Par exemple, en « faisant une réalité de l'obligation, pour la restauration collective, d'utiliser à compter du 1er janvier 2024, au moins 60% de produits de viande issus d'élevage durable ou sous signe officiel de qualité et d'origine ». Ou encore en fléchant vers l'élevage « 400 millions de prêts garantis (...) dans les prochaines années ».