Les 20% des foyers les plus aisés risquent de ne pas profiter tout de suite de la suppression de la taxe d'habitation, prévient Emmanuel Macron. Une décision susceptible de faire gagner plusieurs milliards d'euros à l'Etat.

C’est une petite phrase qui fait grincer des dents. Celles des 20% foyers fiscaux les plus aisés qui pourraient ne pas profiter tout de suite de la suppression de la taxe d’habitation. Pour sa première interview du quinquennat à l’occasion du 14 juillet, Emmanuel Macron a émis, mardi, l’idée d’en décaler l’application « pour les plus fortunés d'entre nous ».

Pourquoi les « plus fortunés » sont visés ?

Promesse de campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, la suppression de la taxe d’habitation, a été actée pour 80% des foyers fiscaux. Ils en sont exonérés, depuis cette année, après une baisse progressive en 2018 et en 2019. Pour les 20% des foyers les plus aisés ( 2 500 euros nets de revenus mensuels pour un célibataire), en revanche, l’exonération ne doit débuter, en théorie, qu’en 2021, avec une baisse d’un tiers en 2021, de deux tiers en 2022, avant d’être définitivement supprimée sur toutes les résidences principales en 2023.

Lire aussi : Qui ne paiera pas plein pot la taxe d'habitation ?

Sauf que la crise du coronavirus est passée par là. Le chef de l’Etat a annoncé mardi qu'« au moins 100 milliards d'euros » de plus seront consacrés à « la relance industrielle, écologique, locale, culturelle et éducative » pour permettre à la France de rebondir. Une nouvelle injection d'argent public prévue pour « la rentrée » et qui s'ajoutera aux 460 milliards déjà engagés en mesures sectorielles et de soutien à l'économie depuis le début de l'épidémie. Alors que le déficit public va atteindre 11,4% du PIB cette année, l’exécutif a besoin de trouver des marges de manœuvre.

Pas question d’augmenter les impôts, car sinon « les gens ne consomment pas, le doute s'installe et le pays ne repart pas », explique le chef de l’Etat. L’une des pistes serait donc, non pas d’augmenter les impôts, mais de ne pas les baisser. Une différence que certains jugeront ténue. A la décharge du chef de l’Etat, il ne voulait pas, à l’origine, supprimer la taxe d’habitation pour les plus aisés. C’est le Conseil constitutionnel qui lui avait enjoint de le faire pour éviter toute rupture d’égalité des citoyens devant l’impôt.

Combien l’Etat pourrait-il économiser ?

La suppression définitive de la taxe d’habitation pour 80% des ménages coûte 10 milliards d’euros à l’Etat, qui s’est engagé à compenser l’intégralité du manque à gagner auprès des collectivités locales. La suppression totale pour les 20% restant est évaluée à près de 7 milliards d’euros à l’horizon 2023. Si l’exécutif venait à la reporter, « le gain pour les finances publiques est estimé par Bercy à 2,4 milliards d'euros en 2021, et à 2,9 milliards en 2022 », soulignent Les Echos.

Une cagnotte non négligeable qui pourrait avoir l’avantage pour le chef de l’Etat (même s’il refuse de rétablir l'impôt sur la fortune) de montrer qu’il a entendu, en partie, les appels répétés à gauche de faire contribuer les plus riches pour financer la lutte contre la crise sanitaire et économique.

Le report peut-il durer longtemps ?

La réponse est visiblement non. Alors que le Premier ministre devrait préciser les contours d’un éventuel report de la suppression de la taxe d’habitation ce mercredi après-midi lors de son discours de politique générale, celle-ci, selon les experts, ne pourrait pas, juridiquement, tenir la route sur la durée. « Pour passer l’examen constitutionnel, le gouvernement devra donc inscrire l’horizon à partir duquel il pense pouvoir entamer la suppression totale de la taxe d’habitation, dans la prochaine loi de finances », explique Alexandre Maitrot de la Motte, professeur de droit public, interrogé par le quotidien L’Opinion. « C'est un décalage de court terme, pas un renoncement. A priori, nous pourrions décaler d'un an cette suppression totale sans risque d'inconstitutionnalité », indique une source gouvernementale, interrogée par Les Echos.