L'Etat souhaite renationaliser EDF et pour ce faire propose de racheter les actions qu'il ne détient pas encore au prix de 12 euros par titre. Une offre qui est loin de séduire de nombreux petits actionnaires. Mais pourront-ils obtenir mieux ?

C'est une offre qui ne passe pas. Début octobre, l'Etat a officiellement lancé le processus de renationalisation d'EDF, une opération à 9,7 milliards d'euros pour relancer un vaste programme nucléaire. « Nationaliser EDF, c'est nous donner toutes les chances d'être plus indépendants dans les années qui viennent en matière énergétique, plaide le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. C'est une décision stratégique forte et nécessaire pour le pays ».

Pour cela, l'Etat s'est engagé à acheter les 16% du capital d'EDF qu'il lui manque au prix de 12 euros par action. Une proposition validée fin octobre par le conseil d'administration du groupe, mais qui ne convient pas à certains petits porteurs.

Un prix par action très loin de 32 euros

Pour Energie en actions, une association composée d'actionnaires salariés et d'anciens salariés du groupe EDF, ce prix est clairement insuffisant et ne permet absolument pas d'indemniser les actionnaires fidèles qui ont fait confiance en l'Etat en participant à l'ouverture du capital en 2005. » En effet, près de 5 millions de particuliers avaient alors acheté des titres à 32 euros.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) a pourtant validé l'opération il y a une dizaine de jours. « L'AMF ne fixe pas le prix. Nous contrôlons la conformité de l'offre. Cela signifie notamment que nous vérifions la pertinence des méthodes et hypothèses retenues pour fixer le prix. Nous nous assurons que le travail de l'expert indépendant couvre l'ensemble des sujets relatifs à l'évaluation de la société et qu'il y a suffisamment d'informations données aux investisseurs pour qu'ils puissent faire leur choix », a ainsi expliqué aux Echos, la nouvelle patronne de l'AMF Marie-Anne Barbat-Layani.

« Le prix est inacceptable »

« Le prix de vente de l'action fixé à 12 euros dans le cadre du processus de renationalisation d'EDF est inacceptable. Le cours de bourse en berne est la conséquence des décisions prises par l'Etat sur EDF. Il y a clairement une situation de conflit d'intérêt de l'Etat qui réclame la renationalisation d'EDF, mais qui est en même temps responsable de l'intérêt général, mais aussi en tant qu'actionnaire majoritaire, responsable de l'intérêt de la société et de ses actionnaires. Dans ce contexte actuel, il est impossible de déterminer le juste prix de l'action EDF », souligne Colette Neuville, présidente de l'Adam (Association de défense des actionnaires minoritaires), interrogée par MoneyVox.

A ses yeux, la renationalisation d'EDF doit se solder par une opération blanche pour ses actionnaires. En retranchant les 15,42 euros de dividendes reçus par action depuis 2005, elle estime que le prix de vente équitable serait de 16,58 euros et non pas 12 euros.

Les minoritaires ont intérêt à attendre

Dans cette situation, elle conseille aux actionnaires de ne pas apporter leurs titres à l'offre de 12 euros qui court jusqu'au 22 décembre. En effet, si l'Etat atteint la barre de 90% du capital d'EDF et des droits de vote, il peut mettre en place une procédure de retrait obligatoire des actions EDF de la bourse. Elle contraint alors les actionnaires minoritaires restants de vendre leurs titres.

« Si l'Etat qui aujourd'hui a 84% du capital, n'arrive pas à atteindre les 90% à l'issue de l'opération, il ne pourra pas imposer un retrait obligatoire, et serait alors obligé de bonifier son offre. Pour autant, je suis assez sceptique sur l'issue de ce scénario. Je crains que l'Etat n'arrive à atteindre la barre des 90% car certains fonds qui font partie des actionnaires souhaitent récupérer leur argent au plus vite », souligne Colette Neuville. Selon une déclaration publiée ce jeudi par l'AMF, l'Etat détient déjà plus de 85% du capital et de 90% des droits de vote d'EDF.

Mais rien n'est joué encore car la bataille fait rage aussi sur le plan judiciaire. De nombreux recours ont été lancés contre l'offre présentée par l'Etat. Selon les révélations du site L'Informé, le Fonds commun de placement d'entreprise Actions EDF et l'association Énergie en actions ont obtenu la tenue d'une audience lundi 5 décembre devant le tribunal de commerce de Paris, avec pour objectif de faire annuler la décision du conseil d'administration d'EDF validant les conditions de l'offre publique d'achat de l'Etat sur le solde du capital qu'il ne détient pas encore. Ils réclameraient une réévaluation à hauteur de 15 euros minimum par action.

La bataille judiciaire ne fait probablement que commencer. « Le fonds et les associations d'actionnaires salariés réfléchissent à d'autres recours possibles pour faire entendre leurs arguments », ajoute L'Informé, qui évoque la possibilité de contester la déclaration de « conformité de l'offre » de l'AMF devant la Cour d'appel de Paris

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