Bercy a cédé aux demandes insistantes des assureurs. Un arrêté doit être publié dans les prochains jours pour leur permettre d’inclure les réserves de richesse des fonds en euros dans leurs calculs de solvabilité. Une mesure « technique » destinée à faire face aux taux négatifs.

Provision pour participation aux excédents (PPE) ou provision participation aux bénéfices (PPB) : derrière ce terme technique se cache un instrument stratégique des assureurs pour jouer sur les rémunérations des fonds en euros des assurances vie. Cette PPB est une réserve de richesse que les assureurs peuvent doter, chaque année, à condition de rendre les bénéfices ainsi stockés dans les 8 ans aux assurés. Car cette PPB appartient aux épargnants ! Initialement, la raison d’être de cette PPB est de pouvoir lisser les rendements du fonds en euros, pour éviter les à-coups dus aux soubresauts financiers.

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Problème : la conjoncture durable de taux bas, voire négatifs, met les assureurs en difficulté financière. Car ils ont des comptes à rendre exigeants (vis-à-vis des régulateurs financiers) en matière de fonds propres et de solvabilité. Des règles visant à éviter toute faillite d’une compagnie d’assurance. Les assureurs ont donc demandé à Bercy si cette fameuse PPB pourrait être comptabilisée comme des fonds propres, et ce même si elle doit être rendue, in fine, aux assurés.

« Sans impact pour les assurés »

Mardi, lors d’une table ronde organisée par le cabinet spécialisé Optimind, le sous-directeur assurance à la direction du Trésor, Lionel Corre, a affirmé avoir envoyé un projet d’arrêté en ce sens au Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF), selon des informations rapportées par L’Agefi, La Lettre de l’assurance et Les Echos. Une mesure présentée comme purement « technique » par Bercy et les assureurs, et donc « sans impact pour les assurés », affirme Lionel Corre.

Plus concrètement, le projet d’arrêté, cité par Les Echos, précise que les assureurs pourraient piocher dans cette PPB dans des « circonstances exceptionnelles », autrement dit si la compagnie est au bord de la faillite. Si la compagnie d'assurance finit par couler, les assurés pourraient donc être privés de cette PPB. A ce jour, ce scénario extrême reste improbable. A court terme, nul besoin pour les assureurs de piocher dans cette réserve : mais ce nouveau recours leur permet d’inclure la PPB dans leur scénario catastrophe. Et donc leur offre plus de souplesse dans les comptes à rendre aux régulateurs. Le projet d’arrêté précise toutefois que si un assureur devait piocher dans cette PPB, et qu’il évitait ainsi la faillite, il devrait tout de même la restituer « sous un délai minimal de 8 ans ».

« Faire main basse » sur des sommes appartenant aux assurés

Fin novembre, quand cette éventualité a pour la première fois filtrée dans la presse, le vice-président de la fédération des associations d’épargnants (Faider), Jean Berthon, avait réagi vertement : « Cette façon de vouloir faire main basse sur la PPE est totalement extravagante car c’est l’argent qui provient du produit financier des placements de l’assurance vie. » Le Trésor, cité par Investir, insiste toutefois sur le fait que les assurés « ne seront pas perdants ». Une fois passée l’étape du CCLRF, l’arrêté devrait immédiatement être publié au Journal officiel, du moins avant le 31 décembre, afin que les assureurs puissent utiliser cette nouvelle astuce dans leurs ratios de solvabilité comptant pour l’année 2019.

A ce jour, selon le site spécialisé Good value for money, les assureurs disposant d’un niveau de PPB le plus important sont GMF, MMA ou encore ACM (assureur du Crédit Mutuel Alliance fédérale).